Blur, le retour ! Entretien avec Damon Albarn : “Juste comme c’était avant”

Damon Albarn sillonne le lobby d’un hôtel parisien en traînant les pieds sous la chaleur accablante du mois de juin. La veille, il jouait au festival Rio Loco, à Toulouse, le temps d’un hommage à son ami Tony Allen en marge de la grande tournée...

Blur, le retour ! Entretien avec Damon Albarn : “Juste comme c’était avant”

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Damon Albarn sillonne le lobby d’un hôtel parisien en traînant les pieds sous la chaleur accablante du mois de juin. La veille, il jouait au festival Rio Loco, à Toulouse, le temps d’un hommage à son ami Tony Allen en marge de la grande tournée de Blur débutée un mois plus tôt, à Colchester, En Angleterre. Huit ans après le dernier show du groupe, la bande à Damon se chauffait dans des petites salles anglaises, avant une tournée des festivals et deux Wembley à guichets fermés, préludes à la sortie le 21 juillet de The Ballad of Darren, le neuvième album du quartet.

Une semaine plus tôt, je voyais Blur en concert dans la petite salle de la Riviera, à Madrid, à la suite de l’annulation de la 1ère journée de la déclinaison madrilène du festival Primavera Sound, où devait se produire le groupe. “On est très content, on vient des petites salles”, confiait alors Damon Albarn venu avec Graham Coxon répondre aux questions d’une poignée de journalistes espagnol·es, après une écoute exclusive de l’album. Des gosses. Sur scène ce soir-là, j’ai vu des gosses revenir aux vérités 1ères de leur art, avec une exaltation adolescente et un débordement d’amour aux allures de tsunami.

Ce retour aux sources, Damon, un brin roublard et facétieux, m’en causera lors de cette rencontre, dans laquelle il sera de question de The Ballad of Darren, un album majoritairement écrit sur la route lors de la dernière tournée de Gorillaz et mis en boîte dans l’urgence de l’hiver. “D’une certaine façon, ce disque me rappelle pourquoi nos concerts depuis le début de la tournée se passent si bien ; j’ai l’impression qu’on est revenu à 1993, à l’époque où nous sortions Modern Life is Rubbish. Un temps béni pour nous”, dévoilera-t-il. The Ballad, titre phare et morceau d’ouverture grandiose, est même tiré d’une vieille démo publiée en 2003 dans Democrazy, double-EP lo-fi as fuck, enregistré solo par Damon dans des piaules d’hôtel lors de la tournée US de Think Tank. Preuve que ne rien jeter par-dessus bord a aussi des vertus et que, 30 ans comme 20 ans plus tard, les errances du groupe le plus cool des années 1990 sont toujours le moteur créatif de ces commentateurs mélancoliques de l’inexorable déclin du Royaume-Uni.

Rencontre.

Tu jouais avec Blur la semaine dernière à Madrid, puis au festival Rio Loco hier dans le cadre d’un hommage à Tony Allen, avant de repartir avec Blur pour une tournée des festivals. Tu tiens le coup ?

Damon Albarn – J’étais à Toulouse pour cet hommage à Tony Allen, en effet. J’aurais probablement pu m’accorder un petit temps mort, mais, tu sais, Tony occupe une place toute particulière dans ma vie et a beaucoup compté dans mon évolution personnelle. Je veux dire, c’est important pour moi de m’impliquer pour faire vivre cet héritage, peut-être qu’il faudra monter une sorte d’institut Tony Allen, à Paris, à un moment donné. Il y a beaucoup à faire. 

Lors de la sortie de The Magic Whip (2015), tu confiais aux Inrocks, avec cet album, le 1er depuis Think Tank (2003), avoir enfin pu faire une musique à la fois adulte et innocente. Que représente The Ballad of Darren (2023) pour toi ?

