[Cannes 2022] “Triangle of Sadness” : comment la Palme d’or a-t-elle été reçue par la presse internationale ?

Les nostalgiques de la controverse cannoise à feu et à sang en ont pour leur argent cette année : Triangle of Sadness est la Palme d’or la plus clivante observée depuis bon nombre d’éditions, peut-être depuis 2004 et le prix remis à Fahrenheit...

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Les nostalgiques de la controverse cannoise à feu et à sang en ont pour leur argent cette année : Triangle of Sadness est la Palme d’or la plus clivante observée depuis bon nombre d’éditions, peut-être depuis 2004 et le prix remis à Fahrenheit 9/11 par le jury de Quentin Tarantino. En France, très schématiquement, c’est une bonne vieille fracture gauche-droite que le film semble cristalliser, avec d’un côté la défense passionnée du Figaro (où Östlund a d’ailleurs corroboré cette lecture simpliste en affirmant que “la presse de gauche n’aim[ait] pas [son] film”) et, de l’autre, à peu près tout le reste de l’hémicycle médiatico-culturel : Libé, Télérama (dont la rédaction elle-même mitigée signe un pour-contre), Le Monde, ou bien sûr Les Inrocks.

Le rapport de force est à peu près inversé à l’étranger, où les médias de gauche s’étant frontalement attaqués au film de croisière satirique et vomitif du réalisateur de The Square se comptent finalement sur les doigts d’une ou deux mains : c’est par exemple le cas d’un Guardian résigné au cynisme ambiant (“Peut-être que ce film est ce dont le monde a besoin maintenant : un cinéma feel bad, mais qui ne nous bouscule pas trop et flatte nos certitudes manichéennes”). Le reste des Anglo-Saxons est majoritairement acquis à la satire suédoise, qui aurait terminé au sommet du tableau de la presse internationale de Screen Daily sans les deux notes plombantes du quotidien anglais et de son homologue français, Le Monde (interverti par erreur avec Positif). Elle se trouve par ailleurs fort bien accueillie par Variety (“Il vous fait rire, mais aussi penser”, zzz), Vulture, le Washington Post ou le Hollywood Reporter aux États-Unis.

Remise en question

Quelque chose de pourri subsiste pourtant dans les réactions, même positives, à l’arrivée de ce nouveau double Palmé dans le club déjà formé par Haneke, les frères Dardenne, Kusturica, Loach, Coppola, August et Imamura. La Palme d’or d’Östlund vient clore une édition dont la presse étrangère n’a en réalité pas attendu le palmarès pour trouver des raisons de l’écorner, entre les accusations de censure formulées par Deadline à l’endroit de Thierry Frémaux, ou les mots très durs en Allemagne de Die Zeit préfigurant d’une certaine manière les choix du jury de Vincent Lindon (“Le plus grand festival de cinéma au monde ressemble à la cour de France juste avant la révolution de 1789 : figé dans l’étiquette, enfermé dans les conventions hiérarchiques et le clientélisme intellectuel”). En ouverture de festival, le Guardian observait assez finement quel double sens on pouvait lire dans l’affiche de la 75ème édition issue du dernier plan du Truman Show, un film sur un monde sous cloche, filmé en permanence et qui se persuade d’être réel : “Cannes est-il la porte ou la bulle, la maladie ou le médicament ?”

C’est dans un climat de remise en question non du film d’Östlund mais du festival lui-même que sont à mettre en perspective les réactions en demi-teinte de certains grands titres de presse internationale, comme en atteste Variety qui a donc aimé le film mais voit tout de même dans son sacre le signe d’un festival en coma, dont la sélection ne propose plus d’émotions sincères ni de personnages incarnés. Le grand critique du New Yorker Richard Brody ne s’est même pas rendu à Cannes cette année, et s’est contenté d’écrire une très belle critique sur l’un des plus beaux films de la sélection, auquel il avait pu avoir accès en amont : Armageddon Time, de James Gray. Le signe inquiétant est peut-être dans ce désaveu bien plus que dans les excitations produites par une pochade satirique attendue et récompensée au-delà du raisonnable.