À Carnac, des cathos intégristes obtiennent l’annulation du concert de Kali Malone

Samedi 13 mai, un nouveau concert a dû être annulé, en France, sous la pression d’une poignée d’intégristes catholiques – membres ou affiliés à l’organisation d’extrême-droite traditionaliste Civitas. La performance de l’organiste Kali Malone,...

À Carnac, des cathos intégristes obtiennent l’annulation du concert de Kali Malone

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Samedi 13 mai, un nouveau concert a dû être annulé, en France, sous la pression d’une poignée d’intégristes catholiques – membres ou affiliés à l’organisation d’extrême-droite traditionaliste Civitas. La performance de l’organiste Kali Malone, qui devait se tenir à l’église Saint-Cornély, à Carnac (Morbihan), dans le cadre de l’événement You Origin, à l’initiative de l’artiste Stephen O’Malley et se déroulant sur plusieurs sites de la petite ville bretonne, a ainsi été le théâtre pathétique d’une manifestation, puis d’une annulation, après que la trentaine d’illuminés, pancartes à bout de bras, a fait irruption pour bloquer l’accès au lieu. 

“Je sais que c’est leur donner une victoire qu’ils ne méritent pas, je comprends que ce n’est pas une décision très satisfaisante. Mais ils étaient prêts à aller jusqu’à la violence et, cela, je ne peux pas l’accepter”, a adressé à la centaine de spectateurs le maire de Carnac, Olivier Lepick, d’après des propos rapportés par deux journalistes de Ouest-France, présents sur les lieux et qui reviennent en détails sur le coup de force de la bande de peines-à-jouir délinquante dans un article publié le lendemain. Toujours selon le quotidien, une adjointe de l’élu aurait reçu une claque de la part d’un militant obscurantiste. 

“Plusieurs pièces acoustiques subversives

Les reporters décrivent ainsi des scènes d’un autre âge – “À un moment, deux femmes du public tentent de discuter avec le groupe de catholiques et s’approchent ; une femme les repousse avec sa pancarte en criant ‘Arrière Satan’” – et un groupuscule déterminé à faire savoir qu’un “concert n’a pas lieu d’être dans cet espace sacré”, estimant que la programmation d’un tel évènement constituait une “intolérable profanation”. Cette dernière citation émanerait d’une lettre ouverte envoyée quelques jours plus tôt par la section Civitas du pays vannetais à l’évêque de Vannes, Monseigneur Centène, pour dénoncer la venue de Kali Malone, accusée d’être à l’origine de “plusieurs pièces acoustiques subversives”. La sombre lettre pointait notamment du doigt une composition intitulée Sacer profanare, “qui allie les termes latins ‘saint et profaner’”. 

Le curé de Carnac, le père Dominique Le Quernec, assure, lui, n’avoir décelé aucune trace de propos anti-chrétien ou blasphématoire dans les oeuvres destinées à être jouées dans le cadre de cet évènement (elles ont été passées au crible par la commission des concerts de la paroisse), et avait rappelé que la pièce dénoncée par la clique de suppôts de l’extrême-droite “n’a jamais fait partie du programme, à aucun moment”. Quant à Kali Malone, annulée par une partie de cette frange la plus rance de la société, elle rappelle, toujours dans des propos rapportés par Ouest-France et publiés dans un communiqué, que “le titre de ma pièce pour orgue Sacer profanare provient des écrits du philosophe Giorgio Agamben, un titre choisi pour sa valeur poétique et parce qu’il fait référence aux idées d’un philosophe dont le travail stimule ma réflexion”

Les heures sombres

Mais que savent-ils, ces terroristes intellectuels, de la stimulation de la
réflexion ? Dans un communiqué publié par les organisateurs après l’outrage, on apprend qu’après une heure de négociation, le maire de la ville a pris la décision fatidique d’annuler le récital. Une source sur place nous confirme que ni l’équipe de production, ni Kali Malone, ni Stephen O’Malley n’ont été conviés aux négociations, qui se sont tenues entre les forces de police, le maire et les activistes du côté obscur de la foi. En d’autres termes, au bout d’une heure de discussions avec ces brutes attardées, l’édile en est arrivé à la conclusion que le seuil de la violence physique allait être franchi, l’obligeant à se résigner à faire taire une artiste pour éviter toute effusion de sang. 

On rappelle une fois encore que Kali Malone, immense organiste, qui a fait honneur à tous les lieux sacrés dans lesquels elle a eu l’occasion de se produire, devait jouer dans le cadre d’une série de performances imaginées par Stephen O’Malley (notre entretien avec l’artiste en amont de cette manifestation est à lire ici) sur le site des alignements de Carnac. Communier, méditer, contempler, se sentir humble face à l’éternité de ces pierres dressées là, depuis le Néolithique, et qui survivront à tout, même à la bouillie des croyances dévoyées par des cerveaux en perdition. Telles étaient les ambitions du musicien. 

Pas un cas isolé

L’annulation du concert de Kali Malone à l’église de Carnac par les infâmes de Civitas n’est malheureusement pas un cas isolé, ces derniers temps. En décembre 2021, sous la pression d’intégristes religieux de la même espèce, le concert de la musicienne Anna Von Hausswolff – elle aussi organiste – dans l’église Notre-Dame-de-Bon-Port, à Nantes, avait été annulé. Quelques jours plus tard, à cause des menaces qu’elle avait reçues, l’artiste avait été obligée de garder secret le lieu de sa représentation dans une salle parisienne jusqu’au dernier moment. Les sbires du pire avaient gagné.

Interrogé récemment, Pierre Templé, programmateur du festival Variations et responsable du secteur musique au Lieu Unique, à Nantes, confirmait que, s’il travaillait toujours en bonne intelligence avec le diocèse, il y avait eu, cette année, moins d’évènements programmés dans les églises, évoquant des “extrémismes” plus “présents” qui “rejaillissent”. 

Il est temps de s’alarmer

Plus récemment, c’est le concert de Bilal Hassani, complet et prévu le 5 avril 2023 dans une église désacralisée de Metz (Moselle), qui avait dû être annulé après que ce dernier a reçu des menaces le visant lui et son public. Là encore, au milieu des organisations rances ayant dénoncé par ailleurs la venue du musicien, il y avait Civitas, mais aussi le collectif identitaire Aurora, et même une élue locale affiliée au RN. Le site d’investigation Streetpress avait, quant à lui, expliqué avoir eu connaissance, par le biais d’une source infiltrée, de menaces d’attentat visant l’ancien représentant de la France à l’Eurovision. Mesure-t-on la gravité des faits ? 

Il serait temps de s’alarmer vraiment. Le contexte n’est pas favorable aux idées progressistes ou tout simplement au bon sens. Ce week-end encore, des joueurs de foot au QI de larve morte ont refusé de porter le flocage arc-en-ciel sur leur maillot pour la Journée internationale de lutte contre l’homophobie. L’un d’entre eux, le Toulousain Zakaria Aboukhlal, motivait cette prise de position par des raisons de “croyances personnelles” et demandait que celles-ci soient respectées. Quelles croyances peuvent bien justifiées que l’on ne lutte pas contre l’homophobie ? Les mêmes qui empêchent une organiste de jouer de l’orgue dans une église.