10 mai 1981: La présidence Mitterrand a permis des avancées considérables pour le monde enseignant

Renée Boudouresque, maîtresse auxiliaire de lettres classiques, avait mis fin à ses jours à Nice en 1976…À l’approche de l’élection présidentielle de 1981, l’espoir de titularisation des auxiliaires de l’Éducation Nationale, ces personnels...

10 mai 1981: La présidence Mitterrand a permis des avancées considérables pour le monde enseignant

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Sur cette photo prise le 14 avril 1981, le candidat socialiste à l'élection présidentielle François Mitterrand prononce un discours lors d'un meeting de campagne à Sochaux, dans l'est de la France. (Photo by JEAN-CLAUDE DELMAS / AFP)

Renée Boudouresque, maîtresse auxiliaire de lettres classiques, avait mis fin à ses jours à Nice en 1976…

À l’approche de l’élection présidentielle de 1981, l’espoir de titularisation des auxiliaires de l’Éducation Nationale, ces personnels qualifiés (bac+3, bac+4 voire plus) qui représentaient jusqu’à 30%, dans nombre d’établissements, des vacataires ou contractuels de la Fonction publique repose sur l’élection d’un candidat de gauche. Cet espoir est inscrit dans une des 110 propositions du candidat François Mitterrand. Pour ce qui est des maîtres auxiliaires, il fait l’objet d’un courrier spécifique de Pierre Bérégovoy, directeur de campagne du candidat Mitterrand au SNES.

“L’expression ‘bouche-trous’ prend tout son sens”

Il faut dire que dès 1975 le syndicat majoritaire, le SNES, fait sienne la revendication de titularisation des auxiliaires dont la mobilisation est d’ailleurs exemplaire à la fin de la décennie: des “collectifs” constitués publient des enquêtes sur leur condition de formation, de travail (“Auxiliaires en lutte” -Comité de lutte de la Région parisienne, “Livre noir de l’auxiliariat”, -Académie de Nice).

Le 10 mai 1981 est, à ce titre, une date emblématique pour les enseignants auxiliaires. Ce soir-là l’angoisse du chômage s’estompe enfin pour ces milliers de professeurs qui espèrent la reconnaissance des missions effectuées.

 

L’espoir de titularisation des auxiliaires de l’Éducation Nationale, ces bac+3 et bac+4 qui représentaient jusqu’à 30% des vacataires ou contractuels est inscrit dans l'une des 110 propositions du candidat Mitterrand.

 

Dès l’été, en attendant le Plan de titularisation, Alain Savary, Ministre de l’Éducation nationale, annonçait que le réemploi des MA serait assuré en septembre. 

Le Président, tout comme le ministre Anicet Le Pors (PCF) chargé de la Réforme au titre de la Fonction publique, veut donner à ces Maîtres la légitimité qui leur avait été refusée et  leur rendre la dignité. “Si l’état a pu assurer sa mission de service public en continuité, relève Claire Bernard-Steindecker, c’est dans le recours parallèle à une population-substitut, celle précisément des non-titulaires. Pourtant, ces derniers demeurent des agents ‘illégitimes’. Les nommer ‘hors-statut’, c’est certes les camper hors de la légalité mais c’est aussi et surtout les priver de la légitimité consubstantielle au titre de fonctionnaire” (Le demi-échec de la réforme des agents non titulaires de la Fonction publique en France (1982-1986), Revue française de science politique  Année 1990).

La démarche n’en est pas moins pragmatique: l’embauche de ces auxiliaires signait les défaillances de l’État dans la gestion prévisionnelle des besoins. Et Claire Bernard-Steindecker de poursuivre: “il est patent que |…] les ajustements à la marge ont longtemps prévalu en la matière. L’expression ‘bouche-trous’ pour désigner certains auxiliaires prend tout son sens”.

Inégalités de traitement aux plans salarial et statutaire

La démarche est enfin d’en finir avec les inégalités de traitement tant au plan salarial que statutaire et d’éviter ainsi que le sort des auxiliaires “tire (la profession) inévitablement vers le bas” (Charles Vial, Le Monde, 8 janvier 1981). De fait, “l’auxiliarisation des titulaires” s’illustrait par la bivalence imposée sans formation, comme assurer par exemple une partie du service d’un professeur documentaliste pour les agrégés et certifiés ou de la surveillance pour les Adjoints d’enseignement. 

Le Plan de résorption de l’auxiliariat contenu dans la loi Le Pors du 11 juin 1983  a titularisé, en cinq ans, les cinquante mille maîtres auxiliaires (M.A) en exercice à cette date en dépit de la résistance toute corporatiste de certains comme celle de la Société des Agrégés.

