Aïssa Maïga revient sur son discours percutant aux César 2020
CÉSAR - “Il était évident que remettre un prix ça ne pouvait pas être uniquement mettre une jolie robe, faire mon plus beau sourire et repartir”. Aux César 2020, Aïssa Maïga avait marqué la soirée avec un discours sur le “manque d’inclusion”...
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CÉSAR - “Il était évident que remettre un prix ça ne pouvait pas être uniquement mettre une jolie robe, faire mon plus beau sourire et repartir”. Aux César 2020, Aïssa Maïga avait marqué la soirée avec un discours sur le “manque d’inclusion” dans le cinéma français. Pour Le HuffPost, l’actrice revient sur cette séquence très remarquée, critiquée et commentée, dans la vidéo à découvrir en tête d’article.
Invitée à remettre le prix du meilleur espoir féminin à Lyna Khoudri pour son rôle dans “Papicha”, elle avait alors lancé un appel aux réalisateurs et producteurs présents dans la salle pour leur demander de mieux considérer les acteurs de couleurs à l’avenir.
“J’avais envie de prendre la parole d’une façon volontairement percutante, voire provocante”, confie-t-elle, précisant qu’elle était malade “depuis cinq semaines” au moment de monter sur la scène de la salle Pleyel à Paris le 28 février. “J’avais l’impression d’avoir tellement pris la parole depuis plus de deux décennies sur le sujet que face à cet immobilisme, je me suis dit: là je ne peux pas faire autrement que d’être assez frontale et d’utiliser des symboles qui vont faire réagir.”
L’actrice à l’initiative des #BlackCesars avait notamment compté les Noirs dans la salle. ″Ça fait plus de deux décennies que je ne peux pas m’empêcher de compter lors des réunions du métier” avait-elle lâché, énumérant les rares talents de couleurs dans la salle, dont Ladj Ly, réalisateur des “Misérables”. Une séquence à revoir dans son intégralité ici.
“Un malaise infinitésimal face à l’énorme malaise sociétal”
Dans la salle Pleyel, un certain malaise était perceptible auprès d’une partie du public, visiblement peu réceptif à ce message appelant à plus de diversité. Un an plus tard, l’actrice assume pleinement cet électrochoc et promet d’ailleurs de “continuer à compter les Noirs” aux César, quitte à être violemment critiquée sur les réseaux sociaux, notamment par Nadine Morano.
“Le petit malaise qu’ont vécu les gens du cinéma ce soir-là est vraiment infinitésimal face à l’énorme malaise sociétal qui est raconté par les discriminations à l’embauche ou les discriminations dans le monde du travail, dans le secteur du cinéma ou non d’ailleurs. C’est ça le malaise! Le malaise, ce sont les chiffres qui disent que les Noirs, les Arabes, les Asiatiques à l’écran sont surreprésentés dans les rôles à caractère négatif. Le malaise, c’est de se dire que le nombre d’acteurs noirs à l’écran a grandi, mais en raison des fictions américaines. Le malaise c’est de se dire qu’une réalisatrice aujourd’hui parce qu’elle est femme accède moins aux opportunités que son homologue masculin. Le malaise c’est tout ça. Le malaise, ça n’est pas une actrice qui vient dénoncer ça sur la scène des César.”
Ce discours marquant, Aïssa Maïga l’a écrit avec deux de ses proches. Le journaliste de CultureBox Raphäl Yem ainsi que la productrice Laurence Lascary, co-présidente du Collectif 50/50 qui lutte pour plus de parité et de diversité dans le 7e art.
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Une prise de parole qui intervenait alors dans un contexte particulier pour l’actrice qui passait derrière la caméra pour co-réaliser avec Isabelle Simeoni un road-movie, “Regard Noir”, (diffusé mardi 16 mars à 22h45 sur Canal+) dans lequel elles rencontrent des femmes de couleur qui ont réussi à s’imposer dans le secteur du cinéma à travers la planète.
