10 films pour assouvir la mélancolie de la vie avant Covid
En ces temps mornes et incertains où chaque moment de joie risque d’être frappé par une allocution de Jean Castex, chacun ressasse en boucle la liste des activités désormais interdites à cause de la crise sanitaire. Alors que faire ? Premièrement...
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En ces temps mornes et incertains où chaque moment de joie risque d’être frappé par une allocution de Jean Castex, chacun ressasse en boucle la liste des activités désormais interdites à cause de la crise sanitaire. Alors que faire ? Premièrement et comme toujours d’ailleurs, écouter Jean-Luc Godard qui déclarait "Le cinéma est la plus belle escroquerie du monde." Embrassons donc cette sublime arnaque, réfugions-nous sans réserve au cœur des images pour vivre par procuration les plus belles fêtes, le temps que le monde se soigne !
Le manque des concerts : The Blank génération d’Yvan Krall et Amos Poe (1976)
Sentir son corps entier vibrer au son des riffs de guitare, se faire piétiner par des inconnus dans des caves obscures, rentrer chez soi collant de sueur et les oreilles sifflantes pour les trois prochains jours… Rien de plus jouissif qu’un concert et de rock, de préférence. Alors autant choisir parmi les meilleurs et revivre la naissance de la scène punk new-yorkaise comme si on y était. Dans ce home movie chaotique, les images arrachées à la volée des premiers pas d’icônes sulfureuses - Blondie, Patti Smith, New Yorks Dolls, Talking Heads, Television ou encore les Ramones - font désormais office de reliques.
Le manque bars : Mektoub, my love : canto uno d’Abdellatif Kechiche (2018)
À chaque bar, son ambiance et son résidant type. Les piliers de comptoir se retrouveront bien volontiers dans le Barfly de Barbet Schroeder, en sosie de Bukowski ; les bandes d’amis dans le Husbands de Cassavetes pour les plus moqueurs, ou dans le Bande à part de Godard pour les infatigables danseurs. Tout un chacun sera transporté en revanche par les nuits chaudes et ivres de Mektoub, my love où les jeunes protagonistes voguent de rade en rade dans un joyeux va-et-vient. Dans la langueur des vacances d’été, l’humeur est à la fête loin de la capitale et tous les corps viennent s’entasser dans ces temples sacrés.
Le manque des cinémas : Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré (2018)
Difficile encore d’imaginer un quotidien sans cinéma, dépourvu de ce lieu de rencontre privilégié et intime avec le monde extérieur. Pour Arthur et Jacques, la rencontre ne se fera pas avec un film mais avec l’autre, au cœur d’une salle obscure de Rennes. “La vie est plus étonnante que les films”, déclare Arthur (Vincent Lacoste). “La vie est plus conne que les films”, préfère répondre Jacques (Pierre Deladonchamps). Alors que le premier, charmeur, a confiance en l’avenir prometteur, l’autre, atteint du sida, compte déjà les jours qui le séparent de la fin. Toute la beauté déchirante de leur histoire tient dans ces mouvements contraires, dont la salle de cinéma aura permis un temps la coïncidence.
Le manque des clubs : Millennium Mambo de Hou Hsiao-hsien (2001)
Des boîtes de nuit, on retient l’ambiance électrique, les visages éclairés par d’étranges halos fluorescents, les basses assourdissantes et le temps suspendu. C’est le quotidien de Vicky (hypnotisante Shu Qi), serveuse dans un night-club de Taipei et petite amie d’un DJ possessif au chômage - qui n’a manqué de reproduire l’exacte même atmosphère dans leur appartement. L’histoire est simple : celle d’un couple qui se délie absorbé tout entier par le monde de la nuit. Jamais pourtant ces êtres qui fuient la lumière n’auront paru dépeints avec une telle justesse et les images deviendront vite obsédantes comme un rythme de techno.
