[Cannes 2021] « La Fracture » de Catherine Corsini : peut-être un peu trop didactique, un film qui décrit néanmoins avec allant, drôlerie et gravité l’ineptie loufoque de notre époque.
Dans la pénombre d’une chambre à coucher, Raf (Valaria Bruni Tedeschi) écrit des textos à sa compagne Julie (Marina Foïs) qui dort (et ronfle) à ses côtés. Elle espère, par les vibrations du téléphone, la réveiller et reconstruire, peut-être,...
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Dans la pénombre d’une chambre à coucher, Raf (Valaria Bruni Tedeschi) écrit des textos à sa compagne Julie (Marina Foïs) qui dort (et ronfle) à ses côtés. Elle espère, par les vibrations du téléphone, la réveiller et reconstruire, peut-être, une histoire d’amour, vieille de dix ans et sur le point de mourir. Mais le sommeil de la dormeuse n’est pas troublé, et face à son indifférence, les messages se changent en une pluie d’insultes.
C’est sur cette incommunicabilité verrouillée, ce constat amer, emmenée d’abord sur la voix de la franche comédie et troquée ensuite pour les habits d’un film de kidnapping sous haute tension, que s’ouvre la Fracture, film qui tente d’organiser à plusieurs niveaux la réconciliation de ses différents noeuds narratifs pour mêler l’intime au politique.
Pio Marmai dans La Fracture de Catherine Corsini (Copyright CHAZ Productions)Cette peine de coeur, bientôt incarnée par un bras cassé (celui de Raf, quand elle trébuche dans la rue pour retenir sa compagne), est utilisée ici comme métaphore d’une société française elle aussi meurtrie, divisée et dont le film tente d’embrasser chacun des affects, qu’ils soient un peu datés (les gilets jaunes d’il y a maintenant déjà deux ans, et contexte d’action du film) ou toujours d’une actualité brûlante : les violences policières mais surtout l’abandon de l’hôpital public et de ses soignant·es que la crise sanitaire n’aura cessé de révéler.
Film d’immersion, étalé le temps d’une nuit survoltée, La Fracture filme son unique décor, un hôpital parisien, comme un théâtre où petits drames et sketchs se bousculent au son des claquements des portes et des cris, notamment ceux de Valeria Bruni Tedeschi, sur-excitée et défoncée aux médocs, au summum du burlesque, et qui semble presque, par moment, piloter le film de l’intérieur, lui dicter ses mouvements au gré de ses états d’âme en dent de scie.
Si le film paraît assez didactique dans la manière qu’il a d’opposer puis de faire se rencontrer des mondes qui d’ordinaire ne se rencontrent pas (la bourgeoise qu’incarne Raf, la classe populaire de Yann joué par Pio Marmai), de tenter de raccommoder de manière un peu artificielle ou manichéenne, chacune de leurs fissures (un CRS complice et solidaire d’un manifestant), il décrit, et l’exercice est périlleux, avec un certain allant, une drôlerie mais aussi une gravité, l’invraisemblable, l’ineptie loufoque de ce qui se joue dans ce lieu, au travers d’une mise en scène nerveuse qui rappelle un peu la fièvre et l’épuisement du cinéma de Maïwenn.