“Barbie” : féminisme grand public ou propagande commerciale ?
Barbie est-il vraiment féministe ? C’est la question qui anime les débats depuis la sortie du film de Greta Gerwig il y a un mois. Concernant son succès commercial, pas de débat : Barbie a récemment dépassé le milliard de dollars de recettes...
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Barbie est-il vraiment féministe ? C’est la question qui anime les débats depuis la sortie du film de Greta Gerwig il y a un mois. Concernant son succès commercial, pas de débat : Barbie a récemment dépassé le milliard de dollars de recettes à travers le monde, une 1ère pour un film réalisé par une femme. Le problème relève plutôt de sa dimension féministe qui, elle, peine à convaincre.
À ce propos, Théo Ribeton, critique ciné aux Inrockuptibles, est catégorique : “Je ne pense pas que le film soit anti-féministe, je n’irais jamais jusque-là, mais je pense qu’il porte le masque du féminisme. Ça ne peut pas marcher avec sa véritable nature, qui est publicitaire.” Selon lui, l’entreprise Mattel, créatrice des poupées Barbie et coproductrice du film, “récupère un discours sur le patriarcat et les stéréotypes masculins, et le plaque sur son produit phare, c’est juste une nouvelle manière de le vendre !”
Un standard de beauté inatteignable
L’idée que Barbie n’est rien de plus qu’une publicité géante pour Mattel et ses produits est loin d’être isolée. Le magazine américain Forbes publiait une tribune à ce sujet début août : “Le film Barbie n’est pas de la propagande féministe, c’est une publicité de deux heures pour Mattel.” “Une astuce marketing de génie”, du feminism washing, donc.
Un avis largement partagé par Morgane Gonon et Lou Welgryn, cofondatrices du collectif Éclaircies, dans leur tribune auprès du magazine Usbek & Rica. “Un féminisme ‘en plastique’ au service de la réhabilitation d’une marque et d’une gigantesque opération marketing complètement déconnectée des enjeux écologiques. Une opération publicitaire de grande ampleur pour s’enrichir sur le dos de #MeToo et de luttes réelles, quotidiennes et douloureuses”, expliquent-elles en quelques mots. L’objectif de Barbie n’étant pas d’éduquer, mais d’offrir une sorte de rédemption à Mattel.
“Le début du film explique que Barbie a toujours été inclusive et féministe. Pourtant, j’ai grandi dans les années 1980 et je n’ai jamais eu de Barbie noire ou handicapée. On nous fait croire que la Barbie cliché, incarnée par Margot Robbie, n’est qu’une Barbie parmi d’autres… mais c’est faux !”, martèle la journaliste et autrice féministe Camille Emmanuelle auprès de Télérama. “Barbie, à la base, c’est quand même un vecteur d’oppression des femmes, un standard de beauté inatteignable proposé aux petites filles” rappelle Théo Ribeton, qui estime que Barbie et le féminisme sont incompatibles : “Déjà parce que c’est impossible pour Barbie d’être anticapitaliste, et si on reste dans la machine industrielle, on ne peut rien émanciper.”
Féminisme bimbo
Si personne ne nie la portée commerciale du film, certain·es estiment que le message féministe, bien présent dans Barbie, ne s’y noie pas. “Barbie n’est pas féministe, Mattel encore moins, mais le film de Greta Gerwig l’est, tout simplement parce que son sujet central est le féminisme”, expose en ce sens la philosophe Camille Froidevaux-Metterie dans une tribune pour Libération. “Un à un, les mécanismes du patriarcat sont moqués, pour ce qu’ils font de tort aux femmes, mais aussi et surtout, pour le modèle de masculinité inepte qu’ils imposent aux hommes”, précise-t-elle.
Un avis partagé par le média The Conversation, qui aborde le sujet du “féminisme bimbo” dans Barbie. L’idée est de se réapproprier l’étiquette et l’esthétique bimbo, souvent jugée péjorative : “Au lieu d’abandonner la féminité pour réussir dans une société patriarcale, le féminisme bimbo embrasse la féminité tout en soutenant le féminisme.” Lors de sa 1ère rencontre avec sa propriétaire, Barbie se fait traiter de “bimbo professionnelle”, une objectivation et un jugement sur son apparence alors que sa démarche serait purement féministe.
Au micro de France Inter, la journaliste et autrice Victoire Tuaillon souligne “une satire de la masculinité, et une critique qui porte juste”. Ce qui n’empêche pourtant pas de grandes limites en son sein : “Le film ne montre pas la réalité du patriarcat. Car il aurait fallu montrer l’ampleur des violences que subissent les femmes.” Ces limites sont aussi mises en avant par Camille Emmanuelle : “J’aurais voulu que les Barbie causent de poils et de sexe. Là, le film est saupoudré d’un peu de féminisme et de blagues sur le patriarcat, mais en réalité, rien ne change : Barbieland et le monde réel restent les mêmes, Mattel reste dirigée par des hommes… En fait, c’est un féminisme qui rassure mon vieil oncle réac.”
Au service du féminisme
À la question “Barbie est-il féministe”, difficile de trancher. Car personne n’est dupe, l’intention 1ère du film est de vendre. “Il n’y a pas de féminisme sans lutte contre le capitalisme néolibéral, mais si celui-ci se met au service des idées féministes, alors c’est bon à prendre”, estime Camille Froidevaux-Metterie. Le message féministe se noie-t-il malgré tout dans les intentions commerciales ? Difficile à dire.
Quant aux critiques concernant la dimension simpliste de ce message, la philosophe invite à ne pas bouder “la chance inouïe que nous avons, nous féministes, de voir les bases simplifiées du féminisme être diffusées à une telle échelle et toucher un si large public”. Pourtant, les représentations présentes dans le film affichent de réelles lacunes, et l’omission totale des violences aseptise de fait son sujet.
Et si la question n’était pas de savoir si Barbie est féministe, mais de comprendre son influence, qu’elle soit positive ou négative ?