[Cannes 2021] « Les Amours d’Anaïs » de Charline Bourgeois-Tacquet : le portrait subtil, rapide et précis, d’une jeune femme obstinée et inconstante
C’est amusant qu’Anaïs (Demoustier) aime tant Le ravissement Lol V. Stein, ce roman de Marguerite Duras dans lequel Lol, héroïne tragique, se retrouve, après avoir vu ce qu’elle ne devait pas voir (son amant ravi par une autre, juste là sous...
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C’est amusant qu’Anaïs (Demoustier) aime tant Le ravissement Lol V. Stein, ce roman de Marguerite Duras dans lequel Lol, héroïne tragique, se retrouve, après avoir vu ce qu’elle ne devait pas voir (son amant ravi par une autre, juste là sous ses yeux), « frappée d’immobilité », à jamais pétrifiée, quasi-muette. Ou disons cocasse pour une jeune fille qui, elle, ne tient pas en place.
Anaïs n’a pas vraiment bougé depuis la fois où on l’a vue se débattre avec une histoire d’amour et de texto dans Pauline Asservie, le très beau film court de Charline Bourgeois-Tacquet qui présentait hier dans la salle du Miramar de la Semaine de la Critique Les Amours d’Anaïs, son 1er long métrage. Du court au long, Pauline devenue Anaïs a troqué son nom, elle a accéléré la cadence (elle ne marche plus à vive allure, elle court) et préservé ce débit de mitraillette, qui lui fait dire tout haut ce qui la traverse – et même se révèler à des touristes coréens perplexes.
- Denis Podalydès et Anaïs Demoustier dans « Les Amours d’Anaïs » de Charline Bourgeois-Tacquet (Copyright Haut et Court)
Avec Les Amours d’Anaïs, Charline Bourgeois-Tacquet poursuit son exploration amoureuse du désir, de sa circulation et de son expression, dans un 1er film à la fois très français et très empreint du burlesque de la comédie hollywoodienne. Comme si Katharine Hepburn et Cary Grant s’allongeaient un instant sous le soleil d’été des films de Rohmer, dans ces mondes d’harmonie où la langue des mots et des couleurs (ici une robe rouge ou bleue, des cheveux dorés…) s’accordent, comme s’ils cavalaient dans les rues parisiennes des films d’Arnaud Desplechin pour se dire et nous dire, face caméra, « je t’aime », « tu me manques » ou encore « tu as fait de ma vie une enchantement. »
L’enchantement est ici celui d’une rencontre amoureuse d’abord vécue comme une projection, comme un rêve. Anaïs n’aime peut être plus Raoul. Elle a rencontré Daniel (Denis Podalydès), un homme de vingt cinq ans son aîné qui lui est avec Emilie (Valeria Bruni Tedeschi), auteure reconnue, dont Anaïs, charmée, se reconnait immédiatement dans les mots. Un soir, elle la découvre en photo, de dos, chignon à la Vertigo, et l’image ne la quittera plus. Anaïs sait à présent vers quoi courir.
Dans cette histoire de triangulation, de désir projeté puis de passion et d’amour, thème de la thèse que prépare Anaïs à la Sorbonne, se déploie, avec une subtilité, une précision d’écriture, de mise en scène, le portrait d’une héroïne à la fois obstinée et inconstante, légère mais apeurée par le temps qui file, par le grand chagrin de la perte et qui ne cesse de se demander si elle sait aimer correctement, elle qui déteste partager son lit la nuit. Mais il n’y pas de règle, lui rappelle-t-on à plusieurs reprises dans le film et il faut être courageux pour oser aimer.