Affaires d’inceste: le procès médiatique va-t-il remplacer le procès judiciaire pour cause d’imprescriptibilité?

Dans notre pays, nous aimons dire que la justice est garante de notre démocratie, car on ne fait pas justice soi-même et il est écrit que la justice est rendue au nom du peuple français. Pour autant, depuis de nombreuses années, la puissance...

Affaires d’inceste: le procès médiatique va-t-il remplacer le procès judiciaire pour cause d’imprescriptibilité?

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION

Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.

POSTULER

Le 13 janvier 2021, Camille Kouchner a témoigné dans l'émission

Dans notre pays, nous aimons dire que la justice est garante de notre démocratie, car on ne fait pas justice soi-même et il est écrit que la justice est rendue au nom du peuple français. 

Pour autant, depuis de nombreuses années, la puissance des médias et des réseaux sociaux a changé la donne, notamment dans le cadre des affaires d’agressions sexuelles. Elles sont souvent dévoilées par des témoignages dans les médias, sur les réseaux sociaux ou dans des livres très médiatisés. 

Aujourd’hui, les victimes prennent de plus en plus la parole. #Metoo a déclenché des témoignages de femmes victimes d’agressions sexuelles par Weinstein et a permis à d’autres victimes de se soulager des lourds silences qu’elles se sont imposées depuis trop longtemps. 

 

Souvent il est dénoncé que le procès médiatique l’emporte sur le procès judiciaire. Par principe, ceux qui dénoncent ce phénomène ont raison.

 

On a levé une partie du voile sur les agressions sexuelles des enfants au sein de l’église, dans le sport aussi, grâce notamment à Sarah Abitbol, dans le monde littéraire feutré grâce à Vanessa Springora. Aujourd’hui le livre de Camille Kouchner déclenche chez les victimes d’inceste le courage de s’exprimer et de dénoncer leurs bourreaux. La honte de parler de ces agressions devient plus surmontable. Nous vivons une libération de la parole qui change tout. 

En janvier dernier, le livre de Camille Kouchner dénonce une affaire d’inceste familiale, qui met en cause son beau-père Olivier Duhamel. Cette affaire qui semblait être connue d’un petit monde qui couvre le secret déclenche une déferlante médiatique, avec des conséquences sans précédent jusqu’à la démission du directeur de Sciences Po, Frédéric Mion. 

Mais quelles leçons doit-on tirer de ces phénomènes de médiatisation?  

 

 

Souvent il est dénoncé que le procès médiatique l’emporte sur le procès judiciaire. Par principe, ceux qui dénoncent ce phénomène ont raison. La justice doit être rendue dans les tribunaux par des professionnels que sont les magistrats et les avocats, par des débats, sur la base de preuves et de faits avérés.   

Mais le problème c’est la prescriptibilité de ces affaires. Plus de procès possibles au-delà de l’âge de 38 ans. Est-ce normal? Est-ce supportable pour la victime? Ce sujet est extrêmement délicat; il y a des enjeux psychologiques, philosophiques liés au fonctionnement même de notre société. Mais il y a aussi un principe de réalité, celui qui consiste à condamner sur la base de faits concrets et vérifiés. Rendre un viol ou une agression sexuelle sur mineur imprescriptible est effectivement ce que demande la majorité des victimes. 

Ce débat pose question: même s’il y a de fortes présomptions et des témoignages, comment peut-on mettre en prison et condamner une personne sans preuves réelles? Comme le disent certains spécialistes du droit mais aussi des psychologues, faire un procès qui, faute de preuves, aboutira à un acquittement représente alors pour beaucoup de victimes une double peine. Avoir attendu si longtemps pour ne pas voir son bourreau condamné! 

Olivier Duhamel ne sera probablement pas condamné puisque qu’aux yeux de la justice les faits sont prescrits. Mais aujourd’hui le procès médiatique a fait le travail, rapidement et efficacement. Il est condamné par la société, par le même système qui l’a protégé, admiré et qui a fermé les yeux.  

 

Faut-il se battre pour l’imprescriptibilité des faits ou faut-il engager de grandes campagnes de libération de la parole?

 

Ce que la justice ne peut pas faire aujourd’hui les médias et les réseaux sociaux le permettent et pallient peut-être l’imprescriptibilité des faits. Les procès médiatiques sont souvent décriés et à juste titre. Il faut rappeler que la justice se rend dans les tribunaux mais quand elle ne peut plus faire son travail parce que les preuves ne sont plus là, alors dans notre démocratie, la liberté d’expression peut faire éclater la vérité. Merci au courage de Camille Kouchner et à son frère! 

Finalement faut-il se battre pour l’imprescriptibilité des faits, ou faut-il engager de grandes campagnes de libération de la parole pour que les victimes puissent s’exprimer le plus rapidement possible et face à des gendarmes, policiers et magistrats encore mieux formés et à l’écoute des victimes? Nous devons faire en sorte de tenir dans notre pays des procès équitables pour que la justice soit rendue dignement. 

À voir également sur Le HuffPost: #Metooinceste: elle témoigne après avoir accusé son ancien directeur de centre aéré à Paris