Avec “Une histoire à soi”, Amandine Gay questionne le déracinement

Ouvrir la voix (2017) était le 1er film de la réalisatrice, ancienne comédienne et afro-féministe, Amandine Gay. Elle y tendait sa caméra vers les visages de 23 femmes noires, françaises et belges, qui racontaient le racisme systémique, les...

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Ouvrir la voix (2017) était le 1er film de la réalisatrice, ancienne comédienne et afro-féministe, Amandine Gay. Elle y tendait sa caméra vers les visages de 23 femmes noires, françaises et belges, qui racontaient le racisme systémique, les stéréotypes, les discriminations quotidiennes… Aujourd’hui, elle revient au cinéma avec Une histoire à soi, lui aussi habité par la même urgence, la même impérieuse nécessité inscrite dans le titre de son 1er long métrage : faire entendre les voix de celles et ceux que l’on a peu l’habitude d’écouter.

Au départ, Une histoire à soi est aussi une histoire à elle, Amandine Gay, née sous X, en France, d’un père martiniquais et d’une mère marocaine. Mais la réalisatrice a préféré tenir son vécu à l’écart de son nouveau film pour mettre en son centre le récit de cinq personnes adoptées depuis l’international. Une à une, elles se remémorent leurs souvenirs d’enfance mais aussi les 1ers symptômes de quelque chose qui ne va pas de soi et qui s’ancre dans le déracinement et la difficile tâche de se constituer en tant qu’individu avec ce manque dans l’existence.

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Déconstruction

Une histoire à soi explique ces images manquantes, ces récits oubliés. Pour les figurer, le film a le bel instinct de n’utiliser que les photos et les films de famille des concerné·es dont on suit, en off, les voix. La dissonance qui se crée entre ce qui est dit et le bonheur apparent qui fige ces archives, même s’il peut être véritable, ouvre une réflexion sur le tiraillement, le déchirement intime mais aussi, de manière plus méta, sur le secret que peuvent contenir les images, leur pouvoir de montrer et de cacher ce qu’elles veulent. Une histoire à soi n’est pas une ode aux racines, à l’origine comme ciment d’une identité une et indivisible.

Le film, bien plus complexe, appelle des questionnements plus larges que son propre sujet, l’enjeu n’étant pas de définir une généalogie de personnes adopté·es, mais au contraire de procéder à une déconstruction de ce qui a été enseigné comme norme, en 1er lieu la famille hétérosexuelle biparentale.

Une histoire à soi d’Amandine Gay (Fr., 2021, 1 h 40). En salle le 23 juin