Attentats du 13-Novembre: six ans après, comment la menace terroriste a-t-elle évolué?
TERRORISME - Il y a six ans, les attentats au Stade de France, sur les terrasses parisiennes et au Bataclan faisaient 130 morts et 350 blessés. La France faisait alors partie des cibles récurrentes des djihadistes.Alors que s’ouvre ce mercredi...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
TERRORISME - Il y a six ans, les attentats au Stade de France, sur les terrasses parisiennes et au Bataclan faisaient 130 morts et 350 blessés. La France faisait alors partie des cibles récurrentes des djihadistes.
Alors que s’ouvre ce mercredi 8 septembre le procès des attentats du 13-Novembre, la menace terroriste est toujours présente, bien que la chute de Daech dans la zone syro-irakienne ait considérablement amoindri ses capacités d’actions.
Marc Hecker, directeur de la recherche à l’Institut français des relations internationales (Ifri), et coauteur du livre La Guerre de vingt ans. Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle (Robert Laffont, 2021) explique au HuffPost les ressorts de l’évolution de cette menace.
Comment la menace terroriste a-t-elle évolué en France par rapport à 2015?
La menace reste élevée, mais elle a changé par rapport aux années 2015-2016 où la France avait été touchée par une véritable campagne terroriste.
À l’époque, Daech disposait d’un sanctuaire dans la zone syro-irakienne, pouvait planifier des attaques complexes, former des terroristes et les projeter à l’étranger. Cette période a aussi été marquée, en Europe, par l’afflux de plus d’un million de réfugiés. Les terroristes ont profité de ces flux migratoires exceptionnels pour s’infiltrer en Belgique et en France.
Aujourd’hui, la situation est différente. Le califat de Daech s’est effondré sous les coups de boutoir de ses nombreux adversaires: la coalition internationale (dont fait partie la France), l’armée irakienne, les combattants kurdes, l’armée syrienne et ses soutiens russes et iraniens. Ce groupe terroriste existe toujours et pratique la guérilla, mais il ne contrôle plus de territoires.
Une hypothèse plus probable aujourd’hui est celle d’attaques 'low cost', à l’arme blanche ou au véhicule bélier."Marc Hecker, coauteur du livre "La Guerre de vingt ans. Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle"
Pourtant, il y a eu des attentats même après 2015...
La forme des attaques n’est plus la même. En 2016, la France a connu du “terrorisme téléguidé”, dans le sens où des Français qui ne s’étaient pas rendus en Syrie ont suivi les conseils prodigués à distance par des commanditaires se trouvant au Levant.
Le cas le plus connu est celui de Rachid Kassim qui, via la messagerie chiffrée Telegram, a échangé avec les terroristes impliqués dans l’attaque contre l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray [où le père Hamel a été tué, NDLR] ou encore dans l’attentat qui a échoué à proximité de Notre-Dame-de-Paris [en septembre 2016, NDLR].
Depuis l’élimination de Rachid Kassim, la plupart des attaques observées en France relèvent du “terrorisme d’inspiration”. Les terroristes sont nourris par la propagande djihadiste sur Internet, puis ils passent à l’acte. Mais il n’y a pas nécessairement de lien opérationnel ou de relation de commandement avec une structure djihadiste.
Cela veut-il dire qu’un nouveau “13-Novembre”, une attaque terroriste d’ampleur, n’est plus envisageable?
Cette hypothèse ne peut être exclue, mais la probabilité est faible. Pour une attaque aussi sophistiquée, il faut un réseau, une logistique, des capacités d’entraînement... Un tel projet laisse des traces qui peuvent être détectées par les services de renseignement. Depuis six ans, plusieurs lois antiterroristes ont été votées et les services de lutte contre le terrorisme ont été considérablement renforcés.
En 2015, les terroristes n’avaient pas été repérés, mais, comme je l’ai déjà dit, le contexte était différent. Les capacités de Daech ont été fortement dégradées depuis lors. Une hypothèse plus probable aujourd’hui est celle d’attaques “low cost”, à l’arme blanche ou au véhicule bélier.
Le début du procès des attentats du 13-Novembre peut-il raviver la menace terroriste?
Dans la propagande djihadiste, elle est présentée comme étant en guerre contre l’islam tant sur le plan extérieur - du fait de son activisme diplomatico-militaire dans le monde musulman - que sur le plan intérieur. La laïcité est ainsi décrite par les djihadistes comme une forme d’islamophobie institutionnalisée. Ainsi, ils appellent régulièrement à attaquer la France. C’est un point commun à Daech et à Al-Qaïda.
Un précédent procès, celui des attentats de janvier 2015, s’était accompagné d’une intensification de la menace terroriste. À la fin de l’année 2020, la France a ainsi été le théâtre de plusieurs attaques dont l’assassinat de Samuel Paty. Le contexte était toutefois un peu différent: la question du blasphème avait alors cristallisé les tensions après la republication des caricatures de Charlie Hebdo.
Même si le procès va ramener le sujet du terrorisme sur le devant de la scène, la question du blasphème ne devrait pas être au cœur des débats cette fois-ci. Une attaque est toutefois possible, d’autant que le procès doit durer huit ou neuf mois. Or, depuis 2015, nous n’avons pas connu une période d’une telle durée sans que se produise au moins une attaque.
Il ne faut pas s’imaginer que, du jour au lendemain, l’Afghanistan va redevenir un sanctuaire du terrorisme international. (...) Ce qui peut arriver, en revanche, c’est un effet de souffle."Marc Hecker, coauteur du livre "La Guerre de vingt ans. Djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle"
D’où vient la menace aujourd’hui?
La menace exogène a baissé depuis 2015, mais elle n’a pas disparu. En témoigne, par exemple, l’attentat contre la basilique Notre-Dame à Nice en octobre 2020, perpétré par un ressortissant tunisien qui venait d’arriver clandestinement en France.
Il y a aussi une menace endogène. Quelques centaines de Français condamnés pour association de malfaiteurs terroriste ont été libérés ces dernières années. La plupart d’entre eux appartiennent au bas ou au milieu du spectre de la menace, mais certains “gros” profils commencent également à recouvrer la liberté.
Les profils les plus dangereux - ceux qui ont été directement impliqués dans des attentats - ne sortiront pas de prison avant des décennies, s’ils sortent un jour. Par exemple, en décembre dernier, l’auteur de l’attaque du Thalys a été condamné à la prison à perpétuité.
Par ailleurs, les dernières études internationales tendent à montrer que le taux de récidive des terroristes est faible, mais il n’est pas nul. La menace peut aussi provenir de personnes radicalisées qui n’ont pas été incarcérées. Le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) comprend environ 8000 fiches actives.
Peut-elle également venir d’Afghanistan, depuis le retour au pouvoir des talibans?
Il ne faut pas s’imaginer que, du jour au lendemain, l’Afghanistan va redevenir un sanctuaire du terrorisme international. Si les talibans n’honorent pas leurs promesses et continuent à héberger des groupes de portée globale, les 1ers touchés seront probablement les pays de la région.
Il est très peu probable qu’à l’horizon du procès des attentats du 13 novembre -c’est-à-dire d’ici à mai 2022- des attaques planifiées en Afghanistan touchent la France.
Ce qui peut arriver, en revanche, c’est un effet de souffle. La victoire des talibans a été saluée par divers groupes islamistes et djihadistes dans plusieurs régions du monde. Elle pourrait les inciter à lancer des attaques audacieuses.
À voir également sur Le HuffPost: Les images de la salle d’audience du procès du 13 novembre