Caitlyn Jenner met les pieds dans le débat sur les sportives trans
TRANSIDENTITÉ - De l’autre côté de l’Atlantique, c’est un sujet brûlant. Plusieurs États américains veulent interdire aux femmes transgenres de participer aux compétitions sportives féminines. En Californie, une cour d’appel fédérale a examiné...
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TRANSIDENTITÉ - De l’autre côté de l’Atlantique, c’est un sujet brûlant. Plusieurs États américains veulent interdire aux femmes transgenres de participer aux compétitions sportives féminines. En Californie, une cour d’appel fédérale a examiné ce mardi 4 mai le recours de l’État de l’Idaho et de deux jeunes athlètes féminines cisgenres visant à rétablir une loi adoptée début 2020 par les élus républicains de cet état conservateur qui prévoit d’empêcher les étudiantes transgenres de participer aux épreuves féminines dans le sport scolaire et universitaire.
Quelques jours plus tôt, l’ancienne athlète de haut niveau, Caitlyn Jenner, icône transgenre et candidate au poste de gouverneure en Californie, s’était publiquement opposée à l’inclusion des jeunes filles trans dans le sport féminin à l’école. “C’est une question d’équité”, avait lancé à un journaliste la marathonienne républicaine, s’attirant par là même une pluie de critiques aux États-Unis.
.@Caitlyn_Jenner, who is a transgender female, just said that transgender females should NOT be allowed to compete in female sports. I’d like to hear the Left call Caitlyn anti-trans! pic.twitter.com/sLsNAAFzfD
— Lavern Spicer (@lavern_spicer) May 1, 2021
“Un discours courant dans le milieu du sport”
Pour justifier cette prise de position, les opposants à l’inclusion des femmes trans dans les sports de compétition invoquent régulièrement les “avantages physiques” dont elles bénéficieraient.
“Les hommes ont naturellement des avantages athlétiques sur les femmes et leur identification (à un autre genre, NDLR) ne change rien au fait qu’ils ont en moyenne une plus grande force physique, une plus grande vitesse et une plus grande endurance, a ainsi assuré Christiana Holcomb, avocate de l’organisation chrétienne conservatrice Alliance Defending Freedom, qui soutient les deux jeunes sportives cisgenres qui ont contesté en appel le blocage de la loi dans l’Idaho.
Des arguments contestés par certains chercheurs. “C’est un discours courant dans le milieu du sport, estime Lucie Pallesi, doctorante en STAPS à l’université Paris-Saclay et autrice d’une thèse sur la transidentité et le sport de compétition qui évoque des “pseudo-arguments scientifiques sans fondements”. Pour cette dernière, les records des sportifs masculins s’expliquent plutôt par des raisons sociales que biologiques.
“Tous les records olympiques sont le fait d’hommes, reconnaît la socio-historienne du sport Anaïs Bohuon. Mais ces records s’inscrivent dans une histoire et ne sont pas la résultante de quelque chose de naturel”.
Elle rappelle ainsi que les femmes ont historiquement été “limitées à certaines pratiques sportives qui ne sollicitaient pas la robustesse et la force, mais plutôt la grâce et l’élégance” dans le but, notamment de ne “pas mettre en danger leurs organes reproducteurs”. Résultat: les femmes ont “un siècle de retard sur les hommes”.
“Aucune preuve (...) que des femmes trans ont écarté des femmes cisgenres”
“Il est évident que quand on demande aux grandes joueuses de tennis de faire deux sets plutôt que trois comme les hommes, ou quand les poids, les distances sont allégés et réduits, elles ne vont pas s’entraîner ou se muscler de la même manière et n’auront pas la même endurance”.
Et d’abonder: “Un avantage physique dans le monde du sport est indéfinissable. Outre l’aspect génétique et physiologique qui entre forcément en compte, personne ne le nie, il y a aussi tout un ensemble de facteurs qui peuvent jouer comme la socialisation ou les composantes familiales, environnementales ou économiques. Mais c’est un ensemble indissociable.”
Un avis partagé par le professeur de civilisation américaine à l’Université de Rouen et spécialiste de l’histoire du sport Peter Marquis qui confirme “qu’on ne sait pas expliquer la performance sportive”.
“Certes en moyenne les femmes ont moins de muscles et sont moins rapides, mais ce ne sont pas les moyennes qui font les performances”, ajoute-t-il, estimant que “le sport moderne, né au XIXe siècle, repose sur une vision sexiste de l’humanité”. Pour lui, ce qui explique le mieux ces différences pourrait être “l’investissement financier”, en référence à l’argent investi pour les compétitions masculines en comparaison avec les féminines.
Au sujet des athlètes trans précisément, le professeur assure d’ailleurs qu’il “n’existe par exemple aucune preuve scientifique ou statistique que des femmes trans aient écarté des femmes cisgenres”.
“Au niveau élite, les championnats du monde, les compétitions olympiques... les sportives transgenres ne remportent pas plus” de médailles, balaie auprès de l’AFP Éric Vilain, expert auprès du Comité international olympique.
“Il y a énormément de facteurs qui entrent dans la fabrique d’un athlète, détaille ce professeur de génétique humaine. Une athlète transgenre qui va faire du basket sera en moyenne plus grande donc ça peut être un avantage, mais en gymnastique elle sera peut-être trop grande.”
