Avant l'investiture de Biden, Trump a-t-il encore des pouvoirs?
ÉTATS-UNIS - Doit-on s’attendre à des surprises de dernière minute? Alors que Donald Trump entame sa dernière semaine au pouvoir avant l’investiture de Joe Biden, la question se pose tant le président américain a été coutumier des décisions...
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ÉTATS-UNIS - Doit-on s’attendre à des surprises de dernière minute? Alors que Donald Trump entame sa dernière semaine au pouvoir avant l’investiture de Joe Biden, la question se pose tant le président américain a été coutumier des décisions impulsives et tonitruantes.
S’il dispose d’une marge de manœuvre très étroite pour ses six derniers jours à la tête des Etats-Unis, il reste en capacité de prendre certaines décisions fortes avant de rendre les clés de la Maison Blanche.
“Les démocrates sont en train de saisir toutes les occasions pour museler Donald Trump, notamment avec la seconde procédure de destitution, relève au HuffPost Paul Schor, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Paris-VII. Mais il ne peut pas rien faire non plus et utilise ses dernières heures à la Maison Blanche pour envoyer des signaux politiques.” Ces derniers jours, au lendemain des violences au Capitole assiégé mercredi 6 janvier par des militants pro-Trump, il a d’ailleurs déjà pris des décisions, tant sur la scène nationale qu’internationale.
Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme
Dernière initiative en date à l’international: ce lundi 11 janvier, Trump a inscrit Cuba sur la liste noire des ”États soutenant le terrorisme”, alors que l’île de gouvernement communiste avait été retirée de cette liste en 2015 par Barack Obama. Une décision qui pourrait entraver les investissements étrangers à Cuba et compliquer la possibilité pour Joe Biden de renouer avec le pouvoir communiste de La Havane. “L’opportunisme politique de cette action est reconnu par tous ceux qui se souviennent avec honnêteté du fléau du terrorisme et de ses victimes”, a réagi sur Twitter Bruno Rodriguez, chef de la diplomatie cubaine. “Le calcul de Donald Trump est peut-être de saboter Joe Biden, confirme Paul Schor. Mais la décision aura peu d’impact, car elle est réversible: Joe Biden pourra signer un décret pour l’annuler, une fois au pouvoir.”
We condemn the US announced hypocritical and cynical designation of #Cuba as a State sponsoring terrorism.
— Bruno Rodríguez P (@BrunoRguezP) January 11, 2021
The US political opportunism is recognized by those who are honestly concerned about the scourge of terrorism and its victims.
Accélérer le rythme des exécutions fédérales
Sur le plan national, le républicain enchaîne par ailleurs les exécutions fédérales à un rythme inédit avant l’arrivée de Joe Biden, opposé à la peine de mort. Depuis cet été, dix Américains ont déjà reçu une injection létale. Ce mercredi 13 janvier, l’Américaine Lisa Montgomery a notamment été exécutée par la justice fédérale. Elle est la première femme a être exécutée depuis 1953. Un rythme soutenu qui va se poursuivre puisque l’administration prévoit d’exécuter cette semaine deux hommes noirs: Corey Johnson et Dustin Higgs. Le signal politique envoyé par ces actions? “Le but est vraisemblablement de montrer qu’il est de la droite dure, commente Paul Schor, pour flatter son électorat en vue des élections de 2024. L’autre motif peut être de rappeler qu’il est du parti de l’ordre et de la justice, après qu’on l’a accusé d’avoir semé le chaos et saboté la démocratie en encourageant les émeutes du Capitole.”
Utilisera-t-il les codes nucléaires?
Au-delà de ces dernières initiatives, plusieurs points d’interrogation demeurent quant aux six derniers jours de son mandat. L’une des inquiétudes des démocrates porte sur les codes nucléaires, qui permettent au président d’ordonner une frappe nucléaire. La présidente de la Chambre des Représentants Nancy Pelosi a d’ailleurs affirmé avoir discuté avec des responsables de l’armée américaine des moyens d’empêcher le président sortant, qu’elle a traité de “déséquilibré”, d’user des codes nucléaires.
