Avec la loi climat, Emmanuel Macron défend le camp de l’immobilisme le plus insigne

Parmi la volée de mauvaises notes données à Emmanuel Macron et son gouvernement par la Convention citoyenne pour le climat lors de sa dernière session, la plus significative est certainement celle répondant à la question suivante: “dans quelle...

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Le Président Macron s'adresse aux membres de la Convention climat à l'Elysée, le 29 juin 2020, à Paris. (Photo by CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP)

Parmi la volée de mauvaises notes données à Emmanuel Macron et son gouvernement par la Convention citoyenne pour le climat lors de sa dernière session, la plus significative est certainement celle répondant à la question suivante: “dans quelle mesure les décisions du gouvernement relatives aux propositions de la convention permettent-elles de s’approcher de l’objectif de réduire de 40% minimum nos émissions dans un esprit de justice sociale”? Avec une note de 2,5/10, les citoyen-nes ont sanctionné l’inaction de l’exécutif et le décalage permanent entre le discours et les actes du président de la république incarné par le long naufrage du “sans filtre”. 

Il faut dire que toutes les instances qui ont évalué le projet de loi climat et résilience portée par la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, ont fustigé un texte très insuffisant, essentiellement composé de mesures vidées de leur substance: ainsi du Conseil économique environnemental et social et du Conseil national de la transition écologique, en passant par le Haut Conseil pour le Climat. Quand elles n’ont pas été tout simplement abandonnées (comme l’obligation de rénovation énergétique globale ou l’abrogation du CETA), les mesures de la Convention ont en effet été complètement dévitalisées par les champs d’application restreints et des délais de mise en œuvre repoussés, transformant les différents articles du texte en étiquette sans contenu. Exemple parmi d’autres avec la fin de vente des véhicules les plus polluants, repoussé de 2025 à 2030 et dont le périmètre ne devrait finalement concerner que 2 à 3% du parc au plus. 

Alors que la France réduit ses émissions 2 fois moins vite que la moyenne européenne, que l’état est reconnu responsable de “carences fautives” dans la lutte contre le réchauffement climatique par le tribunal administratif, une étude du cabinet d’expertise Carbone 4 démontre ainsi formellement que cette loi ne parviendra pas à combler le manque d’ambition des différentes dispositions adoptées sous ce quinquennat qui va s’achevant. À ce stade, la France du “Champion de la Terre” n’est donc pas en mesure de tenir ses objectifs climatiques à 2030 -lesquels sont par ailleurs d’ores et déjà caduques, suite à une décision récente du Conseil Européen, qui fixe une cible rehaussée à -55% à 2030.

Face à ces critiques, la ministre de la transition écologique a invoqué le problème d’“acceptabilité sociale” de la transition proposée par la Convention. Un argument défensif abondamment relayé par la majorité actuelle, afin d’excuser l’indigence du texte qu’ils s’apprêtent à défendre. Argument fallacieux à plus d’un titre.

D’abord, la raison d’être de la Convention citoyenne était précisément d’élaborer une feuille de route qui, dans son rythme comme dans ses moyens, propose une transition marquée par une forte acceptabilité sociale: c’est tout le sens d’avoir un panel de citoyen.nes tiré.es au sort pour réaliser cet exercice, censé d’ailleurs répondre à la mobilisation des Gilets Jaunes contre la hausse de la taxe carbone. Ensuite, des études d’opinion ont sondé les Françaises et Français sur les propositions les plus structurantes proposées par la Convention et ces dernières recueillent l’assentiment majoritaire de la population[1]. Enfin, c’est précisément sur les mesures empreintes de justice sociale que les fourches caudines du gouvernement ont été les plus acérées, comme n’a manqué de s’en étonner le HCC dans son avis sur le projet de loi. Citons pêle-mêle l’abandon de la généralisation du forfait mobilité durable, du prêt à taux zéro pour l’achat de véhicules peu polluants, du reste à charge zéro pour les rénovations énergétiques entreprises par les ménages les plus modestes, de la baisse de la TVA sur le train de 10% à 5,5%, des chèques alimentaires pour les plus démunis, de la hausse de la fiscalité sur les dividendes.

C’est pourtant bien la question du partage de l’effort qui se trouve au cœur de la controverse écologique aujourd’hui: qui doit contribuer le plus aux efforts de sobriété (matérielle) comme de solidarité (budgétaire)? Peut-être ceux qui ont le plus de moyens et qui se trouvent être aussi les plus gros pollueurs?

Le partage de l’effort doit s’organiser d’abord au sein de l’appareil productif. C’est le sens de la proposition consistant à soumettre les plus grandes entreprises à des objectifs contraignants de réduction d’émission de GES, plébiscitée par plus de 80% des Français-es au demeurant. En cas de non-respect des trajectoires fixées, l’entreprise se verrait interdite de verser des dividendes, manière de recadrer le lien d’intérêt qui existe entre les marchés financiers et les activités industrielles climaticides.

Instaurer un nouveau partage de l’effort entre les différentes classes sociales, ensuite. Les 10% des personnes les plus aisées de la population, polluent 4 fois plus que les 10% les plus modestes de par leur mode de vie. Si l’on prend en compte l’empreinte carbone des avoirs financiers, on s’aperçoit que les 1% des plus aisés émettent 66 fois plus que les 10% les plus modestes. D’où l’idée d’un impôt écologique sur la fortune évoquée par la Convention et aujourd’hui reprise sous la forme d’un ISF climatique porté par plusieurs groupes parlementaires.

Enfin, il faut penser le partage de l’effort entre producteurs et consommateurs, notamment en interdisant les publicités pour les biens et services les plus émetteurs, comme le souhaitent au moins 65% des Français-es. Parce qu’on ne peut pas sans cesse demander aux gens de réduire leur empreinte carbone, tout en laissant prospérer un système qui dépense chaque année plusieurs milliards pour les persuader du contraire. Question d’efficacité, de cohérence et d’éthique.

Hélas, sur tous ces sujets, le gouvernement s’est muré dans le déni. Alors que les records de chaleur tombent les uns après les autres et que tout le monde admet désormais qu’il est nécessaire de faire pivoter les grands équilibres économiques pour faire émerger une société neutre en carbone, Emmanuel Macron défend le camp de l’immobilisme le plus insigne, quoi qu’il en coûte pour l’humanité. La transition ne souffre pas d’acceptabilité sociale, mais d’acceptation présidentielle.

 

[1]https://www.greenpeace.fr/espace-presse/greenpeace-devoile-le-palmares-des-boulets-du-climat/
https://reseauactionclimat.org/sondage-des-gaulois-pas-si-refractaires-a-laction-climatique/
https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/sondage-exclusif-climat-trois-francais-sur-quatre-acquis-a-la-necessite-dun-modele-de-societe-sobre-1295473#xtor=CS1-26

 

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