“Lors de la fabrication de ce film, on a évidemment enquêté en France et on a été confrontées à une forme d’immobilisme quant à la question de la diversité, de la représentation des minorités ethniques sur les écrans. Et pour moi c’était grave de voir que face à cette situation d’injustice manifeste, les personnes qui ont le pouvoir de faire bouger les choses ne font rien”.
“Vincent Cassel m’a appelé le lendemain”
Dans son discours de cinq minutes, Aïssa Maïga avait notamment pris à partie Vincent Cassel dans le public, considéré d’après elle comme “le renoi du cinéma français avant la diversité”, pour son rôle dans “La Haine” de Mathieu Kassovitz. Dans ce long-métrage nommé onze fois aux César en 1996, il campe avec Saïd Taghmaoui et Hubert Koundé un trio multiethnique originaire de cité, une thématique peu évoquée en fiction jusqu’alors. Mais aux César, Vincent Cassel n’avait visiblement pas compris la blague d’Aïssa Maïga à ce sujet.
“Vincent m’a appelée le lendemain matin pour me dire qu’il n’avait pas compris donc moi je lui ai expliqué que ce n’était pas une attaque, c’était sans doute maladroit de ma part”, confie-t-elle, précisant que le film “La Haine” était sorti au moment où elle “galérait” et lui avait donné de l’espoir. “Pour moi cette blague était un clin d’œil à quelqu’un qui est censé être un allié parce qu’il a représenté la banlieue à une époque où on ne représentait que très peu les Noirs, les Arabes ou les Asiatiques à l’écran. Il a fini par la représenter à lui seul alors qu’il est blanc, c’est ça l’ironie.”
Convergence des luttes
Le 28 février 2020, le discours engagé d’Aïssa Maïga précédait de quelques minutes une autre séquence qui restera dans l’histoire des César. Le départ précipité d’Adèle Haenel après l’annonce du César du meilleur réalisateur à Roman Polanski, accusé de viol. “La honte”, avait-elle alors hurlé dans la salle.
Aïssa Maïga confie elle aussi avoir quitté la salle à ce moment-là. “Je suis partie et j’étais allée retrouver les militantes féministes qui étaient dehors, qui pour moi s’inscrivaient beaucoup plus dans mes valeurs que ce que j’ai pu ressentir au cours de la cérémonie”, explique-t-elle.
Ces différents combats: à la fois pour la parité, la diversité et contre les violences faites aux femmes ont tous trouvé un écho quelques jours plus tard le 8 mars lors de la Journée internationale des droits des femmes.
Dans le cortège parisien, les deux actrices devenues icônes de ces luttes figuraient sur de nombreuses pancartes des manifestantes.
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Une convergence des luttes qui prend forme dans le road-movie “Regard Noir”, dans lequel Adèle Haenel a accepté de témoigner. Elle y évoque son cheminement personnel entre féminisme et antiracisme. “Dans mon trajet personnel, il fallait que j’ouvre les yeux et me solidarise avec d’autres causes et notamment les causes des gens racisés au cinéma”, explique l’actrice flamboyante dans “Portrait de la jeune fille en feu”. “De me sentir traversée par la même injustice, ça m’a ouvert sur ces questions de représentation des non-Blancs au cinéma.”
“Je suis sûr qu’aujourd’hui elle a totalement bougé par rapport à ça parce que c’est quelqu’un qui mûrit et qui est dans une exigence personnelle de réflexion incroyablement inspirant”, veut croire Aïssa Maïga.
D’ailleurs, l’actrice a espoir que la situation évolue dans le secteur du cinéma après une année 2020 marquée par la prise de conscience et l’expression de ce besoin de diversité au travers du mouvement Black Lives Matter. “Ma prise de parole aux César a pu résonner à plusieurs moments de l’année, en tout cas beaucoup de gens m’ont dit y avoir repensé plusieurs mois après. Chez certains, l’idée de responsabilité collective est alors devenue plus évidente”, conclut-elle, en faisant notamment référence à la mort de George Floyd en mai 2020.
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