Ademir, un prédateur à part
Il y a 25 ans jour pour jour, ce 11 mai, le Brésil pleurait l'un de ses plus grands magiciens : Ademir. FIFA.com revient sur la carrière de celui qu'on surnommait Queixada. Les courants chauds qui sévissent près de Recife sont le paradis de...
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Il y a 25 ans jour pour jour, ce 11 mai, le Brésil pleurait l'un de ses plus grands magiciens : Ademir. FIFA.com revient sur la carrière de celui qu'on surnommait Queixada.
Les courants chauds qui sévissent près de Recife sont le paradis de nombreux requins. Cependant, la Venise brésilienne a engendré un prédateur d'un tout autre type. Surnommé Queixada (mâchoire), Ademir de Menezes doit son sobriquet à son menton proéminent. Quant à ses victimes, elles ont toutes pour point commun d'avoir croisé la route de Sport, Vasco da Gama, Fluminense et du Brésil entre 1938 et 1956.
Le 11 mai 1996, la 1ère ponta de lança, joueur ayant carte blanche pour arpenter librement le front de l'attaque, de l'histoire du football brésilien perdait son dernier combat contre le cancer. Pour contrer l'influence de cet attaquant imprévisible, les entraîneurs de l'époque ont progressivement abandonné la défense à trois au profit d'une ligne de quatre hommes.
Dans l'esprit de nombreux fans, Ademir restera à jamais le fer de lance de la plus grande équipe de Vasco da Gama de tous les temps, la 1ère à être sacrée championne d'Amérique du Sud en 1948. Les supporters brésiliens se souviennent avec émotion de son triplé lors de la victoire 7-0 contre le Paraguay en 1949, qui avait valu à la Seleção son 1er triomphe en Copa América après 15 tentatives. L'année suivante, Ademir est le meilleur buteur de la Coupe du Monde de la FIFA. Ironie du sort, son match le plus célèbre coïncide avec son plus grand échec : il s'agit évidemment de la défaite 1-2 face à l'Uruguay en finale de l'épreuve, alors que le titre mondial tendait les bras au Brésil. "Si le Brésil avait gagné ce jour-là, Ademir serait fêté comme l'un des plus grands joueurs de tous les temps", assure Flavio Costa, son ancien mentor en sélection et à Vasco.
Le style et les buts
Né le 8 novembre 1922, Ademir a longtemps envisagé de faire carrière dans la médecine, avant de se consacrer finalement au ballon rond. Arrivé à Sport en 1941, il s'illustre en menant son équipe au titre local, signant 11 réalisations. L'année suivante, lors d'un match amical, le prodige s'offre un triplé face à Vasco. Mené 0-3, Sport s'impose finalement 4-3. Suffisant pour convaincre les dirigeants du club de Rio de Janeiro, qui mettent tout en œuvre pour le recruter.
Sur le terrain, Ademir ne passe pas inaperçu : sa silhouette élancée, son menton mentionné plus haut, ses cheveux noirs plaqués en arrière et sa fine moustache le distinguent de ses partenaires. Malgré la présence de grands champions de l'époque à ses côtés, l'attaquant se remarque également par son style particulier. Sa vitesse, son adresse, son jeu de tête et la puissance de ses tirs font de lui un joueur à part au sein de l'équipe.
En 1945, ces atouts permettent à Vasco de remporter le Campeonato Carioca, mettant ainsi fin à une traversée du désert de neuf ans. Au soir de l'avant-dernière journée, O Gigante da Colina est sacré après avoir largement battu Madureira 4-0. Auteur d'un triplé, Ademir est fêté en héros. On explique qu'après avoir assisté à la rencontre, Gentil Cardoso aurait fait cette promesse aux dirigeants de Fluminense : "Donnez-moi Ademir et je me fais fort de ramener le titre". Ceux-ci décident de suivre leur entraîneur et versent une indemnité exorbitante pour s'attacher les services de la star.
"Il nous a tout fait"
Le séjour de Queixada au Flu sera bref mais intense. Non content de remporter le championnat de Rio, il inscrit 64 buts en 77 matches. Mais la nostalgie le pousse bien vite à revenir à Vasco. En 1948, Ademir effectue donc le voyage en sens inverse. Quelques mois plus tard, l'Expresso da Vitória devient le 1er champion d'Amérique du Sud, au terme d'un tournoi regroupant sept équipes, organisé au Chili. À l'époque, le club compte dans ses rangs de nombreux internationaux brésiliens comme Barbosa, Augusto, Ely, Friaca, Danilo, Maneca et Chico. Vasco est sacré au terme d'un match nul (0-0) arraché à une formation de River Plate au sein de laquelle figurent Alfredo Di Stefano, Juan Manuel Moreno, Angel Labruna ou encore Felix Loustau.
Blessé, Ademir doit suivre la rencontre depuis les tribunes. Peu importe. Un peu plus tôt, il avait lancé ses partenaires sur la voie du succès en signant une performance splendide aux dépens de Nacional (4-1), pourtant présenté comme le grand favori de l'épreuve. "Il nous avait tout fait, ce jour-là", se souvient l'ancien défenseur international uruguayen Schubert Gambetta.
Deux ans plus tard, Gambetta et ses compatriotes effacent la déception en finale de la Coupe du Monde de la FIFA. Ademir, pourtant, ne démérite pas. Devant ses supporters, il inscrit huit buts tout au long de la compétition, dont le 1er de l'histoire du Maracanã. La domination brésilienne est telle que la Seleção aborde la rencontre décisive contre l'Uruguay en sachant qu'un match nul lui suffirait à décrocher le titre mondial. Les Brésiliens pensent avoir fait le plus dur en ouvrant le score mais, à la surprise générale, la Celeste trouve les ressources nécessaires pour revenir au score, avant d'inscrire le but de la victoire.
Sans égal
Ce match marque la fin d'une période dorée de huit ans passés sous les couleurs de la Seleção. En 1949 et 1952, Ademir mène son pays au sacre en Copa América et au Campeonato Pan-Americano. Il inscrit 32 buts en 39 sélections, dont huit tout au long de la Coupe du Monde de la FIFA 1950, ce qui fait de lui le meilleur réalisateur brésilien sur une seule édition.
"Ademir était sans égal à son époque", assure Evaristo de Macedo, qui a plusieurs fois affronté Queixada lorsqu'il évoluait à Flamengo, avant de rejoindre le FC Barcelone puis le Real Madrid. "Chaque fois qu'il tirait, le ballon finissait au fond des filets."
Si Ademir n'a pas trouvé sa place parmi les plus grandes icônes de l'histoire du football brésilien, il occupe toujours une place de choix dans le cœur des supporters de Vasco. Ses quatre succès dans le Campeonato Carioca, ainsi que ses 301 buts en 429 sorties, font de lui un joueur à part. Au début du siècle, le magazine Placar le plaçait sur la deuxième marche du panthéon d'O Bacalhau, devant des champions d'exception comme Barbosa, Bellini, Vava, Edmundo ou encore Romario.
Le roi de Vasco lui-même est l'un des 1ers à rendre hommage à son dauphin : "C'est l'un des meilleurs attaquants de l'histoire du football brésilien", assure Roberto Dinamite. "Je ne dis pas ça par modestie. Je pense sincèrement qu'Ademir était un cran au-dessus".