Caballero et JeanJass : “Quand on aime on ne compte pas”

Trop habitué, depuis la parution du 1er volume de Double Hélice en 2016, à voir la paire formée par Caballero et JeanJass évoluer main dans la main dans cette ambiance de buddy movie – façon Dumb and Dumber ou Las Vegas Parano selon les substances...

Caballero et JeanJass : “Quand on aime on ne compte pas”

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Trop habitué, depuis la parution du 1er volume de Double Hélice en 2016, à voir la paire formée par Caballero et JeanJass évoluer main dans la main dans cette ambiance de buddy movie – façon Dumb and Dumber ou Las Vegas Parano selon les substances ingérées -, on avait presque oublié la possibilité que les chemins des deux rappeurs belges puissent se séparer. Ce vendredi 16 avril, c’est désormais chose faite – ou presque – avec Oso de Caballero et Hat-Trick de JeanJass, deux disques solos réunis dans un double-album façon Speakerboxxx/The Love Below d’Outkast (“On est les Beaufkast” déconnera JeanJass en off). Entretien avec un duo toujours aussi soudé.

Comment s’est passé la “séparation” ?

Caballero – En soi, c’est une fausse séparation. On a continué à travailler ensemble, JJ a été à mes côtés à la réalisation tout au long de l’aventure. On ne voit pas ça comme une séparation mais plutôt comme un moyen de mettre en avant le fait qu’avec Caba et JJ, on ne sait jamais à quoi s’attendre.

JeanJass – Nouvelle formule !

Caballero – Le puzzle peut se former d’un milliard de façons pour former de nouvelles images à chaque fois.

Vous aviez aussi l’air d’être arrivé au bout de cette ambiance de stoner movie avec la trilogie Double Hélice.

JJ – Ouais c’est ça. On passe à autre chose pour proposer quelque chose de neuf et ne pas tomber dans la facilité. C’est notre mentalité. Tu vois l’Arme Fatale ? Il y en quatre, ça nous va. On ne sait pas vraiment si on veut voir le cinq.

C – Ou le sept !

Est-ce qu’il y a eu ce truc de “peur du vide”, ce sentiment de ne pas avoir quelqu’un pour le deuxième couplet ou pour aider à faire des concessions ?

– Moi, je l’ai ressenti. Un peu avant de mettre dans le bain, tu as un peu cette appréhension parce que ça bouleverse tes habitudes, ta routine de travail. Mais au final, JJ était toujours là avec le reste de l’équipe. C’est con à dire mais, même là, on ne change pas une équipe qui gagne.

JJ – On n’est pas de l’école du “troisième couplet” donc on préfère être simple, efficace et ne pas tomber dans la branlette. Donc, il n’y a pas eu vraiment de période de peur ou d’angoisse. Débloquer un morceau tout seul c’est un autre travail mais j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire.

Comment vous avez travaillé dans ces conditions ?

C – Ma façon de faire de la musique n’est pas du tout encadrée ou quadrillée. Il n’y a pas de recette miracle.

JJ – Pour moi aussi, tout est très accidentel dans ma manière de créer. Je me reconnais très peu dans les prods du rap français en ce moment. Ce ne sont pas des choses que j’apprécie. Il a fallu trouver de nouvelles couleurs. Il y a des artistes dont je peux ne pas être fan, mais il y a des couleurs. Jul c’est le meilleur exemple : il y a une façon de sonner Jul.

Est-ce que vous vous êtes replongés dans la musique qui vous a donné envie de rapper. Je pense à Akhenaton sur ton album JeanJass ou le gimmick de la Three 6 Mafia sur le tien Caballero.

JJ – Ouais, il y a forcément des trucs qu’on a laissés en chemin et qui sont repris ici. Dans son album, comme dans le mien, il y a des choses qui peuvent te ramener à nos 1ers albums. Mais maintenant, il y a toute cette science de la musique qu’on a gagné avec les années.

