10.000 lits en réanimation? Une course contre la montre parsemée d'obstacles

CORONAVIRUS - “Nous devons chacun fournir un effort supplémentaire. Et un effort des soignants, d’abord, pour augmenter nos capacités en réanimation.” Mercredi 31 mars, au cours d’une allocution durant laquelle il a annoncé sans le nommer un...

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Lors de son allocution du 31 mars, Emmanuel Macron a fixé un nouvel objectif: atteindre le nombre de 10.000 lits de réanimation dans le pays pour faire face à l'épidémie de covid-19 (photo d'illustration prise le 24 mars dans un hôpital de Stuttgart, en Allemagne).

CORONAVIRUS - “Nous devons chacun fournir un effort supplémentaire. Et un effort des soignants, d’abord, pour augmenter nos capacités en réanimation.” Mercredi 31 mars, au cours d’une allocution durant laquelle il a annoncé sans le nommer un confinement pour l’ensemble du territoire national à l’exception des Outre-mer, Emmanuel Macron a longuement insisté sur un point: face à la pandémie de covid-19, le système de santé français va devoir augmenter ses capacités d’accueil en réanimation. 

Alors que les variants provoquent une ”épidémie dans l’épidémie”, pour reprendre les termes du chef de l’État, du fait de leur caractère plus transmissible et plus mortel que la souche originelle du Sars-CoV-2, Emmanuel Macron souhaite donc voir passer le nombre de places en réa à 10.000. 

Un objectif très élevé, même s’il demeure en deçà de celui répété depuis des mois, notamment par le ministre de la Santé Olivier Véran, qui s’établissait alors à 12.000. Interrogé sur cet abaissement de la cible par Léa Salamé sur France Inter, le ministre s’est justifié ce jeudi 1er avril en mettant en avant la stratégie de l’exécutif d’avoir toujours “un coup d’avance sur l’épidémie” et donc de chercher à coller aux besoins réels davantage que d’entretenir en permanence un arsenal sanitaire coûteux. 

À l’heure actuelle, le système de santé français est en capacité d’accueillir un peu plus de 7000 personnes en réanimation (sont inclus dans ce chiffre les véritables services de réanimation, mais aussi ceux de soins intensifs et de soins continus) contre 5000 en temps normal, pour 5053 malades du Covid-19 à la date du 31 mars et des milliers de patients nécessitant des soins lourds, pour traiter des cancers par exemple. Et cela sans compter les futures hospitalisations liées à la vague de coronavirus en cours. 

Un système prêt à pousser les murs... 

Comme l’a annoncé Emmanuel Macron dans son discours, le 1er levier qui va être actionné est “l’ouverture de nouvelles capacités d’accueil dans certains hôpitaux parisiens”. Une déclaration précisée ce jeudi 1er avril par son ministre de la Santé Olivier Véran, au micro de France Inter. Celui qui est médecin de formation a notamment évoqué la création imminente d’une nouvelle unité de soixante lits à l’hôpital Henri Mondor de Créteil, dans le Val-de-Marne. “Et nous allons même en (des lits de réanimation, ndlr) ouvrir plusieurs centaines”, a-t-il ajouté, plus sibyllin sur leur localisation. 

Pour accréditer cette idée d’une forme de latitude face au virus, Olivier Véran a insisté sur le fait qu’il y avait actuellement “1200 patients de moins en réanimation qu’au pic de la 1ère vague”, ce qui laisse, selon lui, une certaine marge de manœuvre aux soignants pour élargir leur capacité d’accueil. 

Pour augmenter encore ce chiffre “sans trop déprogrammer” d’opérations, a assuré Emmanuel Macron, les soignants “sont et seront appuyés dans les prochains jours par des renforts” humains. Cela notamment, pour reprendre encore les arguments du chef de l’État, grâce à la mobilisation d’étudiants médecins et infirmiers, mais aussi de retraités ayant accepté de reprendre le travail, des services de soins de l’armée (qui avaient par exemple permis de monter un hôpital de campagne à Mulhouse lors du 1er confinement) ou encore de volontaires de la réserve sanitaire. 

...mais avec quel personnel? 

Pour autant, au sein des personnels de santé à l’œuvre sur le terrain, si l’on est désormais habitué à “pousser les murs” et à mobiliser des ressources matérielles supplémentaires pour faire face à l’afflux de patients, on peine à voir où ces ressources humaines indispensables au bon fonctionnement des futures nouvelles places en réa vont être trouvées. Car au contraire de la 1ère vague du printemps 2020, les régions sont cette fois bien plus nombreuses à être touchées au même moment. Impossible dès lors de faire venir des soignants d’ailleurs sans fragiliser le système de santé dans leur région d’origine. “On est au bout du bout, on ne pourra augmenter le nombre de personnels”, a par exemple alerté ce jeudi matin Rémi Pauvros, président de la Fédération hospitalière de France pour les Hauts-de-France sur BFM Lille. 

