[Cannes 2021]“Les Poings desserrés”, le film coup de poing de Kira Kovalenko
Une ville perdue d’Ossétie du Nord, dans le Caucase russe, entre montagnes, HLM et souvenirs de la mine. Une héroïne post-adolescente Ada, coincée par les hommes. Les Poings desserrés, le deuxième et stupéfiant long-métrage de Kira Kovalenko,...
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Une ville perdue d’Ossétie du Nord, dans le Caucase russe, entre montagnes, HLM et souvenirs de la mine. Une héroïne post-adolescente Ada, coincée par les hommes. Les Poings desserrés, le deuxième et stupéfiant long-métrage de Kira Kovalenko, jeune cinéaste russe de 31 ans, porte en lui une forme de miracle permanent, dépassant le programme réaliste qu’il semble dessiner (caméra à l’épaule, proximité des peaux) pour inventer une odyssée physique à la profondeur sans égale cette année à Cannes.
Présenté dans la section Un Certain regard, le film aurait pu aisément figurer en compétition : on le traverse secoué par ce qu’éprouve Ada, jeune femme souvent mutique littéralement empêchée par son père incestueux, aimée/envahie par ses frères, regardée comme une bête curieuse bonne à marier par les autres.
S’enfuir, peut-être, mais pour aller où ? Et pour aimer qui ? Devant cet enfer patriarcal incrusté dans le quotidien comme une poussière dégueulasse qui revient toujours, Kovalenko lutte avec son héroïne, l’aide à rester debout, opposant aux cages que lui fabriquent la vie un écrin de cinéma où elle peut respirer. Mais même ce mouvement-là ne suffit pas à décrire complètement le film, scandé par le souvenir des guerres qui ont marqué ces terres aux confins de l’Europe, porté par des forces mystérieuses où les énergies corporelles deviennent palpables, où la puissance chromatique du monde clignote jusqu’à éblouir, défigurant toutes les intentions de joliesse. La sûreté du regard n’est jamais la source d’un formalisme maniéré.
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LibérationIci, on ne rigole pas avec les traumas, on ne pleure pas non plus avec eux : on les filme jusque dans leurs racines les plus souterraines. Toute honte bue. Ancienne élève d’Alexandre Sokourov, la réalisatrice dit s’inspirer du 1er et célèbre film de Marco Bellocchio, Les poings dans les poches (1965), avec un petit twist qu’elle explique : “Son film, que j’adore, cause de serrer les poings. Moi, je voulais créer une image où quelque chose se desserre.” Le long trajet proposé par Kovalenko est donc celui d’une libération, au prix d’un effort fou, intime, incendiaire, dont on n’est jamais sûr qu’il suffira à passer à autre chose.
Il faut espérer que le Jury présidé par Andrea Arnold se montrera à la hauteur de ce coup de poing en lui donnant un prix, sous peine de rater l’éclosion d’une figure déjà majeure.
Les poings desserrés dans la sélection Un Certain Regard.