Cannes sous protocole sanitaire : des débuts difficiles
“Mais on doit laisser un siège entre nous ou pas ?!” s’est exclamée en trahissant une petite panique notre voisine lors de la cérémonie d’ouverture. La réponse était non, et elle semble tout de même à peu près intégrée par la majorité des festivalier·ère·s....
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
“Mais on doit laisser un siège entre nous ou pas ?!” s’est exclamée en trahissant une petite panique notre voisine lors de la cérémonie d’ouverture. La réponse était non, et elle semble tout de même à peu près intégrée par la majorité des festivalier·ère·s. Mais étrangement, à chaque début de séance depuis le 6 juillet, on observe encore ce manège curieux : les spectateur·trice·s laissent ce siège intercalaire, comme si on était plus tout à fait sûr·e finalement et malgré le fait qu’il finisse immanquablement occupé (puisque toutes les séances doivent atteindre la pleine capacité de leur salle).
L’improvisation de miseC’est que tout le monde improvise un peu (certain·e·s s’exonérant même du port du masque en salle), car on ne sait pas très bien comment Cannes fonctionne cette année. Alors que le festival avait, par exemple, annoncé conditionner l’accès aux projections à la présentation d’un pass sanitaire (soit un test PCR négatif de moins de 2 jours, soit une attestation vaccinale avec une deuxième dose datant d’il y a au moins 15 jours), on a découvert sur place qu’il n’est pas nécessaire partout : en réalité, seulement pour accéder à l’intérieur du Palais et au Grand Théâtre Lumière, mais pas dans les autres salles, dont la capacité plus réduite ne le justifie pas.
>> À lire aussi : Les 20 films que l’on a hâte de découvrir lors de la 74e édition du Festival de Cannes
Une principale nouveauté sème un climat de quasi-panique générale : le système de réservation des billets. Exit les interminables files d’attente organisées par couleur de badge, élément presque emblématique de la vie festivalière, qui avait certes ses limites (notamment celle d’obliger à venir très en avance pour des séances où l’on risquait toujours de ne pas pouvoir rentrer) mais aussi ses avantages, comme celui de permettre l’improvisation de dernière minute. Il faut désormais réserver ses billets avec 48 heures d’avance, sur un portail dédié dont l’état de fonctionnement laisse à désirer : serveurs surchargés pendant les 3 heures suivant la mise à jour des séances chaque matin, crashs intempestifs, etc…
Un passage au numérique imposéSi d’autres festivals, comme la Berlinale, avaient déjà depuis plusieurs années mis en place des systèmes similaires, c’est bel et bien à cause de la pandémie que Cannes s’y est mis, considérant que les attroupements occasionnés par les files pourraient occasionner des clusters. “Ce n’était pas vraiment dans les discussions auparavant, explique Constance Allain, référente Covid pour la Quinzaine des réalisateurs. “Car on considérait que les files d’attente faisaient partie de l’esprit du festival et que les gens y étaient attachés, avec les petits rituels comme le fait de se jauger par couleur d’accréditation.” (N’exagérons rien, tout de même.)
Toujours est-il que cette billetterie en ligne rencontre une franche hostilité festivalière. D’abord parce qu’elle marche mal, du fait d’une sous-estimation manifeste de la bande-passante nécessaire pour supporter les quelque 3 000 journalistes tentant chaque matin de se connecter au portail. Ensuite, parce que même quand elle fonctionne, elle complique le travail et empêche la souplesse. On a vu, salle Bazin, un journaliste américain haranguer la salle avant une projection pour tenter de fédérer un mouvement de contestation dans l’espoir que le festival rétablisse le système précédent. Scène lunaire, accueillie d’abord par des cris d’encouragement, puis par un enthousiasme limité (l’homme ayant un peu perdu son audience au moment de l’engager à démarrer une manif en sortie de séance) mais l’expression de reproches variablement sérieux (“The Palais des festivals wifi never works!”) de tout un chacun, façon salle du jeu de paume.
>> À lire aussi : [Cannes 2021] “Benedetta” : la sincérité du mensonge vue par Paul Verhoeven
Heureusement, le volume d’accréditations est en baisse (entre 28 000 et 29 000, contre 40 000 habituellement), notamment du fait des délégations étrangères réduites, et cette baisse rend donc le festival sans doute un peu plus facile pour les “petits” badges non prioritaires, qui, à condition de bien réserver en avance, auront de meilleures chances d’accéder aux projections.
Des incertitudes à tous les niveauxDu côté du marché du film, en revanche, cette baisse n’est pas une bonne nouvelle. Un vendeur international nous révèle : “En temps normal, au Festival de Cannes, on fait la moitié de notre chiffre d’affaires de l’année.” Là, ce sera sans doute plus compliqué, en l’absence d’un certain nombre d’interlocuteur·rice·s américain·e·s ou asiatiques. “C’est un marché très européen, voire ouest-européen.” Mais l’humeur n’est pas trop pessimiste, car le sentiment qui domine reste la joie de revenir aux affaires. “On a l’impression que la profession sort de sa dépression. Il y a un an, tous les rendez-vous avec des distributeurs commençaient par une vingtaine de minutes à causer avec beaucoup de commisération de leur situation évidemment critique. Mais on sent que c’est maintenant moins le cas.” Le festival a aussi innové en mettant en place un marché en ligne lancé dans les quelques jours précédant la cérémonie d’ouverture, et qui a véritablement porté ses fruits, selon le même vendeur. Une conséquence inattendue mais bienvenue du protocole sanitaire : “Il y a une petite mise à plat des hiérarchies. Avant, les distrib’ venaient avec des équipes de 10-12, et cette année, c’est plutôt 3-4 et pas forcément les chefs : on envoie celui qui est vacciné et c’est lui qui représente la boîte. Ça facilite les discussions.”
Une seule chose est certaine : en 2021, personne à Cannes n’a pu retrouver ses petites habitudes d’auparavant. Et le “monde d’après” ne s’y illustre pas comme une chose très organisée pour l’instant.