Le manque des soirées en appart : Les nuits de la pleine lune d’Eric Rohmer (1984)
À six maximums dans un appartement, difficile d’organiser une soirée mousse géante version The Party de Blake Edwards ou de penser croiser les futurs Daft Punk comme dans Eden de Mia Hansen-Løve. Notre solution contre la dépression ? Lancez sur votre enceinte "Les tarots" d’Elli et Jacno et imaginez-vous face à Bulle Ogier dans sa robe noire à fermeture éclair, à côté d’un jeune dandy nommé Luchini. Vous côtoyez l’icône de la génération növo, disparue beaucoup trop tôt, plus désabusée et subjuguante que jamais dans ce grand appartement parisien. Profitez-en, tout cela n’est qu’un rêve de pleine lune.
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Le manque du théâtre : Opening Night de Cassavetes (1977)
Elles sont nombreuses à avoir foulé les planches, même au cinéma. On pense tout d’abord à Bette Davis, la légendaire et capricieuse Margo Channing dans All about Eve, puis à Summer Phoenix, sublime Esther Kahn chez Desplechin. Mais c’est peut-être la silhouette titubante de Myrtle Gordon qui nous reste le plus en mémoire. Gena Rowlands incarne une actrice alcoolique et solitaire, qui redoute un rôle pourtant taillé pour ses frêles épaules. De la loge, purgatoire de murs blancs, à la grande entrée en scène face au public impatient, seulement deux issues sont possibles : tragique ou magistrale.
Le manque des voyages : Elle et lui de Leo McCarey (1957)
Vous avez envie de prendre le large sans passer quinze jours de quarantaine entre chaque escale ? Monter à bord du paquebot qui emmène Cary Grant et Deborah Kerr vers des flots tumultueux. Si chacun des deux est attendu sur la terre ferme par un amoureux transi, le coup de foudre ne prévient pas. Ils se donneront rendez-vous six mois plus tard en haut de l’Empire State Building pour voir si le flirt n’était que passager. Avec un humour irrésistible, Leo McCarey a lui-même orchestré ce remake de son propre film de 1939 et signe une des plus belles histoires d’amour du cinéma.
Le manque des cafés : Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch (2003)
Certes le goût d’une pinte de bière blonde à quatre euros - quinze si vous êtes parisien·ne - vous rend nostalgique, mais qu'en est-il de celui d’un bon café âcre assorti de son indémodable cigarette ? Si vous préférez l’accompagner d’un livre en terrasse, nous vous conseillons n’importe quel film de la Nouvelle Vague, sinon vous trouverez sûrement votre bonheur dans un des onze courts-métrages de Coffee and Cigarettes. Jarmusch filme les conversations fatiguées de ses plus proches amis : Tom Waits, Iggy Pop, les White Stripes ou encore Bill Murray.
Le manque de draguer : L'Amour l’après-midi de Rohmer (1972)
Vous n’aimez pas la froideur des applications de rencontre et vous vous surprenez en ce moment à séduire votre postière ou votre boulanger ? Tout n’est perdu pour vous, certain·nes s’imaginent même posséder des colliers émettant des fluides magnétiques capables d’annihiler toute volonté étrangère. On pense bien sûr à Bernard Verley dans le dernier des contes moraux, qui réussit à séduire toutes les héroïnes rohmériennes qui passent sous ses yeux, dans une scène de rêve mémorable. Seule Béatrice Romand, la têtue Laura du Genou de Claire lui résistera, évidemment.
Le manque de la fac : Kaboom de Gregg Araki (2010)
Enfermé·es dans votre 15m2, la faculté en vient à vous manquer mais pas forcément ses cours soporifiques... Pour revivre la vie agitée du campus, rien de mieux que Dazed and Confused de Richard Linklater ou Kaboom de Gregg Araki. Dans les deux cas, difficile d’imaginer les orgies et les beuveries sous masques. Dans ces deux fresques incontournables sur la vie étudiante, on notera surtout le style de Thomas Dekker et la coupe inimitable de Matthew McConaughey.
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