Bacri nous regarde et nous dit "Mon pauvre!" - BLOG
CINÉMA —Dans un remake de “Blanche neige”, il aurait joué le nain grincheux.Rouspéteur né? Je ne crois pas. C’est plus tard que le placeur de l’Olympia, un bon lieu d’observation, s’est rattrapé.C’est au contact des humains que Jean-Pierre...
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CINÉMA —Dans un remake de “Blanche neige”, il aurait joué le nain grincheux.
Rouspéteur né? Je ne crois pas. C’est plus tard que le placeur de l’Olympia, un bon lieu d’observation, s’est rattrapé.
C’est au contact des humains que Jean-Pierre Bacri, qui vient de mourir d’un cancer à 69 ans, a pris la mouche une bonne fois pour toutes.
Il était trop à gauche pour être méprisant, mais la bêtise humaine l’insupportait comme l’exaspérait la vanité de certains de ses contemporains. Et n’ayant pas sa langue dans sa poche, il ne l’envoyait pas dire au commun des mortels, d’où ce côté atrabilaire, impatient, exaspéré, agacé, énervé, bougon, de sale poil, cinglant, mal luné, railleur… Il jouait d’autant mieux les types fatigués de tout, y compris d’eux-mêmes qu’il n’avait pas loin à chercher pour s’inspirer d’un modèle avec lequel il révélait un véritable “Air de famille” — et pour cause.
Mais le râleur écrivait bien et jouait de même
Dans le couple d’auteurs dramatiques, cinéastes, dialoguistes et comédiens qu’il a formé pendant des années avec Agnès Jaoui, au théâtre comme au cinéma, son personnage était un autre lui-même. C’est-à-dire une figure du cinéma d’auteur populaire. Très populaire même en ceci que chacun se reconnaissait dans cet antihéros profondément humain et qui, contrairement à nous, osait dire leurs quatre vérités aux imbéciles et aux prétentieux.
Il a excellé dans des œuvres comme “Cuisines et dépendances”, “Smoking/no smoking”, “Comme une image”, “Parlez-moi de la pluie”, “Cherchez Hortense”, “Le goût des autres”, “Un air de famille”, “Le sens de la fête”, etc., etc. Beaucoup de très bons films, un chef d’œuvre absolu: “On connaît la chanson”, qu’il a écrit et joué avec Agnès Jaoui pour Alain Resnais.
Une justesse de ton
Ce qui frappe chez Bacri, c’est la justesse de ton, l’adéquation parfaite entre ses mimiques, sa gestuelle et sa voix. Une voix dont le timbre correspondait à ses états d’âme: catégorique et hésitante, tranchante et bègue, lasse et caressante, rocailleuse et tendre. Comme lui, au fond.
Cette voix laissera derrière elle une traînée de regrets et de dépits, amoureux ou non.
Le cher Bacri nous regarde et, plein de commisération, il dit: “mon pauvre!...”
Il restera comme un promeneur solitaire revenu de tout et follement admiré dans la grisaille de nos vies.
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