The Magic Whip était vraiment un album très étrange. Il y a eu ce concert annulé quelque part (au festival Tokyo Rocks en 2013, ndlr), et on a fini par rester quelques jours à Hong Kong, en studio, à écrire des choses et essayer plusieurs idées, avant de tout laisser de côté. Alors que j’étais en tournée, Graham (Graham Coxon, cofondateur de Blur, ndlr) a emmené tous ces morceaux en studio avec Stephen Street (producteur du disque, ndlr) et… 

Damon est interrompu par le serveur qui lui ramène un flat white avec une mousse digne d’un cappuccino sous stéroïdes. Le musicien renvoie poliment la boisson et commande un café noir avec le lait à part, pour faire sa propre tambouille. “Je n’ai jamais vu autant mousse sur un flat white”, me glissera-t-il.

Bref, The Ballad of Darren ressemble davantage à un véritable album de Blur, selon moi. Oui, disons qu’après 13 (1999) et Think Tank (2003), c’est encore autre chose. 

Pour la petite histoire, Graham et le reste du groupe, sans Damon, ont peaufiné à Londres les pistes de The Magic Whip enregistrées à Hong Kong, avant de lui soumettre et de finaliser le disque ensemble. 

C’était la dernière fois que nos vies nous appartenaient vraiment.

J’avais justement l’impression que The Ballad of Darren remplissait bien le fossé qui sépare 13 de Think Tank, un moment où Graham avait pris congé de Blur, comme si le groupe était revenu à cette époque pour réparer quelque chose. 

Yeah… je veux dire, qui sait, dans le fond ? Je pense qu’on tient là un bon album. Il est arrivé dans le groupe comme quelque chose de naturel. Ça n’a jamais semblé gênant, ça n’a jamais semblé être une perte de temps et nous n’avions rien prévu du tout. Ça nous a donc semblé (il prend un temps de réflexion) approprié. C’est beaucoup d’émotions, pour tout dire. D’une certaine façon, ce disque me rappelle pourquoi nos concerts depuis le début de la tournée se passent si bien ; j’ai l’impression qu’on est revenu à 1993, à l’époque où nous sortions Modern Life is Rubbish. Un temps béni pour nous, quand on y pense, maintenant qu’on a passé la cinquantaine. Parce que c’était un peu avant qu’on soit largement connus et célébrés, et tout ce que va avec, tu sais. C’était la dernière fois que nos vies nous appartenaient vraiment. Retrouver ce sentiment est donc des plus agréables. Ce n’était pas intentionnel, ça s’est fait naturellement quand on était en studio, sans chanteur additionnel, sans cuivre, sans cordes, juste comme c’était avant. Revenir aux bases est parfois la chose la plus difficile à atteindre.

Tu veux dire que c’est difficile de revenir à cette forme de spontanéité ? 

Oui, et particulièrement quand tu prends de l’âge. Tu portes le poids de tellement de choses avec le temps. Anyway… 

Vous avez débuté votre grande tournée de reformation le 19 mai dernier, au Colchester Arts Centre. Une petite salle, dans la ville où toi et Graham vous êtes rencontrés jeunes adolescents. C’était une autre façon d’entretenir ses fondamentaux et cette flamme retrouvée ? 

C’était tellement agréable de faire ça. On a eu la chance de faire la même chose à Madrid quelques jours plus tard et c’était inoubliable.  

J’étais là, justement. Vous étiez la tête d’affiche de la 1ère édition madrilène de Primavera et la journée avait été annulée à cause des intempéries. Vous vous êtes débrouillés pour trouver une salle, la Riviera, avec une capacité de 1500 personnes. Inespéré pour vous et pour le public qui a eu la chance d’y assister. 

C’était si bon, man. Cette annulation a finalement été une bonne chose. C’est la meilleure chose qui pouvait nous arriver ce soir-là. Plus d’annulations, s’il vous plaît !

Là encore, vous auriez pu faire comme tout le monde et rester à l’hôtel avant de repartir sur la route. Mais ce n’est clairement pas l’idée, j’ai l’impression. Vous voulez jouer. 

On veut jouer, man. On veut juste jouer. C’est aussi simple que ça. 

Ce sentiment retrouvé, Blur semble l’évoquer avec Barbaric, la troisième chanson de l’album, où tu chantes “We have lost the feeling that we thought we’d never lose/Now where are we going”

Oui. Mais ça revêt plusieurs sens. Il y a la perte d’un sentiment, certes, mais la perte de quelque chose appelle le retour de quelque chose d’autre encore. Comme la perte de mes lunettes fumées apporte quelque chose de différent, de nouvelles couleurs. 

