10 films à voir sur Arte.tv cet été

Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais “J’ai vu plus de 400 films entre avril et octobre 2016. Les images qui suivent en sont toutes issues.” En se noyant dans les images des autres, Frank Beauvais cherche à panser ses propres...

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Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais

“J’ai vu plus de 400 films entre avril et octobre 2016. Les images qui suivent en sont toutes issues.” En se noyant dans les images des autres, Frank Beauvais cherche à panser ses propres blessures, comme pour fuir un réel devenu intolérable et se fondre dans sa doublure fantasmée et virtuelle construite par le cinéma. Ce geste vertigineux rend compte des nouveaux possibles permis par Internet, les DVD et le téléchargement illégal ; chaque spectateur·ice peut se perdre dans le flux continu des images.

Se pose alors une question : s’agit-il d’un exutoire, d’une fenêtre libératrice ou plutôt d’un enfermement progressif ? Le magnifique texte lu en voix off (et depuis édité chez Capricci) sonde cette ambivalence, tout en nous interrogeant sur notre propre rapports aux images. Les extraits reflètent progressivement la chronique d’une dépression ; mais cette situation intime finit par devenir un miroir collectif, sur notre lien au monde et aux autres. Comme par anticipation, le film de Beauvais a saisit un sentiment de claustration tout contemporain, qui a atteint son apogée lors de la crise du Covid-19 et qui peut, aussi, nous saisir le temps d’un été.

L’Esprit de la ruche de Víctor Erice

Le dernier film de Víctor Erice, Fermer les yeux, nous a ébloui·es lors du dernier Festival de Cannes. Si le film nous émeut tant, cela s’explique par la rareté du cinéaste, qui n’avait pas tourné depuis plus de trente ans et qui, pour l’occasion, retrouve Ana Torrent, l’actrice qu’il avait révélée dans son 1er film, L’Esprit de la ruche. Bon nombre de films sur l’enfance compte parmi les plus beaux de l’histoire du cinéma – citons, par exemple, La Nuit du chasseur de Laughton, Fanny et Alexandre de Bergman, Bonjour d’Ozu, Zéro de conduite de Vigo. Sans nul doute, le chef-d’œuvre d’Erice peut rejoindre cette liste prestigieuse.

Le film se déroule en 1940, après la victoire franquiste, et suit le quotidien de la petite Ana, âgée de six ans, et de sa famille dans un village perdu du plateau castillan. Un jour, elle découvre Frankenstein de James Whale grâce à un cinéma ambulant. Porté par l’imaginaire d’une enfant, le film se mue progressivement en film de fantôme, et vient peu à peu former une métaphore cryptique sur la situation politique d’un pays.

Passe-Montagne de Jean-François Stévenin

L’acteur apparu chez Rivette, Godard, Truffaut, Cavalier, Téchiné, Huston, Demy, Godard, Ruiz ou Jarmusch était aussi le réalisateur passionnant de trois films, dont Passe-Montagne et Mischka, disponibles sur Arte. Dans Passe-Montagne, Georges (Jacques Villeret), un architecte, tombe en panne de voiture dans le fin fond du Jura et est remorqué par Serge (Jean-François Stévenin), qui l’emmène jusqu’à sa ferme. Au fil de longues séquences silencieuses, le temps se dilate, les deux hommes finissent par s’ouvrir l’un à l’autre et partager une durée commune dans un cadre commun. Ce que filme Stévenin, c’est l’apparition progressive de l’amitié, qui vient lier deux êtres et transfigurer le temps et l’espace – et on en reste bouleversé.

Les Petites Marguerites de Věra Chytilová

Quoi de mieux pour cet été que de s’imprégner de l’esprit contestataire et libertaire porté par la Nouvelle Vague tchèque dans les années 1960 ? Les Petites Marguerites de Věra Chytilová suit deux filles fofolles, qui décident de faire tout et n’importe quoi dans une sorte de délire anarchiste jouissif. Comme par contamination, la folie des personnages déborde la mise en scène ; lorsque les deux filles se mettent à tout attaquer à coup de ciseaux, la pellicule elle-même commence à se fragmenter pour ressembler à un collage d’images hétérogènes. Les Petites Marguerites, c’est l’insolence faite cinéma : cet anti-programme esthétique, en plus d’être un formidable laboratoire formel, est d’une puissance politique inouïe.

