Brav : «Ce sont les gens qui sont Brav, moi je suis juste là et j’écris sur leur vie»
Trois ans après Nous sommes, Brav a dévoilé Parachute. Un voyage aérien et réfléchi, miroir d’un artiste porté par sa communauté. Depuis 2016, l’ordinateur indique un inquiétant message Erreur 404. Mais derrière le circuit informatique, le...
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Depuis 2016, l’ordinateur indique un inquiétant message Erreur 404. Mais derrière le circuit informatique, le logiciel Brav n’a pas cessé de fonctionner. Régulièrement mis à jour, il a incorporé dans son code source des expériences de vie, des aléas de l’industrie musicale et une rigueur artistique toujours aussi soignée. Désormais, loin des développeurs à gros budgets, le programme Brav s’est renouvelé avec un format participatif et communautaire. La dernière actualisation en date : Parachute, un nouveau programme de onze morceaux, enivrant et voluptueux. Rencontre.
Brav, comment ça va ?
Ça va très bien. Sincèrement, ça va vraiment bien. Je suis dans un très, très bon mood, il y en a eu des moins bons… Mais là, du coup, je suis galvanisé.
Tu as financé ton projet avec une campagne participative, on peut dire que tu as une double pression : en amont avec l’interrogation “est-ce que je vais réunir ce dont j’avais besoin pour financer le projet” et ensuite “est-ce que les gens vont aimer mon projet” ?
La pression est constante, il n’y a pas forcément d’avant, pendant ou après… C’est justement ce qui me motive, c’est mon moteur la pression. Je n’ai pas envie de décevoir, j’ai envie de faire quelque chose de toujours plus poussé ou d’aller plus loin. Donc la pression, je l’ai tout le temps. Quand tu sors un projet, la pression est encore plus forte car les gens découvrent le projet et vont te juger. Et à chaque projet, tu remets tout en question. Il se peut que tu te plantes sur un projet ou que tu déçoives des gens qui attendent.
On t’a beaucoup découvert dans le documentaire que tu as sorti. Tu as eu une relation compliquée avec une grande maison de disque, quel retour d’expérience tu en fais ?
Il faut savoir déjà que je n’ai rien contre l’industrie de la musique, c’est même très positif pour moi. C’est juste un système qui ne me correspond pas actuellement. On a tenté l’expérience car on a eu l’opportunité, c’est une main qu’ils nous ont tendue, j’ai accepté de la prendre. Et en vrai ça a été une superbe expérience pendant deux ans, où j’ai pu rencontrer, faire des séminaires, très loin. Donc ça a été super cool, mais ça ne correspond pas forcement à ma musique qui est un peu “directe” avec les gens. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de bureaux entre la personne qui m’écoute et moi.
C’est juste des process qui ne correspondent pas forcément à ma vision de la musique. C’est un accélérateur de fou mais est-ce que j’ai besoin d’aller aussi vite ? Après, c’était peut-être cette expérience, si demain quelque chose s’offre à nous, peut-être… Il faut voir les avantages, et maintenant, j’en sais un peu plus sur le métier des maisons de disques. Nous, on a réellement jamais signé, on a tout travaillé en indépendance, depuis le début. On a une manière de faire, on a une équipe, on est dans le studios Grand Paris. Une équipe avec qui j’ai commencé la musique, donc en vrai, on a déjà ce fonctionnement de maison de disque mais à une échelle plus humaine. Et par rapport à cette industrie, on est des artisans, je suis plus dans l’artisanat.
Est-ce-que cet “échec” t’as rassuré ? Dans le sens où tu es un artiste qui ne rentre pas forcement dans des cases et tu es très indépendant dans tous les sens du terme.
Rassuré, je ne sais pas si c’est le mot, mais je dirais que ça m’a plus conforté dans notre façon de faire. Je me dis que tout ce que l’on construit au fur et à mesure, ce n’est pas en vain, ce n’est pas David contre Goliath. En vrai les maisons de disques ne font pas de développement : celles qui font du développement sont indépendantes, et quand l’artiste commence à sentir bon, c’est là qu’on vient cueillir les fruits… Mais c’était une superbe expérience, et ça me conforte encore plus à redoubler d’efforts en indé.
Dans un post Instagram, tu dis : «À l’exception de très rares médias amis ayant annoncé notre documentaire ou notre projet, c’est bien sans média, sans radio, sans relais et dans l’indépendance la plus totale que nous sortons aujourd’hui.» Quelle est ta vision des médias rap aujourd’hui ? Tu es frustré de cette situation ?
C’est un peu à l’image des majors, je sais très bien que je ne suis pas l’artiste qu’on va venir chercher pour proposer un projet qui va être relayé partout. Il y a un travail de fou à faire. Ce post était surtout pour montrer que ce sont le gens qui sont la base de la musique. Ce sont les gens qui font du bruit, et justement, qui sont relayés par les médias. C’était donc une manière de dire : “On l’a fait tout seul sans être annoncé”. Je voulais aussi montrer qu’à l’image des maisons de disque, les médias ne vont pas chercher le artistes en développement, ils prennent les artistes quand ils sont sur le devant de la scène, et c’est ma petite frustration.