Comme The Magic Whip, The Ballad of Darren a été écrit sur la route l’année dernière, alors que tu étais en tournée avec Gorillaz. Ce disque aurait pu s’appeler L’Errance de Darren ?

La plupart sur la route, oui. J’ai écrit quelques chansons quand je suis rentré à Londres après cette tournée, à partir de morceaux récents ou de démos plus anciennes. Il y avait des salles de conférences étranges à Chicago, des chambres d’hôtels. Une chanson comme The Everglades (For Leonard) a été écrite dans une pièce, à Montréal, qui faisait face à la peinture murale représentant Leonard Cohen. J’avais beaucoup de pression sur les épaules ce jour-là, il fallait que j’écrive une bonne chanson, parce qu’il me fixait. (Il éclate de rire). La chanson The Ballad est sans doute la chanson la plus importante du disque. Au début, elle devait s’appeler The Ballad of Darren, pour la relier au titre du disque évidemment. Mais finalement, elle ne cause pas vraiment de Darren, c’est pour cela qu’elle s’appelle juste The Ballad (il adopte un air facétieux). Donc Darren a en quelque sorte été élevé au rang du titre de l’album. Tu sais, ces prénoms, Darren, comme Damon, étaient très populaires chez les enfants nés à la fin des années 1960 en Angleterre. Quelques petits malins pourraient croire que c’est une manière déguisée de dire The Ballad of Damon. (Il me sourit avec insistance)

La chanson transcende le point de vue autobiographique. 

Tu imagines bien, Damon, que c’était la question suivante sur ma liste. 

Mais je ne suis pas intéressé par la Ballade de Damon. C’est la ballade de Darren qui m’intéresse, parce qu’il semble qu’elle peut être la ballade de n’importe qui. C’est tout l’enjeu. The Ballad of Damon, ça aurait été beaucoup trop restrictif, alors que la chanson transcende le point de vue autobiographique. 

En parlant de Damon, c’est intéressant de constater que la sortie des deux derniers albums de Blur a été précédée par la sortie de tes deux albums solos : Everyday Robots, en 2014, et The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows, en 2021. 

C’est vrai. J’imagine que ça fonctionne ainsi. Et après, en général, je sors un opéra. C’est comme un cycle qu’il faut mener à bien. (Il éclate de rire). 

Ce n’est pas une blague, tu as d’ailleurs vraiment un opéra dans les tuyaux. 

Oui, ça va s’appeler The Curse, c’est la suite de La Flûte enchantée, au Lido 2, qui a été rénové il n’y a pas longtemps. J’essaye de mélanger Goethe avec de la musique de club. C’est mon objectif. 

Personne n’a jamais fait ça avant. 

(Il éclate de rire). Non, je ne crois pas, en effet. 

Quand tu es revenu auprès du groupe avec toutes ces chansons, que s’est-il passé ? Tu en avais combien en stock ? 

Il n’y avait aucune pression, parce que nous n’attendions rien. J’ai dit aux gars : “hey, venez en studio, j’ai des choses à vous faire écouter” et puis je leur ai joué tous les morceaux. Il y en avait 22 au total. Je leur ai dit d’en choisir 10. Ils pouvaient sélectionner les chansons qu’ils voulaient, j’étais heureux avec ça. On savait déjà que le disque s’appellerait The Ballad of Darren.

Le titre de l’album revient souvent dans cette entrevue. C’est important pour toi, un titre d’album ? 

Oui, parce que quand le nom et la musique coïncident parfaitement, ton projet commence à résonner d’une tout autre manière. Ce n’est pas quelque chose qui arrive systématiquement. Si ça n’avait pas tout de suite pris, ça aurait pu devenir problématique. Si tu regardes ma longue et incroyable carrière (il la joue lyrique, à dessein), il y a peut-être quelques ratés, si tu vois ce que je veux dire. Si parfois il arrive qu’un album n’atteigne pas son objectif, il y a une réflexion sur ton état d’esprit, tes sentiments d’alors à avoir. 