– Ça fait partie de ce que l’on à proposer : montrer que nous sommes des rappeurs qui maîtrisons toutes les techniques ninjas. C’est-à-dire que s’il faut faire un truc contemporain dans un style, on sait le faire, mais là, par la force des choses, c’est le moment d’être en solo, et ça nous fait plus causer de choses intimes. Peut-être que les gens seront surpris mais Akhenaton, ça fait partie de l’ADN rap de JJ, donc on peut aussi être moins léger et causer de choses plus poignantes mais surtout on veut le montrer.

Justement, je voulais aussi revenir sur les morceaux drill des disques. J’ai aussi l’impression qu’à chaque fois qu’il y a un nouveau truc qui sort, vous avez envie de vous y attaquer

C – Ah ouais, j’adore faire ça. J’adore faire ça. C’est comme essayer un nouveau modèle de voiture avec lequel je peux faire du 250km/h sur l’autoroute. J’aime expérimenter les nouvelles formes du rap que j’aime tant. Je vois des rappeurs drill et ça me donne envie de montrer au monde que “c’est facile votre truc là”?

JJ – Le titre Hat-Trick c’est ça aussi, tu rentres sur le terrain, tu plantes trois buts, tu es en démonstration. L’egotrip, ça fait vraiment partie de l’essence Caba et JJ. D’ailleurs mes morceaux préférés sur l’album de Cab’ c’est Polaire ou Drip Advisor parce que je trouve qu’il est trop fort dans ce registre.

A côté de l’égotrip, vous abordez des questions intimes sur l’album : les parents, le retour à la réalité à la réalité après le succès.

C – Au bout d’un moment, si tu n’es pas dans le mono-thème de “je suis un bandit qui vend des kilos de drogues” – même si ça peut être très cool – il faut aussi expliquer la vraie vie. Je ne suis pas quotidiennement sur un yacht au large du Costa Rica – même si ça m’arrive (sourire). Le but, c’est d’être sincère et évidemment qu’on a des vies normales au final.

JJ – Ouais c’est ça. C’est normal qu’on cause de nos familles, d’amour, de notre quotidien, des choses qui touchent tout le monde quoi. Regarde, vu que c’est Les Inrockuptibles et qu’on est des intellectuels, il y a un gars qui a trop bien résumé ça, c’est Claude Lelouch. Il expliquait que son père lui racontait des histoires fausses, mais tellement bien racontées qu’il y croyait à fond alors que sa mère lui racontait des histoires véridiques mais nulles et il ne voulait pas y croire. Il y a des bons films d’auteurs et des bons films d’action. Il suffit juste de bien les faire.

Ça me fait penser à Big Fish de Tim Burton, où un père explique des histoires fantasmagoriques à son fils et il ne sait pas où s’arrête le vrai et où commence le faux.

C – Alors déjà, j’adore ce film !

JJ – Ouais et moi, j’adore cette idée. J’ai rien contre le fait d’enjoliver les histoires personnelles. Quand j’étais petit, mon père me racontait des histoires et j’avais l’impression d’y être, tellement j’étais pris dans le truc. C’était pourtant des histoires de son enfance. Et maintenant, je les explique peut-être mieux que lui, alors que je n’étais même pas là, je n’ai pas vécu ces choses.

Pour rester dans les histoires, jusque-là il y a toujours eu une Amérique fantasmée chez toi JeanJass. Pourquoi est-ce que tu as décidé de casser ce fantasme avec le 1er single Qu’est-ce qui m’arrive ?

