Après son coming-out, ma mère a failli ne pas survivre aux réactions homophobes - BLOG

LGBT - Avant de quitter mon père et de faire son coming-out, ma mère emmenait ma troupe de scouts en randonnée, organisait des anniversaires et animait des réunions Tupperware dans notre élégante demeure de Westlake Village, près de Los Angeles....

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La mère de l’autrice en 2014, dans la chambre J. R. R. Tolkien du Sylvia Beach à Nye Beach, dans l’Oregon, avec le chat de l’hôtel.

LGBT - Avant de quitter mon père et de faire son coming-out, ma mère emmenait ma troupe de scouts en randonnée, organisait des anniversaires et animait des réunions Tupperware dans notre élégante demeure de Westlake Village, près de Los Angeles. Une fois partie, avec mon frère, ma sœur et moi, elle s’est retrouvée sans travail, fauchée, au dernier étage du duplex rudimentaire en bord de plage de Janice, la conductrice du bus que prenait mon frère pour aller à l’école maternelle, dont elle était tombée amoureuse.

C’était en 1979. Six ans plus tôt, l’homosexualité avait été retirée du Manuel diagnostique et statistique américain des troubles mentaux, mais quelqu’un avait dû oublier de prévenir le psychologue chargé d’évaluer les membres de ma famille. Il a accusé ma mère de “comportement déviant” et recommandé de lui retirer la garde de ses enfants, âgés de neuf, sept et cinq ans. Impressionné par le revenu à six chiffres de mon père et sa fréquentation hebdomadaire de l’église baptiste locale, le juge lui a accordé la garde exclusive. Nous n’avions le droit de rendre visite à notre mère que deux week-ends par mois, plus un mois l’été.

J’ai beaucoup repensé à mon enfance ces derniers temps, depuis que le Vatican a interdit aux prêtres de bénir les mariages homosexuels, il y a une quinzaine de jours. Le décret emploie des mots tels que “péché” et “illicite”, qui ont marqué mon esprit au fer rouge il y a 32 ans quand, assise dans une salle d’audience, j’ai entendu un juge annoncer que je ne pouvais plus vivre avec la femme qui avait joué pour moi non seulement le rôle de parent mais aussi celui de meilleure amie et confidente.

Vous avez envie de expliquer votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à temoignage@huffingtonpost.fr et consulter tous lestémoignages que nous avons publiés. Pour savoir comment proposer votre témoignage, suivez ce guide!

Notre situation n’avait rien d’unique. Des milliers de parents gays et lesbiens ont perdu la garde de leurs enfants dans les années 1970 et au début des années 1980. Les récits de quelques-unes de ces familles détruites sont racontées dans le documentaire Mom’s Apple Pie: The Heart of the Lesbian Mothers’ Custody Movement (2014). Ma propre histoire y apparaît. Les réalisatrices ont invité ma mère à s’exprimer mais, rongée par la honte, elle a refusé.

L’autrice et sa mère chez elles, en Californie, le 25 décembre 1974.

La tentation du suicide

En 1979, elle n’avait pas entendu causer du groupe de militantes basé à Seattle qui aidait les lesbiennes à conserver la garde de leurs enfants. Elle vivait dans une bulle. C’était une femme battue, naïve et terrifiée. Elle n’avait pas envisagé une seconde que mon père réclamerait notre garde, que sortir du placard mettrait ses enfants en danger, que neuf ans de dévouement maternel irréprochable se verraient oblitérés parce qu’elle avait trouvé l’amour auprès d’une femme.

Ma mère a failli se suicider, m’a raconté un jour ma grand-mère. Pour elle, ces deux week-ends par mois où elle nous voyait moins de 48 heures d’affilée sont devenus un pansement sans cesse arraché sur une blessure ouverte. Mes grands-parents lui ont prêté de l’argent pour acheter une maison modeste. Elle a trouvé du travail comme critique de livres, puis rédactrice en chef d’un petit journal. Elle a enchaîné les formations dans une petite université, tout en remplissant sa maison de livres, d’œuvres d’art et de cassettes de films extravagants comme La Cage aux folles et Victor, Victoria.

Chez mon père, allongée dans mon lit, à trois heures du matin, je n’avais qu’une envie: me blottir avec elle sur son canapé et regarder Julie Andrews se faire passer pour un homme qui se fait passer pour une femme, tout en riant ensemble aux répliques sarcastiques de Robert Preston, du style: “Il n’y a rien de plus gênant qu’une vieille tante avec un rhume de cerveau.” J’étais terrifiée qu’elle meure avant que j’aie pu la revoir. Ma lutte contre la dépression et l’anxiété ne m’a jamais quittée. Je soigne mon fragile équilibre mental par le régime, la course à pied et les médicaments.

Je me demande combien de parents sont restés dans le placard à l’époque, de peur que les vies de leur entourage n’en soient affectées. Combien n’en sont toujours pas sortis? Je crois que, pour beaucoup de gens, c’est une chose de mettre en jeu sa propre vie, de se dire qu’elle va changer radicalement après ce genre de décision; c’en est une autre de risquer les vies des personnes que l’on aime, surtout quand il s’agit d’enfants qui n’ont ni la liberté ni les ressources de choisir leur propre vie. Et je crois qu’ils sont nombreux (surtout celles et ceux qui n’ont pas de soutien et savent comment on traite encore souvent les personnes LGBTQ) à décider que ce risque est trop grand.

