Cannes 2023 : un festival déjà sous haute tension

Il y a eu l’année (2010) où une tempête ravageait la côte et où la mer démontée déversait des torrents de sable sur la Croisette à la veille du Festival. Il y a eu l’année (2021) où le monde se remettait pantelant du Covid-19 et où le Festival...

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Il y a eu l’année (2010) où une tempête ravageait la côte et où la mer démontée déversait des torrents de sable sur la Croisette à la veille du Festival. Il y a eu l’année (2021) où le monde se remettait pantelant du Covid-19 et où le Festival se déroulait dans un climat de surveillance sanitaire tous azimuts entre festivalier·ères masqué·es. Il y a eu bien sûr l’année légendaire (1968) où le Festival fut annulé pour cause de solidarité avec les événements de mai et où les artistes les plus remonté·es se suspendaient aux rideaux pour empêcher les projections.

Nous sommes évidemment aujourd’hui très loin d’une telle humeur émeutière. De toute façon, la préfecture des Alpes-Maritimes interdit les manifestations durant toute la durée des festivals. Cela suffira-t-il toute velléité de casserolade pendant le Festival de Cannes ? Tout cinéphile, encore traumatisé·e par la Palme d’or l’an dernier décerné à Sans filtre, qui voudrait exprimer à grands entrechocs d’ustensiles de cuisine sa désapprobation du verdict final édicté par le désormais président du jury Ruben Östlund sera-t-il ou elle immédiatement passé·e à tabac et jeté·e en prison ?

Si cette année aucune tempête n’est venue ensabler la Croisette et doucher la ville de pluies torrentielles, rarement un festival n’aura dû faire face à autant de tensions et d’amoncellement de noirs nuages en amont de son déclenchement. C’est d’abord la CGT qui a fait savoir qu’elle n’excluait pas de couper le courant pendant l’événement. On imagine le charivari de deux mille spectateur·trices s’entre-piétinant vers la sortie de secours dans le grand théâtre Lumière soudainement plongé dans le noir durant les quatre heures de projection du Scorsese.

Grevilla

Ce n’est pas seulement le fracas du monde extérieur et son climat de “grevilla” qui menace de déstabiliser le Festival. Les tensions peuvent aussi trouver leur origine dans des questionnements internes au cinéma. On pense bien sûr à la tonitruante lettre d’Adèle Haenel (publiée dans Télérama), explosant à la face d’une industrie cinématographique déjà la tête dans ses valises destination la French Riviera et soupçonnant les “pontes du cinéma” de “compter sur la police pour que tout se passe comme d’habitude sur les tapis rouges de Cannes”. Ce coup d’éclat est désormais l’un des principaux sujets sur lesquels les figures du Festival sont invitées à s’exprimer, de Maïwenn à Quotidien, trouvant “triste” une telle “radicalité” à Thierry Fremaux, interrogé par des journalistes étranger·ères, et ne contenant pas sa colère face à de telles invectives. Des prises de parole spontanées émanent aussi en soutien de l’actrice (Garance Marillier, Noémie Merlant) et même des témoignages très forts de violences subies par le passé (Vahina Giocante). Et si une seconde vague de #MeToo français se préparait ?

En début d’après-midi, quelques heures avant la 1ère montée des marches, une tribune dans Libération d’une centaine d’actrices et acteurs dénonçait les conditions (notamment sexistes) dans lesquelles elles et ils exercent leur métier, mais aussi le “soutien” qu’apporterait le Festival “à des hommes et des femmes qui agressent”. 

Impunité

À ce contexte tendu s’ajoute encore la prise de parole virulente du collectif 50/50 désavouant la sélection en compétition du Retour de Catherine Corsini, dont le tournage a fait l’objet de plusieurs signalements auprès du CCHSCT (instance veillant à la sécurité des conditions de travail sur les plateaux). Ou encore la présence sur les marches dès le 1er soir d’un Johnny Depp certes blanchi par les tribunaux américains mais devenu pour une partie de l’opinion le symbole d’une certaine impunité masculine dans la violence conjugale.

C’est donc dans un certain état d’alerte que le ou la festivalier·ère amorce cette 76e édition. Ce n’est pas seulement les films qui risquent d’y faire événement.

Édito initialement paru dans la newsletter spécial Cannes du 16 mai. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !