Avortement: pourquoi ces propos de Macron peuvent être culpabilisants
AVORTEMENT - “L’IVG est une conquête immense pour les femmes et pour les hommes, pour la dignité et l’humanité de tous. Mais je mesure le traumatisme que c’est d’avorter...” Pourquoi ce “mais” d’Emmanuel Macron dans l’entrevue accordée au magazine...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
AVORTEMENT - “L’IVG est une conquête immense pour les femmes et pour les hommes, pour la dignité et l’humanité de tous. Mais je mesure le traumatisme que c’est d’avorter...” Pourquoi ce “mais” d’Emmanuel Macron dans l’entrevue accordée au magazine Elle jeudi 1er juillet? Les conséquences psychologiques néfastes sur les femmes d’un avortement sont en effet l’un des arguments majeurs de la rhétorique anti-IVG.
“L’éternelle assignation des femmes au trauma de l’avortement. Pour bien les culpabiliser”, a d’ailleurs réagi la sénatrice de l’Oise et ancienne ministre de la Famille et des Droits des femmes Laurence Rossignol sur Twitter.
Contactée par Le HuffPost, Laurence Rossignol dit attendre du président de la République, “qui prétend porter la grande cause de l’égalité, qu’il rompe avec ce discours qui est un discours classique de tous ceux qui refusent de faciliter l’accès à l’IVG. C’est l’assignation des femmes au traumatisme.” Cette phrase n’a pas non plus manqué de faire réagir le planning familial.
@EmmanuelMacron, forcer une femme à poursuivre une grossesse non désirée est une VIOLENCE.
— Le Planning Familial (@leplanning) July 1, 2021
L’avortement est une SOLUTION, pas un échec.
Allonger les délais d’IVG c’est permettre aux femmes de disposer librement de leur corps. #PPLIVG#MonCorpsMonChoix⤵️
Co-présidente nationale du Planning Familial et contactée par Le HuffPost, Sarah Durocher, se dit “très en colère de cette phrase-là, alors qu’en ce moment même il y a le Forum Génération Égalité et que le monde entier regarde la France”. “Qu’un chef de l’État ait cette position est vraiment inacceptable et c’est une preuve qu’il n’écoute pas les associations féministes et les femmes”, ajoute-t-elle.
Rhétorique anti-IVG
Le fait qu’une IVG aurait des impacts sur la santé mentale des femmes, ou l’existence d’un syndrome post-avortement, sont de vieilles ritournelles. “Emmanuel Macron reprend mot pour mot toute la rhétorique des anti-IVG. Et c’est soit dissuasif, soit culpabilisant, car celles pour qui cela n’a pas été traumatisant, ou pour qui le traumatisme aurait été de ne pas faire d’IVG, seront considérées comme des monstres”, lance Laurence Rossignol.
“Le terme traumatisant est un terme d’anti-choix”, note d’ailleurs également Sarah Durocher. Sur le site ivg.net, tenu par un couple de militants catholiques, on peut ainsi lire que “65 % des femmes ont des symptômes de troubles post-traumatiques”, et que “la dépression, le suicide, le retrait relationnel, la perte de l’estime de soi, le sentiment aigu de culpabilité, de honte de soi, d’échec de sa maternité” sont autant de risques auxquels s’exposent les femmes qui pratiquent l’IVG.
“Sur les sites activistes anti-IVG, et en particulier ceux qui tiennent des lignes d’écoute, on dit aux femmes que le traumatisme est obligatoire et consubstantiel à l’IVG. Or, c’est faux”, rétorque Laurence Rossignol. “Les femmes peuvent le vivre différemment. Il y a autant d’IVG que d’histoires. Personne ne dit que c’est un moment agréable, mais un traumatisme suppose un choc, une violence et des séquelles psychologiques. Et je conteste cette idée que l’IVG est forcément un traumatisme.”
De son côté, le professeur Israël Nisrand, spécialiste de l’avortement, avance auprès des Inrocks qu’il n’est pas “politiquement correct de dire qu’il peut y avoir des troubles psychiques ou des regrets en aval d’une IVG”. Il se montre plutôt mesuré quant à ce qu’il observe en consultation: “c’est un phénomène sur lequel on manque d’études scientifiques mais, sur le terrain, en consultation, on voit bien que cela existe”, souligne-t-il.
