Almodóvar ouvre en beauté une Mostra à haut potentiel avec “Madres paralelas”

C’est peut-être le 1er grand festival qui ressemble vraiment à un festival “d’avant”, où toutes les cinématographies mondiales seraient “normalement” représentées (et notamment le cinéma américain, qui n’était que faiblement présent à Cannes)....

Almodóvar ouvre en beauté une Mostra à haut potentiel avec “Madres paralelas”

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C’est peut-être le 1er grand festival qui ressemble vraiment à un festival “d’avant”, où toutes les cinématographies mondiales seraient “normalement” représentées (et notamment le cinéma américain, qui n’était que faiblement présent à Cannes). C’est aussi le 1er grand festival post-covid à ne pas (trop) jouer la voiture-balai des productions antérieures à la pandémie : la quasi-totalité des films de la compétition officielle ont été produits en 2020 ou 2021.

Bref, c’est le festival d’une reprise, une vraie, avec un écosystème fonctionnel, des grand·es cinéastes qui peuvent travailler et montrer leurs films sans temps mort, dans des rythmes dynamiques (Almodóvar a fini de tourner il y a seulement quatre mois), et des blockbusters qui cessent de se repousser (Dune).

Des mondes qui se rencontrent

De la haute couture auteuriste (Almodóvar, Pablo Larraín, Tsai Ming-Liang, Paul Schrader, Jane Campion…) à ses cousins provoc (Paolo Sorrentino, Michel Franco…), du stylisme pop (Edgar Wright) aux blockbusters de tout poil (Denis Villeneuve, Ridley Scott, un nouveau remake d’Halloween…), en ajoutant à tout cela une bonne rasade de qualité française (Xavier Giannoli, Stéphane Brizé, Yvan Attal…) et beaucoup d’Italien·nes dont nous n’avons jamais entendu causer. C’est comme si les cinéphiles les plus irréconciliables avaient obtenu droit de cité et qu’aucun·e amateur·trice de films au monde ne pouvait cette année fouler le Lido sans un peu de bave aux lèvres.

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Les conditions sont donc optimales pour laisser éclore au moins un ou deux chefs-d’œuvre, et voir – enfin – l’agenda des prochains mois se tapisser de grands rendez-vous. Oui, comme avant. Avec le risque, d’une part, certes, que rien de tout cela n’ait lieu et que la montagne accouche d’une souris, et d’autre part, surtout, que cet auteurisme rutilant apparaisse comme quelque peu déconnecté de son temps, trop occupé à rebâtir un paysage révolu et pas assez à en inventer de nouveaux.

La puissance bouleversante d’Almodóvar

En ouverture, Pedro Almodóvar, qui n’a que très peu été sélectionné à Venise et n’a encore jamais gagné de grand prix festivalier européen (malgré six nominations cannoises), signe avec Madres paralelas une œuvre à la fois très en conformité avec son canevas de prédilection (une grande farandole de mères prises dans une spirale de lourds secrets et de coups de théâtre morbides), et en même temps qui le noue à des thématiques inédites chez le madrilène, à commencer par la guerre d’Espagne, qui joue un rôle décisif dans l’intrigue. De mémoire, Almo n’avait encore jamais vraiment abordé le sujet, mais il a produit en 2018 un documentaire sur la réparation judiciaire tardive des crimes franquistes, Le Silence des autres.

Janis (Penélope Cruz), photographe, profite de sa rencontre hasardeuse en ouverture du film avec un archéologue pour lui demander de l’aider. Elle cherche à retrouver et excaver la dépouille de son arrière-grand-père, jeté dans une fosse commune par les Phalangistes, afin de lui offrir une sépulture décente – un sujet dernièrement brûlant en Espagne où on estime jusqu’à 100 000 le nombre de ces victimes anonymement enterrées. Il accepte ; elle devient son amante (la scène d’amour, bien que très courte, est d’un érotisme tout simple mais dingue, tonitruant, solaire) ; elle tombe enceinte ; elle le garde. À la maternité, elle rencontre une fille-mère, qui deviendra comme une sœur : la madre paralela du titre.

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La suite est très riche, tortueuse, pleine de fruits juteux, de virages, de rebondissements et de qualités qu’il ne faut pas trop décrire au risque de les déflorer. On pourra quand même, de façon évasive, dire que le scénario est, comme à son habitude, d’une perversion totale, vertigineuse, presque comique. Mais cette perversion se travaille et se dénoue avec une éthique et une maturité remarquables. Elle se glisse dans un grand bain de quotidien, de petits boulots et de tâches ménagères, ne se crispe pas artificiellement, ne cultive aucun goût gratuit du scandale ou de la jouissance facile. Tout ce qui intéresse Almodóvar, in fine, c’est de l’adoucir et de la soigner lentement, par le texte et par la mise en scène. Jusqu’à un final poignant où c’est Rossy de Palma (dans un rôle de meilleure amie) qui nous a, il faut l’avouer, tiré quelques larmes. Les 1ères du festival. 

La plateforme Mubi consacre à Pedro Almodovar une rétrospective jusqu’à décembre avec notamment Attache-moi (3 septembre), Tout sur ma mère (10 septembre), Parle avec elle (17 septembre)…