Légalement, jusqu’au 20 janvier à midi, il peut encore décider de lancer une frappe nucléaire puisque seul le président est habilité à donner cet ordre, sans obligation de consulter quelqu’un. Mais selon Jean-Eric Branaa, maître de conférences à Paris II et spécialiste des questions relatives à la société et à la politique aux États-Unis, il est “peu probable” que Donald Trump prenne une telle décision. “Je ne pense pas qu’il voudrait finir son mandat en exécutant des dizaines de milliers de personnes... Cela n’aurait pas de sens”, a-t-il expliqué au HuffPost. Un avis partagé par Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des États-Unis: “J’imagine assez mal Donald Trump prendre ce type d’initiative, terminer son mandat par un coup d’éclat militaire”, a-t-il pointé au Parisien.
Gracier les militants du Capitole
Autre zone d’ombre: le président graciera-t-il les centaines de militants pro-Trump qui ont assiégé le Capitole, en utilisant son droit de grâce? Alors que, jusqu’ici, treize personnes ont déjà été formellement inculpées, notamment pour intrusion et désordre dans un bâtiment fédéral et que trois sont actuellement en détention, les procureurs ont promis de traduire en justice tous ceux qui ont participé à l’assaut. Mais le droit de grâce du président américain couvre les actes délictueux commis ou pas, et peut s’exercer avant le début des poursuites ou le prononcé d’une condamnation. La Constitution permet donc à Donald Trump de gracier les militants qui ont assiégé le Capitole. “Mais ce serait problématique, juge Jean-Eric Branaa, parce que le droit de grâce sert à réparer un tort, pas à empêcher la justice de passer”.
Par ailleurs, la décision serait politiquement risquée, selon lui, et presque “intenable”. “Gracier ces militants reviendrait à admettre qu’ils sont dans son camp, note-t-il, contrairement à ce qu’il a déclaré. Au lendemain de la journée de chaos, Donald Trump a condamné une “attaque odieuse” et s’est dit “scandalisé par la violence déployée” par quelques centaines de ses sympathisants. Dans une vidéo publiée ce mercredi 13 janvier, après qu’une majorité des membres de la Chambre des représentants aux États-Unis a approuvé la mise en accusation de Donald Trump pour “incitation à l’insurrection”, il a condamné “sans équivoque” la violence de la semaine dernière. “La violence et le vandalisme n’ont absolument aucune place dans notre pays et aucune place dans notre mouvement”, a-t-il précisé.
pic.twitter.com/FIJbvCYGJ6
— The White House (@WhiteHouse) January 13, 2021
Détruire des enregistrements?
Enfin, Trump est attendu sur un dernier point: avant son départ, il pourrait tenter de détruire des dossiers afin que l’administration Biden n’y ait pas accès, à l’instar des transcriptions de conversations avec le président russe Vladimir Poutine ou le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. L’administration de Joe Biden devra notamment consulter un certain nombre de dossiers tenus secrets à son arrivée à la Maison Blanche, comme l’avancée des négociations commerciales avec la Chine. Par ailleurs, les enquêteurs du Congrès américain pourraient avoir besoin d’accéder à des dossiers concernant les accusations d’une ingérence de la Russie dans les élections américaines de 2016. “Il y a des enquêtes en cours importantes, a expliqué auprès du magazine américain The Atlantic, Brian Geer, ancien avocat de la CIA (ndlr, Agence centrale de renseignement, en français). Certains dossiers sont indispensables pour poursuivre ces enquêtes”.
Mais selon Paul Schor, là encore, ses marges de manœuvre demeurent “extrêmement limitées”. “Beaucoup d’enquêtes en cours appartiennent déjà au Ministère de la Défense et ne pourront être détruites. Donald Trump ne contrôle pas tout”, rappelle-t-il. Et d’ajouter: “Les portes se referment sur lui les unes après les autres et s’il prend quelques dernières initiatives, leur portée sera toujours limitée”.
À voir également sur le HuffPost: La Garde nationale campe au Capitole face à la menace de nouvelles violences
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