Le coming-out aujourd’hui

J’aimerais croire qu’il est plus facile de faire son coming-out aujourd’hui qu’en 1979. Cette année, ma fille de 14 ans m’a annoncé avec joie qu’elle était pansexuelle. À la même période, une poignée de ses amis se sont déclarés bisexuels, gays ou transgenres. Leurs parents ont réagi avec différents degrés d’acceptation, confusion ou colère, comme la mère d’un des garçons transgenres.

L’autrice et sa mère en 2005, au Cascade Raptor Center, à Eugene, dans l’Oregon. Elles posent avec l’alligator costumé en plastique qu’elles se sont refilé pendant 25 ans.

Cette mère s’est montrée prête à se renseigner et à changer de point de vue, même si son fils n’a pas complètement digéré cette indignation initiale. Heureusement, il dispose grâce à internet d’une immense communauté queer pour le soutenir et le guider dans l’affirmation de son identité. Sur les photos, je le vois respirer d’une assurance nouvelle, bien dans sa peau, heureux dans le costume-cravate qu’il a persuadé sa mère d’acheter.

Mais quid de tous les enfants et adolescents qui n’ont pas trouvé de communauté pour les soutenir et ont trop peur d’en chercher une? De ceux qui restent dans le placard par crainte de ce qui se passera s’ils en sortent? De ces enfants qui, devenus adultes, tentent de se faire à des relations hétérosexuelles dans l’espoir que ça finisse par marcher? Les conséquences physiques et mentales peuvent être dévastatrices, pour eux et leur entourage, surtout leurs enfants, s’ils ont décidé d’en avoir.

Ma mère n’a révélé son homosexualité qu’aux membres de la famille et à une poignée d’amis très proches. Aux autres, elle parlait de sa compagne de trente ans comme de sa “colocataire”. Quand elles ont enfin eu le droit de se marier, elles l’ont fait discrètement, et ne nous l’ont annoncé qu’un an après la cérémonie civile (croyez-moi, je leur ai organisé une fête du feu de Zeus).

Depuis le demi-siècle qui s’est écoulé entre sa séparation avec mon père et sa mort, d’un cancer des ovaires, elle a souffert d’insomnie chronique, d’anxiété et de dépression. Elle a lutté contre un trouble du comportement alimentaire qui a fini par la rendre obèse. Elle a aussi décroché une licence et une maîtrise, suivi un cursus doctoral en psychologie clinique, dirigé un foyer pour adultes handicapés mentaux puis, une fois retraitée, s’est réinventée en autrice de romans policiers et rédactrice freelance. Elle a eu une vie complexe, comme n’importe qui, avec du bon et du mauvais, mais largement imprégnée du traumatisme qu’elle a vécu après avoir eu enfin le courage de sortir du placard.

Les répercussions de l’homophobie

Elle m’en voudrait de m’attarder sur les maux qui ont compliqué sa réussite professionnelle, mais il me semble crucial que chacun comprenne les répercussions que peuvent avoir l’emploi de qualificatifs tels que “péché” et “illicite” et le refus de reconnaître formellement l’amour et l’engagement de tous les couples de même sexe par un certificat de mariage, si tel est leur désir.

Trop de gens refusent toujours de traiter les personnes LGBTQ comme les autres (la semaine dernière encore, le gouverneur de l’Arkansas a signé une loi transphobe) et quand les gens au pouvoir infériorisent les membres de la communauté queer, d’autres suivent. J’ai vu ce que ça donne: l’humiliation, la tristesse et la détresse.

On pourrait se dire que, puisque des chanteuses comme Demi Lovato se sont déclarées queer, que des acteurs comme Elliot Page ont affiché leur transidentité, notre société a enfin appris à accepter la diversité des genres et orientations sexuelles. Il est indéniable que cette visibilité est importante. Certes, les choses ont changé depuis 1979 (ou même 2009). Mais nous avons encore bien du chemin à parcourir. Trop de gens refusent toujours de traiter les personnes LGBTQ comme les autres (la semaine dernière encore, le gouverneur de l’Arkansas a signé une loi transphobe) et quand les gens au pouvoir infériorisent les membres de la communauté queer, d’autres suivent. J’ai vu ce que ça donne: l’humiliation, la tristesse et la détresse.

Nous devons rester vigilants, travailler sans compter pour soutenir, guider, exprimer notre vérité. Nous devons dire à nos enfants queer: “Peu importe qui tu aimes, du moment que cette personne te traite avec bonté”, et le penser sincèrement.

Cela fait deux ans que ma mère nous a quittés, mais je ne cesserai jamais de me battre pour son droit à aimer qui elle aimait, à épouser celle qu’elle a épousée. À travers ce conte exemplaire, je me bats contre le langage de l’intolérance, tout en me souvenant que si l’homophobie a failli détruire la vie de ma mère, celle-ci a survécu grâce à sa créativité, à sa soif d’apprendre et au soutien d’amis et de membres de la famille. Nous devons maintenant nous assurer que les personnes queer, plutôt que de se contenter de l’espoir de trouver la force et la volonté de survivre, pourront vraiment mener la vie qu’elles souhaitent et méritent.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Charlotte Marti pour Fast ForWord.

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