JJ – Ouais. Il y a tout ce côté génial quand t’as 20-25 ans et que tu commences à gagner un peu d’argent avec les concerts, on te file des sapes, de la beuh gratuite, c’est une espèce de piège infini. C’est l’enfer parce que ça finit forcément par s’arrêter un jour. Ce que je décris dans Qu’est-ce qui m’arrive c’est une exagération de tout ça, parce que je pense qu’il y a beaucoup de gens qui tombent dans ce piège du paraître. Je pense que c’est comme ça que des artistes comme Mac Miller finissent par être tué, par cette vie de fausseté (il se tourne vers Caballero). On en parlait tout l’heure mais Paris c’est fou pour ça. On a un hôtel près de Gare du Nord en mode “c’est Paris, on mange bien”, tu sens ce côté luxueux et fastueux de la ville, et tu sors de là, c’est Gare Du Nord et c’est le crack. Ces deux mondes cohabitent. Et forcément cette dualité se retrouve dans nos albums parce que c’est une réalité.

Cette dualité, elle s’exprime aussi chez toi Caballero, entre le bling et la recherche de spiritualité dont tu causes, notamment dans l’interlude Ying Yang.

C – Ouais, c’est la collision des deux mondes dont cause JJ. Je pense que c’est générationnel. On est une génération qui se rend bien compte de toute la merde qu’on fait et qu’on essaye du mieux qu’on peut de réparer les pots cassés, même si c’est compliqué. Je pense que ça se ressent chez moi. Je n’ai pas envie d’être une coquille vide, sans âme. Ça me fait extrêmement peur d’être juste une image.

JJ – (Sur un ton grandiloquent) “La Peur du vide” ! Ce sera le titre de l’article (les deux se marrent).

Est-ce qu’il y avait un désir d’expérimentation sur les productions ? Notamment sur un morceau comme Fatigué.

JJ – Dans mon entourage proche, il y a des gens qui ne comprennent pas ce morceau. Mais je sais qu’au fond de moi, le public va s’y intéresser et se prendre au jeu.

C – Ça en vaut la peine. T’as envie de mettre ce genre de morceau en avant.

JJ – Ouais les morceaux un peu perchés, c’est un truc que j’adore faire. Comme Caba, à sa manière, a des morceaux plus particuliers qui lui ressemble à 200 % et qui sont impossibles à réaliser en duo.

Pour toi Caba, écrire des morceaux en espagnol aurait été impossible à faire en duo ?

C – Ouais, ça semblait être le bon moment pour le faire. Mais c’est presque un interlude dans l’album, une petite chips, un petit rayon de soleil par la fenêtre avant de replonger dans le français. Cette double-culture ça fait partie de l’artiste et de la personne que je suis. Je suis totalement espagnol, de fond en comble.

Il y aussi un vrai amour de la Belgique et de vos villes respectives qui transpire. C’est important, l’endroit d’où on vient ?

C – Ouais, il y a de ça. On est fiers. C’est sûrement un peu cliché pour tous les rappeurs d’être dans la fameuse phrase “je représente” (rires). Mais on a beaucoup souffert en terme rapologique, malgré la richesse au niveau des propositions artistiques, c’était une espèce de désert économique. Donc on est très fiers de ce que notre génération a réussi à faire ensemble, et aussi les anciens, même si leur trace est moins visible. Mais pour nous elle a été importante, on a énormément de références de rap belge dans nos petites têtes que vous vous n’avez sûrement pas.

JJ – Moi par exemple à Charleroi, il y a Abou Mehdi qui nous a donné beaucoup de force quand j’étais plus jeune. Et nous maintenant, on essaye de faire pareil.

C – De donner de la force, passer le flambeau, donner de la lumière, c’est important.

JJ – On a connu l’époque du rap où c’était dur. On est de grands récupérateurs, de grands débrouillards. On a attendu longtemps avant de pouvoir en manger.

Tout faire à perte quoi !

C – Ouais tout pour la passion. “Quand on aime, on ne compte pas” – encore une phrase ridicule pour le titre (rires).

JJ – C’est pour ça que la pandémie peut fait peur aussi, parce qu’il va falloir réapprendre à se débrouiller.

Propos recueillis par Théo Dubreuil

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