Berlinale : Xavier Beauvois et Céline Sciamma en demi-teintes

Le deuxième jour de la Berlinale en ligne a vu apparaître les auteur.trice.s les plus identifié.e.s de la sélection. Dans Albatros, Xavier Beauvois installe son classicisme tranquille à quelques encablures de chez lui, en Normandie, pour filmer...

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Le deuxième jour de la Berlinale en ligne a vu apparaître les auteur.trice.s les plus identifié.e.s de la sélection. Dans Albatros, Xavier Beauvois installe son classicisme tranquille à quelques encablures de chez lui, en Normandie, pour filmer sa femme (Marie-Julie Maille, qui est également sa monteuse) et sa fille (Madeleine Beauvois), déjà apparues dans des rôles secondaires des Gardiennes, dans un film qui aurait du à l’origine s’appeler Un petit fils et ne fait donc pas grand mystère de sa résonance personnelle et familiale. Au centre, Laurent (Jérémie Rénier), homme sérieux, papa, conjoint (bientôt mari, mais c’est plutôt son idée à lui qu’à elle), amateur de voile, fils et petit-fils de pêcheurs naufragés, mais gardien de la paix avant tout – un commandant de gendarmerie juste assez bossy pour laisser transparaître un soupçon d’angoisse virile qui va bien évidemment s’ouvrir comme une plaie béante et devenir le sujet central.

Car si quelque chose a bel et bien été transmis à Laurent (sa mère, au début, lui lègue symboliquement une belle maquette, relique familiale donnant son titre au film), quelque chose pourtant lui manque : une réserve, une pudeur face à la dureté de l'existence, une véritable sérénité d’homme intègre, manque que le film entreprend de lui révéler en lui infligeant une crise majeure (coupable d’une sinistre bavure, il doit affronter la justice et renoncer à tout son petit prestige local) qui renvoie à ses petits accomplissements individuels – son projet de mariage, son statut de chefaillon... – un violent reflet de mascarade narcissique.

Tout ceci est surtout extrêmement convenu, qui plus est vue la façon qu’a Beauvois de n’assumer que très superficiellement la violence de la crise, surjouer la sidération tout en amortissant au maximum les chocs en profondeur, pour finalement ne jamais vraiment renoncer à son seul et unique projet ici : filmer "un homme, un vrai, avec des fêlures", s’étant peut-être rendu compte en cours de route, et notamment en filmant le regard de Jérémie Rénier perdu dans le gris et les mouettes, que la virilité en crise, c’était le nec plus ultra de la virilité tout court. En atteste en conclusion une douteuse image d'Épinal familialiste, où l'on se demande bien comment Laurent, Xavier ou qui que ce soit d'autre, prétend avoir appris quoi que ce soit d'une telle croisière.

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La maison des bois

Tout a changé pour Céline Sciamma depuis son dernier film, qui lui a permis de convertir sa déjà solide réputation nationale en un statut de quasi-icône worldwide (notamment aux États-Unis, où son Portrait a reçu un plébiscite sans beaucoup d'équivalents), à l’avant-centre des reconfigurations féministes du cinéma et des discussions sur le gaze. Tout a changé, et pourtant pas grand-chose, à en voir ce petit film comme un retour à l’essentiel, réduit à la portion congrue de son cinéma (enfance troublée proche de Tomboy par l'âge des personnages, cadres cliniques, nappes de Para One), qui on lui ajoute son décor forestier et son économie de moyens, fait pratiquement l’effet d’une retraite monacale.

Nelly, 9 ans, vient de perdre sa grand-mère. Déménageant avec ses parents, pas très en forme non plus, dans la maison restée vacante, elle se fait en forêt une drôle d’amie. L’ombre du conte métaphorique gronde : les deux filles se ressemblent comme des jumelles, on ne sait pas encore pourquoi – on ne le dévoilera pas ici. Bonne surprise que de voir Sciamma se mettre ainsi au pain sec et à l’eau, au moment où on l’imaginerait appelée aux productions orgueilleuses et aux rêves d’Amérique. Moins bonne, lorsqu’on découvre qu’il y a bel et bien dans Petite maman quelque chose qui pèse très lourd. Ni ses moyens (deux décors, cinq interprètes, pas une star), ni ses intentions (une petite fable d’enfance, sibylline et cryptique comme une nouvelle au fantastique suggéré), mais sa langue : le texte récité, les gestes répétés, les marques au sol, et tout le film qui avance avec application vers ce qu’on suppose être un point de résolution. Sciamma n’a jamais autant donné l’impression de filmer un scénario, sans pouvoir recourir cette fois, pour exalter sa matière, ni aux feux de la passion (Portrait de la jeune fille en jeu), ni aux rutilances de la stylisation pop (Bande de filles). Elle signe ici un film étrangement atone, comme une petite pierre au fond des bois.

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