Brexit: ces étudiants français qui ne peuvent plus partir au Royaume-Uni
BREXIT - “J’ai appris le retrait du Royaume-Uni du programme Erasmus via une publication sur notre groupe d’étudiants Facebook, puis sur Twitter. J’ai refusé d’y croire: tout s’effondrait”. Comme Léonie, 19 ans et étudiante en Langues étrangères...
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BREXIT - “J’ai appris le retrait du Royaume-Uni du programme Erasmus via une publication sur notre groupe d’étudiants Facebook, puis sur Twitter. J’ai refusé d’y croire: tout s’effondrait”. Comme Léonie, 19 ans et étudiante en Langues étrangères appliquées à l’Université de Strasbourg, plusieurs étudiants désireux de partir au outre-Manche dans le cadre du programme Erasmus +, ont soudainement appris, le 24 décembre dernier, que le Royaume-Uni se retirait du programme européen d’échange. Le partenariat permet de partir dans un établissement de n’importe quel pays membre du programme en payant simplement les frais d’inscription de leur établissement d’origine, et de bénéficier d’une bourse, pour couvrir les frais sur place.
Plusieurs de ces jeunes Français qui souhaitaient rejoindre une université outre-Manche en 2021 ont vécu la décision comme un choc. “C’est très douloureux, poursuit Léonie au HuffPost. Depuis que j’ai appris que le Royaume-Uni abandonne le programme, c’est le flou total dans ma vie”. En début d’année scolaire, les étudiants de son université désireux de partir à l’étranger doivent choisir 3 universités parmi une liste de campus partenaires. Léonie en avait sélectionné trois au Royaume-Uni, afin d’effectuer un master de marketing. “J’étais en train de faire mes dossiers pour partir, préparer mes lettres de motivation, j’étais en plein dedans, et là j’ai été stoppée net par l’annonce”, explique celle qui s’était inscrite à l’université de Strasbourg, 3 ans plus tôt, “spécifiquement pour ses partenariats avantageux avec l’Angleterre”.
Un sentiment d’abandon
Pour Lila, elle aussi étudiante à l’Université de Strasbourg, l’annonce de la fin du programme Erasmus au Royaume-Uni a été “extrêmement surprenante”. La jeune femme de 19 ans avait, elle, placé deux universités en 2e et 3e choix. “Ce qui a été difficile, nous explique-t-elle, c’est que nous avons, pour beaucoup, appris la nouvelle par la télévision et les médias, mais nous n’avons pas eu de nouvelle de la direction de notre faculté. Nous nous sommes sentis abandonnés.”
Le retrait du Royaume-Uni était d’autant plus inattendu que les professeurs avaient assuré que les étudiants de 3e année ne seraient pas concernés par un éventuel retrait de l’Angleterre. “Ils nous avaient dit que nous serions la dernière année à pouvoir bénéficier du programme, s’étonne-t-elle. Il y a un mois, nous avions même reçu un mail nous indiquant que notre faculté avait signé un nouvel accord avec l’Université de Bath... “ Et d’ajouter: “Pour beaucoup d’entre nous, c’est la panique.”
Après la désillusion vient le temps de l’adaptation: comment rebondir après une telle annonce? Pour Lila, cette annonce signifie avant tout qu’elle n’a plus le choix. “Alors que je voulais mettre l’Angleterre en 2e et 3e choix, je dois me rabattre sur des universités en Italie uniquement, c’est-à-dire sur des facultés qui sont moins en ligne avec mon projet professionnel.” D’autant qu’en cette période d’incertitude engendrée par la pandémie de coronavirus, les repères de cette étudiante qui souhaite s’orienter dans le commerce tendent à disparaître les uns après les autres. “Ce qui m’inquiète le plus c’est qu’après m’être rabattue sur l’Italie, j’apprenne d’ici la fin de l’année que je ne pourrai pas partir en Italie à cause des mesures sanitaires. Désormais, je m’attends au pire”, lance-t-elle.
“Le Covid a tué mon master et le Brexit m’assomme derrière”Léonie, 19 ans
Quant à Léonie, qui avait tout misé sur l’Angleterre, elle se retrouve “complètement perdue” après l’annonce du Royaume-Uni. “Depuis que je suis toute petite, je voulais partir en Angleterre, regrette celle qui se dit passionnée par la culture anglo-saxonne. J’avais construit tout mon projet professionnel autour de ça.” Ce n’est que plusieurs jours après l’annonce qu’elle a pu commencer à réfléchir à un plan de secours. “Je pense me réorienter complètement, sortir de ma licence LEA et faire un master en France puis éventuellement partir à l’étranger plus tard. Mais j’ai à peine commencé à regarder les possibilités qui s’offrent à moi.”
Pour cette jeune étudiante, le départ outre-Manche devait être un moyen de fuir son quotidien, déjà difficile en raison du Covid-19 et des cours à distance. Alors que pendant le deuxième confinement, elle passait déjà ses “journées devant son écran d’ordinateur”, seule dans son petit appartement strasbourgeois, elle attendait avec impatience son départ à l’étranger, d’ici la fin de l’année scolaire. “Je n’avais pas du tout le moral pendant les deux confinements et là en plus, je dois payer les frais du Brexit, malgré moi. Le Covid a tué mon master et le Brexit m’assomme derrière”, se désole-t-elle.
