“Bigbug” sur Netflix : une vision bien ringarde du futur

Neuf ans ont passé depuis le four de L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet, ultime ratatouille bricolo-brocanteuse du réalisateur du Fabuleux destin d’Amélie Poulain et de Micmacs à tire-larigot (ces titres !). Neuf ans de...

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Neuf ans ont passé depuis le four de L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet, ultime ratatouille bricolo-brocanteuse du réalisateur du Fabuleux destin d’Amélie Poulain et de Micmacs à tire-larigot (ces titres !). Neuf ans de relative inactivité passés à tenter de tourner deux scénarios : un film érotique (on tremble d’avance), et une histoire de robots et d’intelligence artificielle, que Netflix a donc finalement accepté de produire en 2019, et qui sort aujourd’hui sur la plateforme.

Bigbug se déroule en 2045, alors que les robots se sont infiltrés dans toutes les couches de la société, du confort domestique à la police en passant par la politique, aux côtés d’humains plus abêtis que jamais par la consommation et pour la plupart inconscients de la menace que représentent leurs serviteurs. Le film se place en huis clos dans une maison pavillonnaire, kitschissime et suréquipée, évoquant la villa des McFly du futur dans Retour vers le futur 2, et dans laquelle une poignée d’humains vont se retrouver enfermés toute une nuit par une intelligence artificielle, à la merci d’androïdes divers et variés dont certains vont s’allier à eux et d’autres non.

Ringardisme dément

La bonne nouvelle, c’est que pour une fois Jeunet a levé le pied sur les filtres jaunasses ; la mauvaise, c’est que son mauvais goût se voit du coup encore plus. Tout est affreusement laid, presque sale de laideur, quand bien même le monde dépeint se veut hygiéniste et aseptisé : le texte (garni de barbarismes gerbants comme “teuteutronique”, “bitdols”…), le décor “design sixties” à la WandaVision, et puis ce goût insupportable du réalisateur pour la grimace permanente et les têtes déformées par les courtes focales.

Mais ce qui frappe avant tout dans Bigbug, c’est le ringardisme dément de sa vision du futur : des robots qui causent d’une voix atone de rêves et d’émotions qu’ils sont incapables d’éprouver, des humains crétinisés par l’omniprésence des loisirs et l’assistance permanente de la technologie, des écrans de pub qui flottent dans les airs, des habitations pavillonnaires standardisées à perte de vue, des ados qui baragouinent une novlangue incompréhensible – qu’est-ce qui, dans tout ça, n’aurait pas pu être (et n’a pas été) déjà imaginé par un cerveau de 1980 ?

Jeunet semble prendre sa petite démangeaison dickienne pour le summum de l’anticipation, mais il a quarante ans de retard. On ne s’explique pas l’absence de téléphones portables, la quasi inexistence d’Internet : le futur selon lui ressemble à une petite existence bourgeoise, genre théâtre de boulevard, rehaussée d’une poignée de bidules technologiques et d’hologrammes. Qu’est-ce que cela veut nous dire sur le devenir de l’humanité ? Des choses banalement plates (on ne sait plus s’aimer, on se laisse aller à une léthargie assistée par ordinateur…) ou parfois carrément consternantes, à bien y regarder (des petits détails de dialogue et de scénario qui fleurent bon la nostalgie du patriarcat classique et des Trente Glorieuses), mais qu’on rechigne même à vraiment lui reprocher, tant il passe du coq-à-l’âne et semble naviguer à vue à l’intérieur de son bien pauvre et bien triste imaginaire de moraliste SF à la petite semaine.