Au Liban, Amnesty appelle la France à suspendre ses ventes d'armes
LIBAN - “La France fournit depuis des années aux forces de sécurité libanaises des équipements de maintien de l’ordre dont elles se servent ensuite pour commettre ou faciliter de graves violations des droits humains”, déplore Amnesty International. L’ONG...
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LIBAN - “La France fournit depuis des années aux forces de sécurité libanaises des équipements de maintien de l’ordre dont elles se servent ensuite pour commettre ou faciliter de graves violations des droits humains”, déplore Amnesty International.
L’ONG a appelé jeudi 28 janvier la France à suspendre ses ventes d’armes au Liban, affirmant que des grenades lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des lance-grenades de fabrication française étaient utilisés par les forces de l’ordre du pays pour réprimer des manifestations.
“Nous appelons la France à veiller à ce que les ventes soient suspendues jusqu’à ce que les autorités libanaises reconnaissent les atteintes commises par le passé” et qu’elles s’engagent à les utiliser “conformément au droit international”, a déclaré Aymeric Elluin, d’Amnesty International France.
“Un climat d’impunité”
Selon lui, “les forces de sécurité libanaises agissent dans un climat d’impunité”. “Des produits chimiques irritants comme les gaz lacrymogènes et des projectiles (...) comme des balles en caoutchouc, ainsi que les lanceurs correspondants” avaient déjà été utilisés en 2015 pour réprimer un vaste mouvement de protestation face à une crise des déchets inédite ayant vu des montagnes d’immondices s’amasser dans la capitale et ailleurs dans le pays, a indiqué Amnesty.
Ces armes de fabrication française ont également été utilisées à plusieurs reprises après le déclenchement en octobre 2019 d’un mouvement de contestation antipouvoir sans précédent réclamant le départ de l’ensemble d’une classe politique jugée corrompue et incompétente, selon l’ONG.
Ce que confirment deux activistes et manifestants libanais, interviewés dans la vidéo en tête d’article. “J’ai été frappée par une canette de gaz lacrymogène, qui était française, et je l’ai gardée, témoigne Farah Baba, 25 ans. J’ai eu l’épaule cassée et je n’ai pas pu bouger mon bras pendant un mois.”
Elle manifestait alors pacifiquement et était en train de filmer la manifestation du 8 août, quatre jours après l’explosion du port de Beyrouth. Et deux jours après la visite du président français Emmanuel Macron au Liban.
“Usage excessif de la force”
Selon Amnesty, les forces de sécurité libanaises ont utilisé ces armes de manière contraire au droit international, tirant des grenades lacrymogènes à bout portant ou encore des balles en caoutchouc à hauteur de la poitrine, parfois de près, entre octobre 2019 et août 2020.
Cet “usage excessif de la force” a entraîné de graves blessures aux yeux, au visage, au cou, à la poitrine, à la partie supérieure du bras et à l’estomac chez plusieurs manifestants, a déploré l’ONG. “J’ai été blessé à la jambe par un fusil à pompe, raconte au HuffPost Ali Msarrah, 38 ans. Et à la tête par une canette de gaz et des pierres.”
Les conclusions dressées par Amnesty International se basent sur l’analyse de plus de 100 vidéos de manifestations filmées à Beyrouth en 2015 et en 2019, ainsi que sur des témoignages et des dossiers médicaux recueillis sur le terrain.
“Un examen au cas par cas”
Contacté par Le HuffPost, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères botte en touche. “Les demandes de licences d’exportation de matériels classés, pouvant être utilisés pour le maintien de l’ordre, font l’objet d’une très grande vigilance et d’un examen au cas par cas par les autorités françaises, conformément à leurs engagements internationaux,” a affirmé sa porte-parole Agnès von der Mühll.
“C’est notamment le cas au Liban, qui traverse une grave crise économique, sociale et politique, et dont la stabilité est essentielle pour l’ensemble de la région. La France rappelle régulièrement son attachement au respect du droit des Libanais à manifester pacifiquement.”
À voir également sur Le HuffPost: Après l’explosion de Beyrouth, cette artiste crée une statue à partir des débris