Au lieu de changer le mode de scrutin, les Français doivent se prononcer sur la Ve République
Nous y voilà! La réforme du mode de scrutin pour l’élection des députés refait son apparition au profit de l’offensive politique du président du Modem, logiquement accompagné par les responsables du Rassemblement National, des Verts et de LFI....
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Nous y voilà! La réforme du mode de scrutin pour l’élection des députés refait son apparition au profit de l’offensive politique du président du Modem, logiquement accompagné par les responsables du Rassemblement National, des Verts et de LFI. Drôle d’attelage qui nous permet toutefois de nous remémorer ce qu’est un mode de scrutin.
Loin de n’être qu’une modalité permettant de désigner nos représentants, un mode de scrutin est bien plus l’une des pièces maîtresses d’une horloge institutionnelle bien délicate. Y toucher peut être souhaitable, mais il convient de le faire avec délicatesse et sans faux-semblants. Plus, ces évolutions ne sauraient être envisagées sans une réflexion parallèle à l’ensemble de nos dispositifs institutionnels. Se contenter d’introduire une dose de proportionnelle, ou bien même d’instaurer une proportionnelle intégrale, c’est jouer à l’apprenti-sorcier. À l’occasion de cette offensive politique qui ressemble à s’y méprendre à une tentative pour le Modem de ne plus dépendre de son alliance avec le président de la République pour sa survie parlementaire, réapparaissent ainsi des totems, pour le moins singuliers parfois au sein de familles politiques. C’est Xavier Bertrand, qui prétend incarner une figure renouvelée du gaullisme populaire, être favorable à un mandat de 6 ans non renouvelable. C’est la présidente du RN qui se déclare quant à elle en faveur d’un retour à un septennat non renouvelable. Ce sont certains socialistes qui souhaitent revenir sur le quinquennat, promu par Lionel Jospin en son temps, et à “l’inversion” du calendrier électoral. Avec en filigrane cette détestation d’une élection présidentielle au suffrage universel direct qui gangrènerait l’ensemble de la vie politique. Car assurément, le suffrage universel est magique lorsqu’il s’agit de l’élection de tous les élus sauf du chef de l’État! Toute ceci permettant bien évidemment de revaloriser un Parlement qui serait juridiquement croupion!
Alors prenons quelques instants pour nous pencher sur quelques éléments de ce débat brouillon alors qu’il nécessiterait de la clarté.
Le quinquennat? Il a été instauré pour limiter drastiquement le risque de la cohabitation entre un président de la République issu d’une famille politique et une majorité parlementaire opposée! Sommes-nous amnésiques à ce point pour oublier que cette situation, rendue tout à fait possible dans le cadre des Institutions de la Ve République, était perçue comme anormale, voire a-démocratique, compte tenu du poids juridique et politique du président de la République? Sommes-nous oublieux à ce point du fait que nos concitoyens se mobilisent incommensurablement plus pour l’élection présidentielle que pour n’importe quelle élection? Et ceci est tout aussi vrai à l’occasion de toutes les élections territoriales que lors des élections parlementaires déconnectées de l’élection présidentielle (en 1986 comme en 1993 ou en 1997)! Bien sûr ceci ne serait que le fruit d’une immaturité politique du peuple… et il suffirait de rendre cette élection sans enjeu pour que le peuple retrouve le chemin de la bonne politique parlementaire…
Un Parlement croupion? Allons soyons un peu là aussi conséquents! Lorsque l’on se replonge dans les écrits des forces politiques réticentes aux institutions de la Ve République, force est de constater qu’aujourd’hui nombre de leurs revendications d’alors sont devenues réalités: les textes étudiés dans l’Hémicycle (mis à part les textes budgétaires) sont ceux issus des commissions; l’agenda parlementaire ne relève plus uniquement des desiderata du Gouvernement; la possibilité d’utilisation du 49-3 a été réduite; les parlementaires disposent toujours du droit d’amendement ce dont ils usent avec gourmandise; des commissions d’enquête parlementaire peuvent être plus aisément mises en place par les oppositions qui se sont vu reconnaître des pouvoirs et des moyens d’action que nul n’imaginait possible au début des années quatre-vingt; le Conseil Constitutionnel, vigie attentive des droits de l’opposition, peut être saisi par 60 sénateurs ou 60 députés. Bien évidemment, nombre de procédures parlementaires permettent encore à l’Exécutif gouvernemental d’imposer ses vues à sa majorité parlementaire, dès lors que celle-ci plie… politiquement. Et si de nombreuses réformes pourraient être entreprises, comme l’expliquait en son temps Guy Carcassonne, les parlementaires disposent de tous les pouvoirs, encore faut-il qu’ils les utilisent…
Un Président de la République omniscient et omniprésent? Quelle singulière ironie que de regretter que celui (ou celle) qui a été directement élu par le peuple souverain puisse disposer de moyens pour mettre en œuvre (ou s’y essayer) les engagements qui furent les siens devant les Français! Car après tout, lors des manifestations des gilets jaunes, pas plus que sous les précédentes mandatures, ce n’était le nom du premier ministre qui était voué aux gémonies mais bien celui de l’actuel président de la République. Preuve que les Français ont bien intégré que le patron de l’Exécutif est bien le président de la République et non pas le Premier Ministre. Et tant pis si cela ne respecte pas à la lettre l’article 20 de la Constitution.
Plutôt que de tourner autour du pot, proposons donc aux Français de choisir leur régime politique.
Un régime parlementaire à l’anglaise avec un premier ministre issu de la majorité parlementaire où le chef de l’État ne disposerait plus des pouvoirs sans contreseing prévus dans notre texte constitutionnel en son article 19 et qui dès lors pourrait être élu pour une durée supérieure à celle des députés. Un régime présidentiel où le détenteur du pouvoir Exécutif est bel et bien un président de la République -le poste hypocrite de Premier Ministre aura disparu– qui devra trouver des majorités d’idées au sein d’une Assemblée Nationale élue à la proportionnelle le même jour que le premier tour de l’élection présidentielle.
Ce n’est que dans le cadre de ce beau débat institutionnel, dont la France ne pourra faire l’économie, que se posera la question du mode de scrutin. Envisager de réformer ce dernier de manière isolée cela revient au final à voler les Français de leur choix souverain: celui de décider comment ils souhaitent être gouvernés.
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