À Hong Kong, le dernier "Apple Daily" crée d'interminables files d'attente
MÉDIAS - D’interminables files d’attente se sont formées ce jeudi 24 juin au matin devant les kiosques de Hong Kong. Beaucoup d’habitants espéraient pouvoir acheter le dernier numéro de l’Apple Daily, quotidien pro-démocratie contraint de cesser...
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MÉDIAS - D’interminables files d’attente se sont formées ce jeudi 24 juin au matin devant les kiosques de Hong Kong. Beaucoup d’habitants espéraient pouvoir acheter le dernier numéro de l’Apple Daily, quotidien pro-démocratie contraint de cesser de paraître, près d’un an après la promulgation de la loi sur la sécurité nationale impulsée par Pékin.
Pour sa dernière Une, l’Apple Daily a choisi d’afficher une large photo d’un journaliste qui, depuis la salle de rédaction, salue les centaines de personnes rassemblées mercredi soir devant le siège du quotidien pour faire leurs adieux.
Au revoir #AppleDaily, tu nous manques déjà. Merci pour tout ???? pic.twitter.com/NZpwJND2XG
— Nicolas Wong ???? (@petitnicolas_hk) June 24, 2021
“L’Apple Daily est mort”, a écrit le rédacteur en chef adjoint Chan Pui-man, arrêté la semaine dernière pour atteinte à la sécurité nationale, dans une lettre d’adieu adressée aux lecteurs. “La liberté de la presse est devenue la victime de la tyrannie”.
Victime de la loi sur la sécurité nationale
La disparition soudaine de ce journal est le dernier coup porté à la liberté dont jouissaient jusqu’à présent les Hongkongais. Elle fait craindre qu’à terme, les nombreux médias internationaux qui y ont établi leur siège ne quittent le centre financier.
Dans le quartier populaire de Mongkok, aux 1ères heures du jour, des centaines de personnes ont attendu, certains en chantant “Apple Daily, nous nous retrouverons”, d’avoir la dernière édition entre les mains, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article.
Parmi eux, Candy, une trentaine d’années, qui n’a souhaité donner que son prénom, juge ces événements “choquants”. “En deux semaines, les autorités peuvent utiliser cette loi de sécurité nationale pour démanteler un groupe coté en Bourse”.
Quelques heures plus tard, les kiosques de Central, le quartier financier de la ville, ne désemplissaient pas. “Tout cela est si soudain”, regrettait un étudiant, Tim, inquiet que Hong Kong ne soit entré “dans une sombre période”.
Le tabloïd était depuis longtemps dans le collimateur de Pékin pour son soutien au mouvement pro-démocratie et ses critiques récurrentes des dirigeants chinois. Ces derniers n’ont donc pas hésité à mettre à profit la loi sur la sécurité nationale pour le contraindre à disparaître.
Son propriétaire, le magnat de la presse Jimmy Lai, avait été arrêté en août 2020. Une arrestation diffusée en direct sur Facebook par le journal, dont les images avaient fait le tour du monde, comme vous pouvez le revoir ci-dessous.
Jimmy Lai est depuis en détention pour son implication dans des manifestations en 2019 en faveur de la démocratie. Il est également inculpé en vertu de la loi sur la sécurité nationale, passible de la prison à vie. Mais c’est la semaine dernière qu’un coup fatal a été porté au journal.
Les avoirs du journal gelés
La salle de rédaction a été perquisitionnée, cinq de ses dirigeants arrêtés et les avoirs du journal gelés. Dans l’impossibilité de payer ses salariés et ses fournisseurs, le groupe de presse n’a pas eu d’autre choix que de jeter l’éponge et d’annoncer que l’édition de jeudi, tirée à un million d’exemplaires pour 7,5 millions d’habitants, serait la dernière.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, il a supprimé son site internet et ses comptes Twitter et Facebook. Plus d’un millier de personnes, dont 700 journalistes, sont désormais sans emploi.
“Les Hongkongais ont perdu un média qui a osé s’exprimer et s’est battu pour défendre la vérité”, ont déclaré dans un communiqué commun huit associations de journalistes, appelant les personnes travaillant pour des médias à s’habiller en noir.
La Chine a imposé l’an passé la loi sur la sécurité nationale pour reprendre en main du territoire après le vaste mouvement pro-démocratie de 2019.
Une série d’articles et d’éditoriaux qui, selon la police, appelaient à des sanctions internationales contre la Chine et Hong Kong, sont à l’origine des poursuites engagées contre l’Apple Daily.
Jimmy Lai, le rédacteur en chef Ryan Law et le directeur général Cheung Kim-hung sont en détention après avoir été inculpés pour collusion avec une puissance étrangère. Mercredi, un des éditorialistes, Yeung Ching-kee, a été arrêté et fait l’objet des mêmes chefs d’inculpation.
La décision de geler les actifs de l’Apple Daily a montré l’étendue des pouvoirs dont disposent les autorités pour poursuivre toute société qui, à leurs yeux, menacerait la sécurité nationale.
Depuis des décennies, de nombreux médias internationaux ont fait de Hong Kong leur siège régional, attirés par une réglementation favorable et une liberté d’expression garantie par sa mini-constitution. Mais depuis quelques mois, beaucoup s’interrogent sur leur avenir à long terme dans la ville.
La ville ne cesse de glisser vers le bas du classement annuel de l’ONG Reporters sans Frontières sur la liberté de la presse, passant de la 18e place en 2002 à la 80e cette année.
Mardi, la cheffe de cheffe de l’exécutif, Carrie Lam, a dit que “critiquer le gouvernement n’était pas un problème” mais que la ligne rouge à ne pas franchir était “organiser des actions incitant à la subversion”.
Au départ, les autorités avaient affirmé que la loi imposée par Pékin, qui visait à mettre fin à toute dissidence, ne concernait qu’une “infime minorité”.
Près d’un an plus tard, elle a radicalement changé le paysage politique et judiciaire de la ville. Plus d’une soixantaine de personnes ont été inculpées pour l’avoir enfreint, dont de nombreuses figures du mouvement pour la démocratie.
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