Je lisais que tu n’avais pas de réseaux sociaux et un vieux téléphone. On parlait de l’époque de Modern Life is Rubbish il y a dix minutes. C’est un constat que tu fais encore aujourd’hui ? Que la vie moderne, c’est nul ? 

Okay, pas plus tard que ce matin. Un exemple parfait de pourquoi la modernité c’est nul. Je descends du train en provenance de Toulouse et désespéré à l’idée de trouver des toilettes. J’ai une petite gueule de bois à cause du concert de la veille en hommage à Tony Allen et je tombe sur cette espèce de cabine dans laquelle il faut que tu payes pour rentrer. En clair, il s’agit d’un robot déguisé en toilettes, n’est-ce pas ? Je m’assois et je commence mon affaire. Et, soudainement, les lumières s’éteignent et les toilettes commencent doucement à se relever (il mime la scène en basculant les quatre fers en l’air sur sa chaise). Putain, mais qu’est-ce qu’il se passe ? Je me dis que ces toilettes sont en train de m’aspirer vers une autre dimension. Voilà pourquoi la vie moderne, c’est des fadaises. Quel est le problème à mettre en place des toilettes normales ? Ces toilettes robotisées peuvent merder, et j’en ai fait l’expérience. Ce sont des foutues toilettes-robots dysfonctionnelles, je ne recommande pas d’en faire usage. What the fuck! 

Blur a beaucoup tourné au Japon, tu as dû voir des toilettes très high-tech dans le temps ? 

Au Japon, au début des années 1990, je me souviens qu’elles pouvaient jouer de la musique et envoyer des jets d’eau quand tu étais assis dessus. Il se passait tellement de choses sur ces toilettes. Elles me terrifiaient, et cette discussion m’a rappelé une fois encore pourquoi la vie moderne est nulle. 

Tu veux poursuivre cette discussion sur les toilettes robots ? 

Non, non, tu peux continuer ton entrevue. Tu as le scoop, il est pour toi, je n’en causerai pas aux autres journalistes. En retour, tu dois t’engager à publier cette histoire. C’est la contrepartie. (Il me fait un high five). 

“Comment les gens peuvent être à la fois si connectés les uns aux autres et si éloignés ?”

En parlant de modernité et de réseaux, Russian Strings évoque avec mélancolie une certaine idée de la déconnexion des hommes dans un monde très connecté. 

Comment est-il possible qu’il y ait une guerre qui soit en train de se dérouler à cet instant même sur le continent ? C’est évidemment une situation compliquée. D’un côté, nous avons un pays résolument résilient, qui n’en peut plus d’être sans cesse menacé à ses frontières et de l’autre, les dirigeants d’un autre pays qui ont littéralement perdu la tête. Nous sommes les témoins d’une autocratie sénile en pleine action, et c’est effrayant. D’autant plus effrayant que c’est en train de se passer partout : aux États-Unis avec Trump, au Royaume-Uni avec Boris Johnson. Ceux-ci ne sont peut-être pas complètement fous, mais tellement ridicules. Et au milieu de tout cela, nous nous efforçons de maintenir nos existences, nos discussions civilisées autour d’un café en pleine après-midi et peut-être qu’on ne le voit pas directement, mais nous contribuons d’une manière ou d’une autre à cela. Je vais te expliquer une histoire amusante sur Poutine : il y a une dizaine d’années, j’ai apporté ma vieille machine à écrire en réparation et la boutique dans laquelle je suis allé n’avait plus une seule vieille machine à écrire à vendre, parce que les Russes avaient acheté tout le stock restant. Pour lutter contre l’espionnage, ils tapaient leurs rapports top-secrets à la machine à écrire. Tu vois ? Même moi je suis lié aux Russes par l’entremise de cette boutique de vieilles machines à écrire. Là où je veux en venir, c’est comment les gens peuvent être à la fois si connectés les uns aux autres et si éloignés ; incapables de communiquer et en même temps être étroitement connectés. C’est l’idée de cette chanson, en quelque sorte.