Il y a des tas d’artistes incroyables mais qui passeront à côté de la possibilité d’être exposés au grand public parce que malheureusement beaucoup de médias ne font plus l’effort de faire ce travail là. C’est un peu ce qui me chagrine ,mais après c’est aussi à nous de faire des choses incroyables. Ma frustration vient plus du fait que je me dis : “Est-ce que je vous plais ou est-ce que je suis tellement marginal qu’il faut que je construise un monde ailleurs ?”.
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Pour causer justement de ton nouvel album Parachute, peux-tu nous expliquer la genèse de ce projet, quand est-ce que ça a vraiment commencé ?
Ça a commencé il y a deux ans et demi. Avant même de signer en maison de disque, j’étais déjà dans une dynamique de création de projet. On a sorti Souffrance en 2015, Erreur 404 en 2016, Nous sommes fin 2017 – début 2018 et, juste après, la maison de disque nous a signé. Et j’étais déjà dans cette dynamique donc j’avais beaucoup écris, je m’arrête jamais car c’est un exercice où si tu t’arrêtes, le jour où tu veux reprendre, ça demande un effort supplémentaire. Donc plus tu écris, plus c’est facile. Et j’aime faire des exercices comme les capsules : j’ai fait pleins de maquettes.
Et on aurait dû, avec cette maison de disque, sortir un projet et c’était là où notre vision n’était pas la même. Pour nous l’important c’est de jouer le match : si tu ne joues pas le match, tu n’existes pas. Médiatiquement, c’est compliqué d’exister si tu n’es pas visible, si tu ne proposes pas quelque chose avec une constance. Donc, en vrai, j’ai toujours eu pleins de morceaux et le projet Parachute est né un peu avant que je parte en voyage parce que je savais que je devais revenir très vite. Et “Ensemble” et “Nuages” sont deux capsules que j’avais lancés sur Internet et qui avaient très bien fonctionné donc je trouvais ça dommage de les jeter. Donc le projet s’est fait rapidement, peut-être en trois mois. J’ai fini d’écrire, de composer et c’est sorti comme ça.
Au vu du nombres de maquettes que tu as faites, la sélection était compliquée ?
On a un panel de morceaux très différents. Et en fait, on a juste fait avec l’équipe, une écoute de toutes les maquettes. Il y avait des morceaux très aboutis donc c’est eux que j’ai mis en 1er sauf qu’il y en au moins 70. Et ensuite, on s’est dit que c’était bien d’avoir un morceau un peu down à ce moment-là puis un morceau un peu plus up tempo… Donc on a construit comme ça en essayant d’avoir quelque chose de juste et cohérent. Et j’ai des morceaux beaucoup plus ouverts, beaucoup plus forts mais là, le plus important, c’est de rassurer les gens qui m’ont toujours soutenus.
Quelles ont été tes influences pour ce projet ? Tu écoutes beaucoup ce qui se fait aujourd’hui ?
Oui, j’écoute toujours ce qu’il se fait, j’ai une veille informative dans le sens où je veux savoir où je vais et où le monde est. Je veux comprendre pourquoi des choses marchent, j’aime lire la musique, ne pas être “exclu”. KobaLaD, je kiffe, j’aime ses placements, sa voix. J’écoute très peu, mais je survole car je suis influençable. Quand j’étais jeune j’écoutais beaucoup AKH et les gens pensaient que je venais de Marseille, j’avais un accent qui sortait de nul part. Et du coup j’ai compris que j’avais besoin d’avoir des morceaux qui m’influencent qui ne soient pas du rap, donc ma playlist est blindée de sons du monde entier mais j’écoute du rap pour savoir où est-ce qu’on en est.
Tu comptes repartir sur un financement participatif pour la suite ?
Moi je kiffe vraiment faire ça. J’ai toujours eu à coeur que le public soit le centre de la musique. C’est plus les gens qui sont Brav, moi je suis juste là et j’écris sur leur vie. Un peu sur la mienne, mais j’écris surtout en les regardant. C’est pour ça que j’ai fait les concert-appartement, c’est des rencontres incroyables, des histoires que j’accumule et que je ressors après en chanson. Ce modèle participatif casse tous les codes et j’ai peur que ça soit limitant. Les projets sortent mais n’existe pas en physique, qu’en streaming.
Même si aujourd’hui la musique existe en streaming, je viens d’un monde où le physique est très important et les gens qui me suivent sont très attachés à ça. Donc ça reste d’être limitant et j’ai quand même l’ambition d’aller plus loin avec cette musique, de fédérer encore plus pas seulement contenter une base qui risque de s’étouffer elle même. La musique, c’est fédérateur donc je veux fédérer. Je veux pas “rester entre nous”, je ne suis pas sectaire, je ne suis communautaire.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
En vrai : l’énergie je l’ai, la motivation je l’ai. Souhaite-moi d’avoir le temps de faire toutes ces choses. Ce qu’on peut me souhaiter c’est d’avoir le temps de tout faire et de prendre le temps de le faire bien. Je suis galvanisé et super motivé par tout ce qu’il se passe. Je l’étais déjà quand on ne me voyait plus, mais du coup, maintenant que je sais que je peux reprendre la parole et avoir la liberté de sortir quand je veux, c’est encore mieux.