“Asteroid City” de Wes Anderson : un film très réussi dont la simplicité inattendue réjouit

“Papa, est-ce qu’on est orphelins maintenant ?” C’est ainsi qu’une jeune fille questionne son père après avoir appris le décès de sa mère dans Asteroid City de Wes Anderson. Par-delà la malice mi-mélancolique, mi-cruelle propre au cinéaste...

“Asteroid City” de Wes Anderson : un film très réussi dont la simplicité inattendue réjouit

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“Papa, est-ce qu’on est orphelins maintenant ?” C’est ainsi qu’une jeune fille questionne son père après avoir appris le décès de sa mère dans Asteroid City de Wes Anderson. Par-delà la malice mi-mélancolique, mi-cruelle propre au cinéaste américain, s’installe, dans cette douloureuse interrogation, l’une des clés de voûte qui structurent et surplombent les personnages andersoniens : faire l’expérience d’un état d’abandon et tenter d’y survivre. C’est pourquoi les morts (du père dans La Famille Tenenbaum, 2001, et À bord du Darjeeling Limited, 2017) et les départs foisonnent dans la filmographie d’Anderson, pour mieux défier ces héros et héroïnes qui craignent le néant et les initier au voyage d’une existence.

Une peur profonde du vide qui semble avoir elle-même contaminé petit à petit l’œuvre du cinéaste au milieu des années 2010, frappé soudainement d’un besoin compulsif de surcharger ses créations, confisquant toute chair vivante aux personnages et dont The French Dispatch (2021) semble être le symptôme le plus extrême de cette névrose.

Il aura peut-être fallu au réalisateur ce mouvement jusqu’aux cimes de la saturation, non pour gommer la surabondance maniériste de son cinéma (paré dans Asteroid City d’un double fond vainement réflexif qui dévoile les coulisses du spectacle se jouant sous nos yeux comme si les personnages de fiction n’étaient pas suffisants), mais pour problématiser sa grande peur du vide et en accoucher d’un film.

Wes Anderson parvient à se reconnecter à un axe perdu depuis quelques longs métrages : le contemporain

Un isolement profond

Comment mieux questionner notre rapport à la solitude et au vide que de s’interroger sur l’existence d’une forme de vie extraterrestre ? Ironiquement, c’est par cette question posée dans un récit se situant dans les années 1950 et menant aux confins du cosmos que Wes Anderson parvient à se reconnecter à un axe perdu depuis quelques longs métrages : le contemporain. Chroniquant la vie d’une communauté confinée devant vivre ensemble pendant un temps donné, Asteroid City symbolise la privation de liberté représentée par les confinements déclenchés de l’ère Covid et rappelle que l’œuvre débordante d’artifices du cinéaste peut dégager une part de réel.

Chacun·e est orphelin·e de quelqu’un ou quelque chose chez Anderson

Des parents écorchés (Jason Schwartzman et Scarlett Johansson, très émouvant·es), deux adolescent·es surdoué·es en astrophysique : le film organise une série de rencontres jusqu’à une apothéose métaphysique orchestrant le face-à-face de l’espèce humaine avec un alien aux traits très burtoniens, et le lent apprivoisement entre les personnages sur plusieurs saisons. Une inattendue simplicité au milieu d’un dédale de sophistication qui touche et séduit.

Car chacun·e est orphelin·e de quelqu’un ou quelque chose chez Anderson (même l’oiseau Bip Bip, qui apparaît plusieurs fois en clin d’œil, est privé de son fidèle Coyote), et malgré l’euphorie de la découverte d’une forme de vie extraterrestre, ses personnages ne seront toujours pas guéris de leur solitude. C’est par une rencontre (sentimentale, scientifique ou artistique) qu’ils seront, pendant un fragile mais précieux temps, parvenus à supporter la vie avec leurs fantômes.

Asteroid City de Wes Anderson, avec Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tilda Swinton, Tom Hanks (É.-U., 2023, 1 h 44). En salle le 21 juin.