Adèle Haenel, lanceuse d’alerte
Des propos accordés l’an dernier au quotidien italien Il Manifesto l’avaient laissé entendre : Adèle Haenel se désengageait du cinéma. Encore ménageait-elle une nuance. Elle affirmait ne plus vouloir tourner dans “le cinéma mainstream”, mais...
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Des propos accordés l’an dernier au quotidien italien Il Manifesto l’avaient laissé entendre : Adèle Haenel se désengageait du cinéma. Encore ménageait-elle une nuance. Elle affirmait ne plus vouloir tourner dans “le cinéma mainstream”, mais n’excluait pas de travailler avec des cinéastes qui débutent. Sa prise de parole récente dans Télérama sous la forme d’une lettre est plus définitive : “J’ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est.”
Le texte est d’une force inouïe. Sa lecture laisse un peu sonné·e et invite chacun·e à s’interroger sur sa propre tolérance et/ou complicité avec l’ordre symbolique dominant. Dans le détail, chacun·e pourra bien sûr trouver des points particuliers de cette mise en cause du cinéma contestables, trop généralisants. On peut juger par exemple qu’il y a d’autres paroles que celle d’Adèle Haenel qui ont d’autre but “que de remplir de vent l’espace médiatique” ou que cette injonction de “rester léger” faite aux artistes en promo connaît aussi ses réfractaires. On pense surtout qu’il y à l’intérieur du cinéma des artistes, des professionnel·les à tous postes, qui mettent en place des méthodes pour déjouer les mécanismes de violence et de domination et dont les œuvres participent d’une pensée critique salutaire.
L’intensité avec laquelle la comédienne exprime son rejet et sa révolte est néanmoins dévastatrice. Son emportement et la fougue avec laquelle elle se range du côté de “celleux qui organisent la résistance pour que tous les humains puissent vivre dignement et qui essaient d’arracher un avenir à la planète” retentissent comme une alarme. Parce qu’on l’a absolument admirée comme actrice, parce que l’exigence de ses choix a contribué à faire exister des films précieux pour nous, on regrette – égoïstement – cette décision de se confisquer elle-même au cinéma (1). Mais le geste, et la clarté éloquente avec laquelle elle l’explicite – “Je n’ai pas d’autres armes que mon corps et mon intégrité” –, suscite à la fois un ébranlement et une grande admiration devant tant de cohérence et de courage.
Dans sa lettre, Adèle Haenel s’interroge sur l’usage de la répression policière durant le Festival de Cannes si le mouvement de contestation politique qui s’exprime en France depuis des semaines décidait de s’y faire entendre. Comment une manifestation artistique comme Cannes – dont on continue de penser que la pluralité des voix d’auteur·ices venus·es de toutes parts participe à rendre meilleur le monde – va parvenir à ne pas se rendre sourd à la colère de l’époque ? À la veille de l’événement, c’est effectivement un défi majeur pour le festival et les instances du cinéma.
(1) Heureusement, elle déclare aussi se concentrer sur son travail théâtral et chorégraphique aux côtés de Gisèle Vienne – collaboration déjà amorcée en 2021 avec L’Étang.