La fin de la bourse Erasmus
Autre avantage considérable offert par le programme Erasmus: la bourse, de 150 à 300 euros par mois, destinée à accompagner les étudiants dans leur mobilité et les aider à faire face au coût de la vie quotidienne des villes où ils se rendent. Si Amandine, 19 ans, continue de bénéficier des frais avantageux du programme européen parce qu’elle était déjà inscrite dans une université britannique en début d’année scolaire, elle a néanmoins perdu cette bourse, depuis le 1er janvier. Étudiante dans une école de commerce en France, elle devait partir au deuxième semestre seulement à Brunel University, à Londres, où elle était inscrite, a-t-elle souligné auprès du HuffPost.
Informée fin décembre qu’elle ne toucherait pas la bourse de 300 euros qui lui était proposée, elle a décidé d’effectuer tous ses cours à distance, depuis la France, a-t-elle pointé. “J’étais totalement prise au dépourvu. Jusqu’à la fin de mon programme, le 7 juin, je suivrai mes cours à Lille parce que le coût de la vie est trop élevé à Londres. C’est une décision très inégalitaire” souffle-t-elle.
En dehors du programme Erasmus, les étudiants qui voulaient s’inscrire dans une université britannique par leurs propres moyens, sans passer par une faculté française, sont, eux aussi, frappés de plein fouet par le Brexit. Comme le rappelle le gouvernement français sur son site, en raison du Brexit, les frais universitaires d’entrée sont majorés depuis le 1er janvier pour les étudiants de l’Union européenne. Daniel, 22 ans, et étudiant en 3e année à Kedge Business School, à Bordeaux, comptait partir depuis l’an dernier dans une université britannique pour effectuer un master en relations internationales en deux ans.
Des frais passant de 9000 à 21 000 livres
Sur UCAS, l’équivalent britannique de Parcoursup en France, il avait mis en premier choix l’université de Leeds (Yorkshire), puis celle de Portsmouth, dans le sud de l’Angleterre et enfin, Hull University (Yorkshire). Du jour au lendemain, les frais universitaires pour les étudiants non britanniques ont doublé, voire triplé, passant notamment de 9000 livres à 21.000 livres pour le master de Leeds University. Soit plus de 23.000 euros. “Même si j’étais persuadé qu’un accord nous permettrait d’échapper à ces frais majorés, je suivais l’actualité depuis septembre et regardais tous les jours la page des universités qui m’intéressaient. Tout d’un coup, j’ai vu les prix exploser”, fustige Daniel. Il avait commencé à s’y projeter, à regarder les prix des loyers des villes où il postulait, à imaginer sa vie là-bas… “Tout s’est arrêté”, affirme-t-il, catégorique.
Depuis janvier 2020, cet étudiant avait prévu de partir en Angleterre pour bénéficier de la bonne réputation des universités britanniques dans le domaine des relations internationales. “C’est vraiment un bonus sur le CV d’étudier en Angleterre”, regrette-t-il. En guise de solution de repli, il a même tenté de voir s’il serait possible de partir dans le cadre Erasmus dans les écoles qu’il visait. “Mais là aussi, le Brexit a rayé cette option de mes possibilités”, souffle Daniel.
Conséquence: il a d’ores et déjà commencé à regarder les universités de Pologne, ou d’Estonie. Ou même celles situées en France, destination qui ne l’intéressait “pas du tout, jusqu’ici”, souligne cet étudiant “de nature plutôt pragmatique”. Mais sans perdre espoir pour autant. “Je me laisse jusqu’à avril pour faire mes demandes. J’attends de voir si peut-être des accords seront tout de même trouvés”, conclut-il.
Un sujet tabou à l’école
L’augmentation des frais universitaires n’épargne pas non plus les étudiants français déjà installés au Royaume-Uni. À l’instar de Louis, 17 ans et lycéen au lycée Charles de Gaulle, à Londres, qui vit en Angleterre depuis 3 ans. Il bénéficie du “pre-settled status”, un statut de résident permanent réservé aux ressortissants européens installés dans le pays depuis 3 ans au moins. Un avantage qui ne suffit pas pour échapper aux frais universitaires majorés à l’entrée des universités britanniques. Pour parvenir à son objectif professionnel, à savoir travailler dans l’hôtellerie et la restauration, il a postulé dès octobre 2020 à quatre masters en management de l’hôtellerie dans des universités britanniques sur UCAS. Pour 3 candidatures sur 4, il était accepté, à condition d’obtenir une certaine note au baccalauréat.
Le Brexit a marqué un coup d’arrêt à son projet: dès novembre, Louis s’est aperçu que les frais universitaires étaient passés de 9000 livres environ à 18.500 livres pour l’université de Surrey et 14.500 livres pour celle d’Oxford Brooks. Son dernier espoir - faire appel au “student finance”, un prêt bancaire étudiant - a, lui aussi, été douché par le Brexit: il est désormais réservé aux résidents britanniques vivant au Royaume-Uni depuis plus de 5 ans. “Mon projet s’arrête donc là”, regrette Louis.
Et d’expliquer que ces frais majorés engendrent une inégalité certaine entre les étudiants: “Pour certains lycéens de mon école, la sortie du Royaume-Uni n’aura aucun impact sur leurs études supérieures parce qu’ils ont les moyens”. C’est bien ce qu’a expliqué Corinne Bord, vice-présidente de la fédération Léo Lagrange et spécialiste de la mobilité étudiante au journal 20 minutes: “Faire ses études outre-Manche risque donc d’être réservé à quelques happy few (NDLR, des privilégiés).” C’est pourquoi au lycée Charles de Gaulle, où étudie Louis, “personne ne parle de UCAS et des universités britanniques où ils pourraient aller après cette année scolaire, conclut Louis. C’est un sujet tabou”.
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