Bastien Bouillon : la voix qui manquait au cinéma français (2/4)

Sur la très succincte page Wikipédia consacrée à son nom (preuve qu’il en est à peine au stade d’éclosion de sa jeune carrière), rien ne pourrait laisser transparaître la pourtant si grande singularité de Bastien Bouillon. Classe libre du Cours...

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Sur la très succincte page Wikipédia consacrée à son nom (preuve qu’il en est à peine au stade d’éclosion de sa jeune carrière), rien ne pourrait laisser transparaître la pourtant si grande singularité de Bastien Bouillon. Classe libre du Cours Florent, puis Conservatoire national, puis des années de galère en tant que figurant de seconds-rôles en tout genre : classique de chez classique. Au travers de cette courte biographie, une ligne se distingue pourtant parmi les autres : il est le petit-neveu de Joséphine Baker. Cela pourrait être un hasard, mais il n’en est rien. Ce qui différencie Bastien Bouillon des autres, ce qui le rend si fascinant, c’est sa voix. Et depuis que le cinéma a pris la parole à la fin des années 1930, il faudrait compter sur le doigt d’une main les grand·es acteur·trices. qui n’ont pas une voix singulière. Au timbre cristallin de sa grand-tante chanteuse, Bouillon répond d’une voix grave, rocailleuse mais délicate. Les personnages qu’il incarne ne causent pas, mais murmurent avec une douceur désarmante, détachant méticuleusement chaque syllabe les unes des autres. C’est parfois touchant, parfois inquiétant.

Quelque part entre Gaspard Ulliel et Benoît Magimel

Dominik Moll, le réalisateur du remarquable La nuit du 12 a parfaitement compris cette ambivalence et décide de faire entrer en collision l’étrange douceur de cette voix dans un corps venu d’un autre monde : un tout jeune commissaire butant sur l’affaire qui hante un jour chaque flic, celle qui le dévore petit à petit. Si, déjà, sa voix de narrateur dans Deux automnes trois hivers de Sébastien Betbeder nous avait happé, dans La Nuit du 12, son 1er grand rôle, l’acteur fascine de bout en bout et dessine une partition sonore qui convoque un panorama large du cinéma français. Une réminiscence de l’élocution monolithique des modèles bressonniens, mais également l’écho de deux immenses voix du cinéma français de ces dernières années : le tragique défunt Gaspard Ulliel et l’un des plus grands acteurs français en activité, Benoît Magimel. Du 1er, il ressuscite le raffinement du phrasé, du second, le souffle caverneux.

De sa voix presque exclusivement, le comédien compose un personnage qui mêle la candeur et l’idéalisme du petit Lieutenant, incarné par Jalil Lespert chez Xavier Beauvois, et la sagesse calme mais tranchante du lion Roschdy Zem dans Roubaix, une Lumière d’Arnaud Desplechin. En cela, Bastien Bouillon poursuit dans La nuit du 12 la réinterprétation que fait le cinéma français depuis quelques temps de la figure du flic. Emphatique, sensible, c’est une oreille qui écoute, ce sont des yeux perçants qui accueillent silencieusement la parole. Et lorsqu’il ouvre la bouche, la voix de l’acteur se fait, comme à son habitude, feutrée et prudente. S’il est normal que sa parole murmurante ait pris du temps à être entendu de tou·tes, maintenant qu’elle a sue éclore, elle devrait habiter pour un certain temps le cinéma français.