En outre, en ce qui concerne les renforts mobilisés en dernière minute, se pose la question de la formation. Car “le niveau de compétence pour la réanimation ne s’acquiert pas en huit jours,” précise le médecin Alain Ducardonnet à nos confrères de BFMTV. Du fait de l’effort que les soignants ont déjà à fournir, impossible pour eux d’accompagner et d’encadrer en même temps des médecins et infirmiers, en formation ou non, pour leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires. 

D’ailleurs, s’il assure que de telles formations sont déjà en cours au sein de l’AP-HP, Rémi Salomon, le représentant des médecins des hôpitaux parisiens, se montre un rien circonspect quant à l’objectif de 10.000 lits de réanimation. “Je ne sais pas si c’est possible car cela implique énormément de déprogrammations, mais augmenter les capacités, c’est ce que l’on fait et allons faire”, explique-t-il au Parisien

Déprogrammer? Un choix dur, mais efficace

Car il reste justement, parmi les outils à disposition, ce recours à la déprogrammation d’opérations nécessitant a posteriori un passage par les services de réanimation ou de soins intensifs. Si certaines régions sont d’ores et déjà contraintes de le faire et dans les grandes largeurs, à l’image de l’Île-de-France, d’autres n’ont pas encore franchi le pas et certaines Autorités régionales de Santé n’osent pour le moment pas donner d’ordre ferme au système de santé local, comme l’ont fait la région francilienne donc ou encore Provence-Alpes-Côte d’Azur. 

De plus, la déprogrammation d’autres interventions est déjà une forme de “tri” entre les patients, comme l’expliquait ce jeudi matin un médecin sur Franceinfo. Avec un exemple éloquent: repousser pour la troisième fois l’opération d’un sexagénaire atteint d’un cancer pour lui prescrire à la place de nouvelles séances de chimiothérapie et faire de la place aux futurs malades du Covid-19 n’est pas forcément un choix aisé d’un point de vue éthique et revient déjà à privilégier les patients souffrant du coronavirus. 

Cette déprogrammation permettrait toutefois de solliciter des personnels qui, eux, peuvent travailler immédiatement dans des services de réanimation, notamment parmi les anesthésistes-réanimateurs et les infirmiers spécialisés qui œuvrent d’ordinaire en chirurgie dans des cliniques privées. Auprès de nos confrères de Franceinfo, le secrétaire général de la Société française d’anesthésie et de réanimation, Jean-Michel Constantin, évoque par exemple la possibilité de réquisitionner le personnel de ces établissements privés pratiquant la chirurgie mais qui n’ont pas de service de réanimation. Ce qui permettrait à quelques médecins et infirmiers de venir grossir les rangs des soignants en réa.

Une vingtaine de jours pour trancher

Dernier levier finalement: la possibilité de transférer (en train, en avion, en hélicoptère par exemple) des malades vers les quelques régions relativement épargnées -pour le moment en tout cas- que sont la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine notamment. Mais pour ce faire, et au contraire de la situation exceptionnelle de la 1ère vague, il faut encore que les familles des patients acceptent. Or pour l’heure, bien loin de la promesse faite par Olivier Véran d’envoyer ailleurs des centaines de malades franciliens, on constate dans les hôpitaux de nombreux refus. 

“Je m’entretiens régulièrement avec les directeurs médicaux de crise des hôpitaux franciliens pour leur demander de mettre les bouchées doubles”, a assuré le ministre de la Santé ce jeudi. “Oui, c’est plus compliqué aujourd’hui; oui, il y a de la lassitude chez les soignants et les familles. Mais en définitive, si l’on se dit que l’objectif est de sauver des vies, alors il faut utiliser tous les outils à notre disposition.”

Pour LCI, le professeur Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation de l’hôpital Lariboisière, précise cependant que pour être efficaces, les transferts doivent se faire dans un grand volume. “Si 100 patients quittaient les services de réanimation des hôpitaux d’Île-de-France chaque semaine, cela aurait très certainement des effets”, explique-t-il, bien conscient toutefois de la complexité juridique à rendre ces transferts obligatoires dans le cas où les familles continueraient de les refuser massivement. “Il ne s’agit pas d’une ligne infranchissable, mais d’une ligne difficile à franchir. D’un point de vue sanitaire, cela peut être décidé dans une optique de sauvegarde nationale, mais il faudra nécessairement un cadre juridique.” 

Selon Olivier Véran, toujours sur France Inter ce jeudi matin, l’exécutif espère que le pic de la vague en cours sera atteint d’ici sept à dix jours pour ce qui est des contaminations. Ce qui signifie qu’il serait ressenti de nouveau dix à douze jours plus tard dans les services de réanimation, avec environ 10.000 malades nécessitant ces services à la fin du mois. Une vingtaine de jours, c’est le temps qu’il reste donc aux autorités politiques et sanitaires pour résoudre le puzzle de l’augmentation du nombre de places. 

À voir également sur le HuffPost: Face au covid-19, Macron réclame un “effort supplémentaire” aux soignants