Les conditions du CIO
Le comité olympique (CIO) s’était d’ailleurs penché sur cette question dès 2003. Dans leur rapport, les médecins du CIO se prononcent pour la participation des personnes transgenres aux compétitions sportives correspondant à leur genre vécu, sous trois conditions: que des changements anatomiques aient été réalisés, le changement de sexe à l’état civil et que les traitements hormonaux puissent être vérifiés pour “minimiser les avantages liés au genre dans les compétitions sportives”.
Ces recommandations ont ensuite évolué en novembre 2015 juste avant les Jeux olympiques de Rio, avec une spécificité: les hommes trans peuvent désormais participer sans restriction aucune aux compétitions masculines, mais les femmes trans doivent en revanche se soumettre à des tests pour prouver que leur taux de testostérone ne dépasse pas un certain seuil (10 nmol/L de sang), au moins un an avant la date de la compétition. Des règles qui auront également cours lors des Jeux de Tokyo, qui devraient se tenir du 23 juillet au 8 août 2021.
Mais la testostérone impacte-t-elle réellement la performance physique? Rien ne le prouve selon les experts interrogés par Le HuffPost.
“Il n’est pas prouvé quelle serait la molécule clé de la réussite sportive et de la performance”, assure Anaïs Bohuon. On produit plein d’autres hormones qui peuvent contribuer à un avantage physique. Il faut aussi prendre en compte le rythme cardiaque, la taille, l’élasticité musculaire, etc.”
La question du taux de testostérone est régulièrement invoquée dans le cas des athlètes hyperandrogènes, comme la Sud-Africaine Caster Semenya, interdite notamment de concourir aux Mondiaux d’athlé de Doha. Il était demandé aux athlètes hyperandrogènes de suivre un traitement pour faire baisser leur taux de testostérone afin de pouvoir concourir sur des distances allant du 400 mètres au mile (1609 m).
“Michael Phelps, le nageur américain, produit naturellement moins d’acide lactique qu’une personne lambda, ce qui lui permet de s’entraîner pendant des heures sans se sentir fatigué, notait Selaelo Mametja, de la World medical association, en mai 2019 pour le média Sciences et Avenir. Cela lui donne un avantage dans les compétitions, mais pour autant, la Fédération internationale de natation ne lui demande pas de modifier ses hormones. Nous admirons Michael Phelps pour sa singularité, pourquoi pas Caster Semenya?”.
S’il convient évidemment de ne pas confondre la situation des athlètes transgenres et hyperandrogènes, certaines questions se croisent tout de même. Pour Anaïs Bohuon, on rejette “les femmes de ces compétitions sportives pour des raisons philosophiques, parce que ça remet en cause nos définitions de la binarité et de ce que ça veut dire que d’être une ‘vraie femme’ autorisée à concourir”.
Des évolutions législatives
Si le débat est encore marginal en France, il a été abordé début mars lors de l’examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport. Les députés ont adopté deux dispositions en faveur de l’inclusion des personnes trans dans le domaine du sport. La 1ère vise à réaffirmer l’égalité de l’accès à la pratique sportive, indépendamment du sexe, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, l’origine, etc.
Le deuxième révèle aux conférences régionales du sport la mission de promouvoir l’accès au sport pour les personnes trans.
Concrètement, ces conférences qui réunissent tous les acteurs impliqués dans les politiques sportives au niveau local (club, collectivité etc.) devront identifier les leviers afin de promouvoir la pratique sportive chez les trans. Par exemple en réfléchissant à la question des infrastructures, en promouvant des formes de pratiques adaptées ou en soutenant des expérimentations sur le modèle de ce que fait l’association Acceptess-T à la piscine des Amiraux, à Paris, qui veut réinitier les personnes trans au sport pour se réapproprier leur corps.
Un groupe de travail au ministère des Sports
Sollicité par Le HuffPost, le cabinet de la ministre des Sports Roxana Maracineanu assure d’emblée ne pas avoir “vocation à entrer dans les règlements sportifs et les taux (de testostérone, NDLR) qui donnent droit ou pas à des athlètes de participer à certaines compétitions”, évoquant “un sujet complexe”.
Un groupe de travail sera prochainement mis en place sur la question de l’inclusion des athlètes trans dans les compétitions sportives et réunira des causementaires, des spécialistes médicaux, des chercheurs ou encore des associations.
Selon le ministère, il aura pour but “d’éclairer la ministre” sur le sujet avant de prendre d’éventuelles positions. “Cela pourrait conduire à la création de dispositions pour rénover le code du Sport et à des engagements forts que l’on pourrait demander aux fédérations de prendre dans un enjeu d’inclusion et de diversité”.
Le cabinet de la ministre assure toutefois que si les clubs et fédérations sont dans “l’obligation de ne pas discriminer”, le gouvernement n’est pas “compétent pour imposer aux fédérations de devoir par exemple intégrer les personnes trans dans telle ou telle équipe”.
Selon nos informations, la 1ère réunion à ce sujet, en lien avec le ministère de l’égalité femmes-hommes d’Élisabeth Moreno, devrait se tenir le 12 mai prochain.
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