Ce Plan dit ce que les maîtres auxiliaires ont clamé après que leur parole se fut libérée: le haut niveau de formation (les concours), s’il est nécessaire, n’est pas suffisant. Le professeur se distingue aussi par sa maîtrise de la pédagogie, souvent fruit à cette époque d’une formation “sur le tas”. C’est une Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) avant la lettre. 

La joie procurée par la promesse tenue sera à nuancer quelque peu…l’intégration des auxiliaires s’effectue dans un corps subalterne, celui des Adjoints d’enseignement dont le statut et l’échelle de rémunération étaient inférieurs à celui des professeurs certifiés. Dans de trop nombreux cas, ils sont affectés hors académie d’origine faute de la reconnaissance précise de leur carrière d’auxiliaire dans le barème d’affectation.

Pour autant, la question des ajustements de rentrée et des remplacements des enseignants n’est toujours pas résolue. Se crée un corps de titulaires-remplaçants (TR) dont la vocation était d’assurer des remplacements de courte et de moyenne durée avec, comme compensation des bonifications dans le calcul de leur barème de mutation. Leur “statut” s’est affiné jusqu’à aujourd’hui (TZR).

Mais dans le même temps, le corps des maîtres auxiliaires se reconstitue: ils étaient presque 22.000 en octobre 1987. C’est le “retour des enseignants fantômes” (J. C Demari, Le Monde, 26 mai 1988).

Le second mandat du Président Mitterrand est marqué par d’autres avancées pour les ex-MA devenus Adjoints d’enseignement et les néo-MA en place. La création des concours internes (CAPES en 1987 et Agrégations en 1989) permettent tout d’abord d’améliorer la formation des professeurs et, en cas de réussite, d’offrir de réelles perspectives de revalorisation de carrière. Ces concours internes sont désormais la voie choisie de titularisation des auxiliaires comme le précise clairement le Ministre Jospin au Sénat (réponses aux questions écrites de Hélène Luc, 2/02/1989 et de Pierre-Christian Taittinger  11/05/1989).

 

C’est aux gouvernements du président Hollande que nous devons la hausse des postes mis aux concours de recrutement à partir de 2012.

 

À cette période, la Loi d’Orientation du 10 juillet 1989 qui réaffirme l’ambitieux  objectif d’élever les niveaux de formation de nos jeunes, suscite une demande accrue de scolarisation dans les lycées et par conséquent le nombre de postes mis aux concours externes des CAPES et Agrégations ne cesse de croître. Dans le même temps, le plan de revalorisation des enseignants présenté par Lionel Jospin en 1989, approuvé par le SNES, prévoyait la mise en extinction du corps des Adjoints d’enseignement et l’intégration de ces derniers dans le corps des Certifiés même si cette intégration se faisait sans reconstitution de carrière, soit sans revalorisation immédiate. En revanche, elle permettait à terme l’accès à la Hors-classe des certifiés que le ministre venait de créer.  

Des gouvernements de gauche qui ont œuvré pour les enseignants

Plus tard dans la veine du projet éducatif du Président Mitterrand furent créés les concours réservés, des examens professionnels destinés à résorber l’auxiliariat. La loi Sapin de janvier 2001 allait bien au-delà des conditions assez restrictives de la Loi Perben de 1996. 

Plus proche de nous, et en dehors de ce contexte, c’est aux gouvernements du président Hollande que nous devons la hausse des postes mis aux concours de recrutement à partir de 2012 et la remise en place de la formation des lauréats, eux qui avaient été “lâchés” dans les classes à temps plein durant la mandature du président Sarkozy immédiatement après leur réussite et dont la formation reposait quasi uniquement sur le professeur tuteur qui leur était assigné. 

Les deux mandats du président Mitterrand ont conduit à des avancées considérables pour le monde enseignant et inspiré les gouvernements de gauche qui se sont succédé en 1997 et à partir de 2012, mais nul doute que le 10 mai 1981 restera pour les milliers de maîtres auxiliaires, aujourd’hui retraités,  la concrétisation d’un espoir, celui d’une vie professionnelle stable au service des élèves et de l’institution, celui d’une vie personnelle digne, eux qui avaient à cette époque dépassé pour beaucoup la trentaine et avait fondé une famille. 

Renée Boudouresque, professeure non-titulaire de l’Académie de Nice, qui avait vu dans le suicide la seule échappatoire possible à cet enfer qu’était l’auxiliariat, ne l’aura pas vécu. 

 

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