Des études contre cet argument
Pourtant, les études scientifiques et avis d’experts sur le sujet sont loin d’être aussi catégoriques. Dans une vidéo publiée sur le site du gouvernement, le gynécologue Philippe Faucher explique que “la majorité des études scientifiques sérieuses qui ont été publiées sur le sujet montrent qu’il n’y a pas de séquelle à long terme psychologique de l’avortement. Il n’y a pas de syndrome post-traumatique qui persisterait à distance, plusieurs années après un avortement”.
Il souligne toutefois qu’au moment de l’IVG, “ce n’est pas un moment très agréable à passer”. Mais, là encore, “c’est comme pour la douleur physique, il y a des femmes qui le vivent on va dire plutôt bien et puis il y a des femmes qui le vivent plutôt mal : donc qui sont tristes, qui pleurent. Et à ce moment-là il ne faut pas hésiter à demander à des professionnels formés à l’accompagnement psychologique de vous aider.”
Si l’on veut des chiffres, on peut se tourner vers une étude menée par l’Inserm en 2013. Celle-ci, qui compile des travaux réalisés au fil des années, montre que 6,5% de femmes interrogées ayant vécu un avortement souffrent d’anxiété généralisée, contre 7,4% pour celles qui n’ont jamais avorté. En ce qui concerne le syndrome d’anxiété sociale, il est également plus présent chez les femmes n’ayant pas avorté (13,4%) que chez les femmes ayant vécu une IVG (11%).
80% des femmes se disent soulagées
Seul le syndrome de stress post-traumatique (SPT) est supérieur chez les femmes ayant avorté: 9,2% contre 7,5. Mais ce chiffre est vite atténué par la conclusion suivante: “Finalement, en utilisant des coefficients de régression logistique, les auteurs voient que la relation entre avortements, y compris multiples, et l’existence de troubles d’anxiété sociale ou de SPT n’est plus significative si on tient compte des antécédents de violence sexuelle ou physique et des antécédents des troubles mentaux correspondants”.
Un rapport publié dans la Revue médicale suisse en 2007 montre même que la grande majorité des femmes se sent soulagée dans les mois qui suivent l’avortement. Menée par le gynécologue obstétricien Francesco Bianchi-Demicheli, l’étude montre que dans les trois mois qui suivent, 80% des femmes se disent soulagées, comme le rapporte Les Inrocks.
Une étude plus récente, publiée en 2016 dans la revue JAMA Psychiatry, réalisée auprès de 956 femmes de 21 pays différents et sur 5 ans, montre de son côté que le fait de se voir refuser un avortement a des conséquences bien plus néfastes sur la santé mentale des femmes que l’avortement en lui-même.
“Au quotidien, on reçoit des femmes et en fait elles sont soulagées d’avoir le choix, donc écoutons-les”, abonde Sarah Durocher.
Culpabilisation, dissuasion
Le problème, avec le fait de porter un discours selon lequel les femmes avortant sont forcément traumatisées, est la culpabilisation envers celles qui veulent avoir recours à l’IVG. Sauf que l”“avortement n’est pas une erreur, c’est une solution à une grossesse qu’on ne souhaite pas”, insiste Sarah Durocher. “Emmanuel Macron n’est pas au courant des réalités de l’accès à l’avortement, c’est presque une caricature de l’IVG”, ajoute-t-elle.
“Cette obligation contribue à culpabiliser les femmes, voire à les dissuader. Cela ne me surprend pas du tout de la part du Président de la République. Il refuse obstinément de rallonger le délai de deux semaines alors que sa majorité le veut, alors que les associations le demandent, et qu’il préfère que les femmes aillent avorter à l’étranger. Il ne précise pas dans l’entrevue si c’est traumatisant d’aller avorter à l’étranger!”, lâche Laurence Rossignol.
Si Emmanuel Macron a indiqué qu’il n’était “pas favorable” à l’allongement du délai de recours à l’IVG, le président du groupe LREM Christophe Castaner s’est montré jeudi 1er juillet en désaccord avec le président et compte faire voter l’allongement de ce délai légal.
À voir également sur Le HuffPost: L’Argentine légalise l’avortement, la foule en liesse à Buenos Aires