Raining in the Mountain de King Hu

Si Raining in the Mountain est moins connu que A Touch of Zen ou Dragon Gate Inn, il constitue pourtant une sorte d’aboutissement formel dans l’œuvre de King Hu, et pourrait bien être son meilleur film. L’histoire se déroule pratiquement entièrement au sein d’un monastère, où deux bandes rivales se disputent un parchemin inestimable. En respectant une unité de lieu, d’action et de temps, le maître du wu xia pian (ou film de sabre chinois) atteint une forme épurée qui condense de manière vertigineuse toute la virtuosité de sa mise en scène. La fluidité des actions, la précision du montage et l’enchaînement redoutable des séquences provoquent un plaisir visuel grisant. En réordonnant le monde, cette maestria formelle répond à une vision du monde et charrie avec elle la dimension spirituelle bouddhiste, qui était déjà en jeu de manière plus explicite dans A Touch of Zen.

Rocco et ses frères de Luchino Visconti

Avant d’entamer sa veine baroque, initiée avec Le Guépard, Luchino Visconti dressait un portrait très sombre de l’Italie prolétaire avec Rocco et ses frères. Ce chef-d’œuvre néoréaliste suit une famille pauvre de l’Italie du Sud, composée d’une mère et de ses cinq fils, qui s’installe à Milan et tente de s’y intégrer tant bien que mal. Pour les jeunes frères, la boxe apparaît comme le seul moyen d’obtenir de l’argent, mais cette quête de statut social finira progressivement par déchirer la fratrie. Avec ce rôle dostoïevskien, Alain Delon trouve l’un de ses plus beaux rôles et porte avec lui la fin d’un monde.

Matador de Pedro Almodóvar

Avec Matador, Almodóvar propose un film plus sombre que ses 1ères comédies exubérantes. Ángel est un jeune homme troublé et impuissant, qui vit aux côtés d’une mère tyrannique et est fasciné par son ténébreux mentor, le matador Diego Montes. Comme dans ses 1ers films, Almodóvar brasse de nombreux thèmes en brisant tous les tabous et avec un sens de l’humour particulièrement grinçant. La religion, le viol, les meurtres, les fantasmes nécrophiles se mélangent dans cette fable profondément amorale, illuminée par la présence du tout jeune Antonio Banderas.

La Fille à la valise de Valerio Zurlini

La réunion à l’écran de Claudia Cardinale et de Jacques Perrin devrait suffire à vous convaincre de découvrir ce magnifique mélodrame signé Valerio Zurlini. Lui joue un adolescent rêveur issu de bonne famille, tandis qu’elle interprète une jeune chanteuse pauvre, qui vient de se faire abandonner par son riche amant. Dans ce mélodrame mélancolique, l’idéalisme des personnages vient se heurter à la réalité sordide de l’Italie des années 1960. La puissance du film atteint son apogée lors des séquences musicales, où tout se joue dans le jeu de regards où se lit la passion qui unit les deux protagonistes. En plus de ce très beau film, Arte a la bonne idée de mettre en ligne Été violent.

Deux ou trois choses que je sais d’elle de Jean-Luc Godard

En plus de Masculin, féminin, La Chinoise, Je vous salue, Marie ou encore Sauve qui peut (la vie), Arte partage Deux ou trois choses que je sais d’elle, dans lequel Godard capturait l’air du temps pré-Mai 68. Dans ce film à l’allure d’enquête sociologique, Godard s’inspire d’un article paru dans Le Nouvel Observateur consacré à la prostitution occasionnelle dans les grands ensembles de la banlieue parisienne. La prostitution apparaît comme le modèle privilégié du cinéaste pour interroger les rapports humains. Comme à son habitude, Godard bouscule toutes les règles cinématographiques pour provoquer en permanence la pensée du spectateur par des mixages sonores et un montage audacieux – une inventivité formelle qui atteint son apogée lors d’une conséquence où le cosmos est contenu dans une tasse de café.

La Habanera de Douglas Sirk

L’an dernier, les films de la période allemande du maître Douglas Sirk ressortaient en salle. Si vous avez loupé cette magnifique rétrospective, Arte vous donne une seconde chance en mettant ligne La Habanera. Avant ses mélodrames flamboyants hollywoodiens, Douglas Sirk clôturait sa période allemande avec ce mélodrame, où une jeune Suédoise tombe amoureuse de l’homme le plus influent de Porto Rico. Elle décide alors de rester là-bas, mais le rêve se transforme peu à peu en cauchemar et l’île devient une véritable prison à ciel ouvert. La virtuosité du cinéaste est déjà en germe dans cette satire sociale où les passions tragiques s’expriment en de magnifiques mouvements de caméra.