Sur cet album, Blur a donc travaillé avec James Ford.

Je l’aime.

Après les années Stephen Street, c’était important pour vous de vous entourer d’un nouveau producteur ?

Je pense qu’il faut essayer différentes choses à chaque fois et Graham et moi le connaissons bien pour avoir déjà travaillé avec lui sur nos projets auparavant. C’était la bonne personne pour ce disque. Il est précis et généreux, et met tout son talent au service de la musique. C’est le genre de personne à réussir à devenir un membre à part entière du groupe, c’est brillant ! J’aime cette personne. Je l’adore.

The Ballad of Darren est-il l’album de Blur le plus rapidement enregistré de l’histoire du groupe ?

Oui, probablement. Mais il y a eu beaucoup de préparation. On est entré en studio fin janvier, et nous l’avons terminé littéralement juste avant de débuter les répétitions pour nos concerts. Et trois semaines plus tard, on sortait The Narcissist, notre 1er single. C’est génial, je n’avais jamais fait une telle expérience avant cela. C’est beaucoup mieux que d’attendre encore et encore pour sortir un disque. Mon avis c’est que dès que tu as quelque chose en boîte, il faut le sortir. Les gens adhéreront ou non. Mais attendre le moment parfait pour tout sortir c’est, disons, une approche très “agricole” des choses. Blur n’avait rien sorti depuis huit ans, il était temps d’aller à la rencontre des gens une fois le disque prêt.

Quand le groupe ne sort rien ou ne fait pas de concert, on en cause comme s’il n’existait plus. Alors qu’il existe bel et bien.

Je veux dire, quelque chose existe-t-il vraiment ? (Il prend à nouveau cet air facétieux)

L’annonce de la sortie de ce disque a été une surprise pour tout le monde, comment avez-vous réussi à garder le secret si longtemps ?

Ça a été une surprise pour nous aussi ! J’étais surpris d’avoir été capable de l’écrire dans ces conditions et surpris aussi que l’information ne fuite pas. Tu sais, je n’ai pas de réseaux sociaux. Il y a des comptes à mon nom, mais je ne suis pas derrière. Je ne suis pas en train de me dédouaner, je dis juste que je n’ai vraiment rien à voir avec tout cela.

Tu écoutes la radio, tu lis la presse ?

Oui, mais je n’écoute pas de podcast. J’écoute des rediffusions, mais pas de podcast à proprement causer. Aux États-Unis, tu as des petites stations de radio fascinantes. Certaines sont pleines à craquer de publicités et c’est impossible de vraiment plonger dedans, mais il y a des pépites qui existent au milieu de rien, très ouvertes sur la culture et sur lesquelles beaucoup de sujets sont discutés. Les États-Unis, c’est le plus incivilisé des pays civilisés et ils sont toujours aussi mauvais question fromage. Ils ont quelques fromages, mais, regarde, je suis allé dans une fromagerie à Toulouse et tout y était si follement sophistiqué ! La fromagère nous a signalé que tel ou tel fromage ne pouvait pas être véhiculé avec nous dans le train le lendemain sous peine d’être détruit. Elle était vraiment en colère de constater qu’on avait l’idée de ramener ce fromage avec nous dans le train. (Il éclate de rire).

Pour finir, peux-tu nous causer de la pochette de l’album, une photo de Martin Parr dont le sous-titre pourrait être La Baignade de Darren.

Je pense que c’est comme une représentation des trois royaumes de Dante. Tu as les montagnes distantes dans l’obscurité et menaçantes au loin, la mer agitée et sauvage au second plan, et le calme de la solitude avec cet individu en train de nager au 1er. Il est d’ailleurs devenu une part importante de la narration de cette pochette. Le type sur la photographie avait eu un terrible accident et c’était la 1ère fois qu’il nageait après cela. Sur cette photo, il y a aussi une base sous-marine. Les cordes russes sont probablement là-bas. (Le Guardian racontait ici l’histoire de Ian Galt, le nageur de la photo de Martin Parr, ndlr)

Propos recueillis par François Moreau

Album : The Ballad of Darren (Parlophone/Warner)