“Blonde”, un biopic avilissant sur Marilyn Monroe

Oui, Blonde est inspiré du roman éponyme de Joyce Carol Oates publié en 2000 ; non, il n’est pas permis de mettre en miroir ces deux œuvres, de justifier l’une par l’autre, sous prétexte que le film reprendrait la même chronologie d’épisodes...

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Oui, Blonde est inspiré du roman éponyme de Joyce Carol Oates publié en 2000 ; non, il n’est pas permis de mettre en miroir ces deux œuvres, de justifier l’une par l’autre, sous prétexte que le film reprendrait la même chronologie d’épisodes célèbres de la vie de Monroe. Si le réalisateur néo-zélandais fait le choix de reprendre ses grands segments temporels – enfance sous le joug de Gladys, la mère folle ; lente ascension au sein des studios (et ses divers droits de cuissage dont un viol) ; romance survoltée en mode “trouple” avec le fils Chaplin ; deux mariages dévastateurs (avec Joe DiMaggio et Arthur Miller) ; liaison avec Kennedy –, il passe son métier d’actrice sous silence. Sa Marilyn n’est jamais au travail. Ce qui est fou quand on sait à quel point les doutes de celle-ci se cristallisaient sur l’exercice de son art. 

Le film échoue aussi fatalement à reproduire ce monologue intérieur, labyrinthique et vertigineux, du livre d’Oates qui rend justice, certes en des termes féroces et troués d’hallucinations, à la complexité de son héroïne. Dominik prend une voie opposée : la “complexité” va à la mise en scène, tandis que son interprète (Ana de Armas) est sommée de livrer une interprétation de Marilyn chimiquement pure. C’est-à-dire simplement mimétique.

>> Lire notre entrevue d’Ana de Armas

La performance est belle sans doute, mais passée l’admiration passagère pour le numéro d’actrice, celle-ci enferme le mythe dans la reproduction à l’infini de son image (Warhol l’avait déjà fait, avec plus d’ironie). C’est d’ailleurs dans son talent de copiste que le cinéaste s’illustre le mieux, reproduisant archives de l’époque (unes de magazine, extraits de films…) avec une minutie maniaque.

Mais on comprend vite que Blonde se veut avant tout iconoclaste, et recompose soigneusement le mythe pour mieux le dépecer. Cela donne cent-soixante-cinq minutes de trame filmique expérimentale, de récit fragmentaire enfumé, d’images s’entre-dévorant dans un tourbillon de cut, de flous et de flash, de noir et blanc et de couleurs, recherchant le vertige dans un chaos de plus en plus complaisamment noir, braconnant sur les terres d’un David Lynch, et même d’un Orson Welles (le réalisateur ayant confié dans une entrevue que son Blonde, en gestation depuis 2010, serait l’enfant de Raging bull et Citizen Kane, affirmant aussi, avant sa sortie, que son film était un chef d’œuvre.)

Délire sadique

C’est au cœur d’une curieuse schizophrénie – d’un côté une incarnation univoque et réductrice de MM, de l’autre l’égo démesuré d’un metteur en scène (révélé en 2007 par L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford)— que s’élabore ce film-piège. Car piégeur, Blonde l’est au moins à un titre. Sa toile exhibe une icône pour ne la réduire qu’à un corps-martyr, tout en s’arrogeant la bonne conscience d’une fiction “nageant dans les eaux post-Me Too”, s’est vanté dans un entretien le réalisateur. Or Blonde n’est qu’un délire sadique de plus à l’égard d’une victime féminine, opportunément maquillé en cauchemar.

Un parti-pris qui autorise Dominik, en outre, à fouiller le corps de son héroïne, en filmant un avortement “de l’intérieur”, au milieu de ses organes. Puis, à travers une séquence encore plus embarrassante, à faire causer un fœtus qui reproche à sa génitrice cette IVG. Qu’on y voit un impensé “pro-life” ou un clin d’œil de mauvais goût à Kubrick, ces scènes d’une violence symbolique extrême – sorte de viol esthético-obstétrical – accuse la même ignorante désinvolture que celle à l’œuvre dans l’évocation, plus tard, de deux fausses couches ayant jeté, il est vrai, deux ombres immenses sur la vie de Norma Jeane.

Lente crucifixion

C’est ainsi qu’au terme de cette éprouvante crucifixion, après une ultime et consternante scène de fellation, on aura vu une mémoire collective piétinée, une légende ternie, une femme humiliée, infantilisée en orpheline inconsolable, sans paradoxalement n’avoir jamais eu le sentiment de croiser Marilyn, ni la star, ni la femme. Le film nous laisse en revanche un sentiment de vide, de non-rencontre. Un manque qu’il est facile d’assouvir en visionnant la 1ère vidéo venue de Marilyn sur YouTube, si puissante en elle-même qu’elle réussit en un battement de cils à nous faire oublier ce qui n’a été qu’une rêverie un peu trop glauque et tape-à l’œil. 

Blonde d’Andrew Dominik sur Netflix dès le 29 septembre