Cannes 2023 : un pré-festival sous tension

Il est difficile de dater le moment où une sélection au Festival de Cannes est devenue à ce point un enjeu propre à cristalliser tous les désirs et toutes les angoisses. Dix ans ? Quinze ans ? Il fut un temps en tout cas où l’agenda de distribution...

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Il est difficile de dater le moment où une sélection au Festival de Cannes est devenue à ce point un enjeu propre à cristalliser tous les désirs et toutes les angoisses. Dix ans ? Quinze ans ? Il fut un temps en tout cas où l’agenda de distribution du cinéma d’auteur sur toute une année n’était pas entièrement articulé à des fins de présentation entre mars et avril au comité (avec les effets d’embouteillage que l’on sait). Où les films les plus attendus pouvaient sereinement envisager de créer l’événement sans passer par la case Croisette. Où le jour de l’annonce de la Sélection officielle n’était pas vécue comme un pronostic vital délivré sur les films.

Bien sûr, une telle crispation est fantasmatique et le succès public l’an dernier des Enfants des autres de Rebecca Zlotowski a prouvé qu’un film d’auteur pouvait se passer de Cannes. Mais chaque année, mi-avril, la profession du cinéma vit à nouveau une phase paroxystique d’anxiété, d’insomnie et de somatisation.

Controverse

Depuis quelques années, le supplice a été rallongé, puisque le D-Day de la conférence de presse n’est plus une date butoir et que le comité ménage des rajouts dans les jours et les semaines qui suivent. Jamais pourtant, comme cette année, ce suspense n’aura été l’enjeu de telles tensions : un film était en ballottage, Le Retour de Catherine Corsini, dont le tournage est l’objet d’accusations diverses (faits de harcèlement, gestes déplacés, existence d’une scène tournée mais non montée absente dans le scénario validé par le CNC et l’instance encadrant les conditions de travail des acteur·trices mineurs…). Sa sélection avait été communiquée à sa production, mais finalement pas annoncée le jour J. Il aura donc fallu dix jours au comité de sélection pour se décider. Dix jours, qui comme le rapporte une enquête du Monde, ont donné lieu à des affrontements dans divers foyers du cinéma français, à commencer par la SRF (1). Sommée de prendre position pour défendre la création, cette dernière a choisi de ne pas communiquer. Catherine Corsini (mais aussi Pierre Salvadori, qui s’est exprimé dans Le Monde en soutien à la cinéaste) a choisi d’en démissionner. Dans un tel contexte, la confirmation de la sélection du film vaut aussi comme l’affirmation d’un point de vue sur l’une des questions qui agitent le plus aujourd’hui les industries culturelles : l’acte créatif légitime-t-il une certaine violence dans le travail ? Une œuvre peut-elle être prise en compte indépendamment de son contexte d’élaboration ? Le débat est complexe. Les principales intéressées (Catherine Corsini, sa productrice Élisabeth Perez qui affirme dans Le Parisien “qu’il n’y a eu aucune violence verbale ou physique de la part de Catherine, ni en général sur le tournage”) réfutent les accusations portées sur leur méthode. La décision du Festival de Cannes a toutefois déclenché une tribune virulente du collectif 50/50 (2), qui s’est déclaré “consterné” par ce choix. C’est peu dire que la découverte du film se fera dans un contexte très peu serein.

Des absents

Treize autres films ont été annoncés en complément dans les différentes sections de la Sélection officielle (mais leur annonce a quelque peu été éclipsée par la seule annonce du Retour). Un autre film rejoint la Compétition, Black Flies, une production américaine réalisée par un metteur en scène français (Jean-Stéphane Sauvaire, dont les précédents films – Johnny Mad Dog et Une prière avant l’aube nous avaient peu marqués). L’impression domine d’une Sélection officielle qui, en démultipliant les sections, couvre tous les types de cinéma : cinéma d’auteur radical (Lisandro Alonso ou Pedro Costa récemment intégrés), films d’auteur du milieu (Valérie Donzelli, L’Amour et les Forêts, désormais à Cannes Première), blockbusters (le nouveau Pixar, le nouvel Indiana Jones), le cinéma de genre, etc. Trouver une place pour tout le monde dans un grand souci œcuménique, plutôt que de dessiner une seule ligne, paraît être le souci majeur du festival. Notons pourtant que deux films que l’on attendait particulièrement n’y ont pourtant pas trouvé la leur : La Bête de Bertrand Bonello (qu’on retrouvera peut-être à la prochaine Mostra de Venise) ou encore L’Île rouge, le nouveau Robin Campillo (six ans après 120 Battements par minute). Si l’on ne le verra pas à Cannes, ce dernier sort néanmoins dans la foulée du festival. De quoi apaiser notre impatience.

(1) Société des réalisateurs français

(2) Association de promotion de l’égalité femmes/hommes dans l’audiovisue