Avec "Titane", le cinéma de genre français prend-il enfin ses marques ?
CINÉMA - Le public des cinémas a de quoi frissonner ces dernières semaines. “Titane”, le nouveau film de Julia Ducournau en compétition au Festival de Cannes, sort en salles ce mercredi 14 juillet 2021. À ses côtés, d’autres réalisateurs français...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
CINÉMA - Le public des cinémas a de quoi frissonner ces dernières semaines. “Titane”, le nouveau film de Julia Ducournau en compétition au Festival de Cannes, sort en salles ce mercredi 14 juillet 2021. À ses côtés, d’autres réalisateurs français s’essayent enfin au “genre” pour le plus grand bonheur des cinéphiles. La réalisatrice se révèle au HuffPost sur cet intérêt grandissant dans l’Hexagone.
Après “Grave” sorti en 2016, qui avait retourné l’estomac de nombreux spectateurs, la plus horrifique des Françaises a foulé ce 13 juillet les marches de Cannes pour présenter “Titane”. Ce nouveau long-métrage explique l’histoire d’un père pompier qui retrouve son fils disparu depuis 10 ans. Mais tout ne va pas se passer comme prévu pour les deux hommes. Pour cette intrigue aussi effrayante que déroutante, la réalisatrice s’est entourée du talentueux Vincent Lindon, d’Agathe Rousselle et de Garance Marillier.
“Titane” n’est pas seulement un film d’horreur classique, c’est bien plus que ça. Julia Ducournau mélange avec brio le genre policier, gore et énigmatique. À la façon d’un entonnoir, le long-métrage s’achève sur une scène épique qui conclut des péripéties auxquels les spectateurs ne resteront pas de marbre. “Pour moi c’est instinctif. Je ne peux pas tout de suite dire que j’avais un plan de bataille précis pour mettre du polar, de la comédie, un peu d’horreur. Il y a une part de moi qui résiste aux cases prédéfinies et à toute détermination de ce que devrait être un film”, explique la réalisatrice au HuffPost.
Mais c’est surtout la puissance des protagonistes du film qui va remuer les spectateurs et les mettre au défi de vouloir défendre l’indéfendable. “Il s’agissait de voir comment deux personnes, alors qu’ils sont sur le précipice de l’humanité, pouvaient nous faire croire à un amour absolu. Je voulais partir d’une ‘terre brulée’ pour explorer la naissance de l’amour sans déterminisme possible”, assure celle qui avait reçu le prix FIPRESCI à Cannes en 2016.
Le film de genre une spécificité américaine ?
Le film de genre arrive-t-il enfin à convaincre le public français? Ce n’est pas si simple. Les États-Unis ont longtemps eu la main mise sur ce cinéma qui, dès le début des années 1970, s’est révélé par le biais de nombreux réalisateurs comme John Carpenter avec “Halloween”, William Friedkin avec “L’Exorciste”, ou encore Tobe Hooper et son “Massacre à la Tronçonneuse”. Selon David Roche, professeur d’études cinématographiques à l’Université Paul Valéry Montpellier 3, l’explication viendrait de “l’héritage gothique très présent outre-Atlantique, mais aussi au Royaume-Uni”. Malgré cette vague de l’horreur, les réalisateurs français s’essayant au genre se font rares. Certains débarquent avec des films fracassants, à l’image de “Haute Tension” d’Alexandre Aja en 2003, ou encore “Martyrs” de Pascal Laugier, mais n’attirent pas le public espéré.
Néanmoins, en 2016 le film “Grave” arrive à se faire un nom grâce à sa présentation à Cannes dans la section de la “Semaine de la critique”. Depuis, le regain d’intérêt pour le genre dans le cinéma français semble se profiler, à l’instar de l’année 2021. En effet, plusieurs films français se bousculent à l’affiche: “La Nuée”, “Teddy”, “The Deep House”, “Méandre”, et viennent enfin réconcilier le cinéma français avec le genre. “J’espère que cet intérêt pour le genre va se pérenniser en France et que les festivals généralistes, comme celui de Cannes, vont ouvrir cette typologie de films au public pour que les financements se débloquent plus facilement dans le futur”, déclare la réalisatrice de “Titane”.
Une inspiration du genre des années 1970 ?
Le succès du film de Julia Ducournau n’est pas la seule raison de ce soudain intérêt pour le film de genre : “La France et une bonne partie des pays d’Europe se sont majoritairement penchés sur le fantastique, notamment dans la période classique du cinéma entre 1940 et 1950. Les réalisateurs français d’aujourd’hui sont influencés par le cinéma d’horreur américain des années 1970”, assure David Roche.
Selon le Centre National de la Cinématographie (CNC), la France se classe au rang des 1ers consommateurs de cinéma dans le monde. La passion des Français pour le cinéma d’auteur a certainement exclu, en partie, les films de genre de la sphère cinématographique: “On a une culture très cinéphile et la France est le pays des films d’auteur. Les réalisateurs comme John Carpenter sont perçus chez nous comme des auteurs, alors qu’aux États-Unis ce sont de simples réalisateurs de films d’horreur. Aujourd’hui, on prend enfin conscience qu’on peut faire du cinéma d’horreur et d’auteur, à l’instar d’Ari Aster ou Alexandre Aja”, explique le professeur de l’Université de Montpellier.
L’autre raison, selon Julia Ducournau, pourrait être le traumatisme de la guerre du Vietnam vécue par les Américains : “Le genre est arrivé en réaction épidermique à cette guerre. Il y a une justification historique forte qui explique l’expression d’une telle violence dans l’univers cinématographique outre-Atlantique. En France, les réalisateurs n’ont jamais réellement trouvé ce traumatisme”, déclare-t-elle.
L’intérêt grandissant des productions françaises
En parallèle de cet intérêt du public et de la presse pour le cinéma de genre, ce sont les productions qui commencent à faire bouger les choses. Le producteur Vincent Maraval s’est récemment associé à Thierry Lounas pour lancer “un laboratoire destiné à 100%” aux films de genre”. L’objectif 1er est de prendre des risques, à moindre coût certes, pour faire naître les meilleurs films de genre français au cours des prochaines années. Chaque projet sera toutefois soumis à une limite budgétaire de 15 millions d’euros.
D’autres projets ont permis à certains films, comme “La Nuée”, de pouvoir être réalisé. En 2016, le magazine So Film, en partenariat avec le CNC et Canal+, a lancé des résidences d’écritures pour développer et renouveler le genre à la française et mettre en contact les cinéastes avec plusieurs studios d’effets spéciaux. Une aide, créée par le CNC en 2018, a aussi été mise en place afin d’aider spécifiquement le cinéma de genre en France. L’occasion, peut-être, pour les apprentis réalisateurs de se lancer plus facilement dans cette sphère cinématographique longtemps ignorée par le cinéma français.
À voir également sur Le HuffPost: Pourquoi “Teddy” est bien plus qu’un “film de loup-garou”