“Babi Yar. Contexte” : un documentaire saisissant sur l’effroyable massacre de Babi Yar

Deux mois après l’invasion allemande en Ukraine, le 29 et le 30 septembre 1941, 33 771 Juif·ves ont été exécuté·es à Babi Yar, un ravin de la banlieue de Kiev. Les corps ont progressivement été ensevelis dans cette immense fosse commune, sans...

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Deux mois après l’invasion allemande en Ukraine, le 29 et le 30 septembre 1941, 33 771 Juif·ves ont été exécuté·es à Babi Yar, un ravin de la banlieue de Kiev. Les corps ont progressivement été ensevelis dans cette immense fosse commune, sans la moindre résistance de la part de la population locale.

Babi Yar. Contexte, dernier documentaire du cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, ne se focalise pas uniquement sur ces jours sombres et chaotiques, mais donne à voir une progression dramaturgique par le traitement qu’il fait des images d’archives retrouvées. Il expose d’abord la conquête progressive du territoire par le régime allemand, qui met à feu et à sang le pays, avançant au rythme des sons rajoutés par le cinéaste en postsynchronisation, ceux des foules hurlantes, des missiles et des chars. Pas un mot n’est prononcé.

Des images fixes pour saisir l’horreur

Au cœur du film, un long texte sublime de Vassili Grossman, extrait de L’Ukraine sans les Juifs, défile dans le silence, listant les disparu·es : les dentistes, les ouvriers, les grands-mères, les aveugles, les muettes… C’est l’épisode du gouffre. Des images fixes viennent saisir en plongée totale les vêtements abandonnés gisant dans le ravin. Si ces plans, par leur couleur, leur éclat, donnent le sentiment d’une reconstitution (ce sont pourtant des photographies authentiques nettoyées), ils s’extraient des mouvements en noir et blanc qui innervaient le film jusqu’alors. Ces images interrogent le point de vue du cinéaste, travaillant à une horizontalité constante des filmeurs.

La propagande allemande, l’Armée rouge, les photographes officiels… Qui est derrière la caméra ? L’œil du monteur (du cinéaste) devient ainsi l’œil du caméraman. Et derrière l’image sans parole, soudain, les mots se déversent. Le film se poursuit avec des témoignages lors du procès de Kiev en 1946. Rescapé·es et soldats nazis expliquent leur histoire. Alors que l’image avait englouti l’abomination, la parole s’est maintenant faite le fluide du chaos. Et, dans un jeu de raccords au noir se loge la peur terrible, celle qui fige l’âme. Comme le dit un homme obsédé par la silhouette d’une femme victime : “seul un formidable sculpteur pourrait exprimer cette détresse.

Le 1er film d’un diptyque ?

Pour Sergei Loznitsa, l’histoire de Babi Yar n’est pas terminée. Il est en effet depuis plusieurs années à la recherche de financements solides pour réaliser un film de fiction sur ce massacre. Babi Yar. Contexte serait alors la 1ère partie documentaire d’un diptyque à venir.

Une 1ère partie qui permet à l’Ukraine de se retourner sur son propre passé, elle qui était entrée dans un silence absolu vis-à-vis de cette tragédie. Que faire après une telle horreur ? En cela, les nombreux regards-caméra des anonymes sont comme des stigmates restaurés de l’effroi. Bon nombre d’images utilisées, restées enterrées dans les archives depuis des décennies sans que personne ne les regarde, font de cette exhumation une œuvre transcendée, à l’image de cette exécution au grand jour, à Kiev, en 1946, où douze criminels nazis furent pendus en place publique et où le découpage surprend, comme s’il était prévu à l’avance. Pour redessiner les fléaux, l’image de Sergei Loznitsa rappelle à quel point sa plénitude sert sa terreur. Son image sait.