Cat Power : “Petite fille, je ne m’identifiais pas du tout aux femmes”
Que trouves-tu érotique aujourd’hui ? La simplicité. La subtilité. Quelque chose qui serait de l’ordre du secret, du caché… Quelque chose qu’il faille découvrir, apprendre, qui ne soit pas surexposé, surexploité. Presque comme un parfum. Et...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
Que trouves-tu érotique aujourd’hui ?
La simplicité. La subtilité. Quelque chose qui serait de l’ordre du secret, du caché… Quelque chose qu’il faille découvrir, apprendre, qui ne soit pas surexposé, surexploité. Presque comme un parfum. Et pas une mauvaise odeur ! Aux États-Unis, tout est presque gore.
Avec quelle image de la féminité as-tu grandi ?
Ma mère était très libre, très sauvage. Elle ne portait pas de soutien-gorge. Notre entourage était cosmopolite, représentatif de la contre-culture seventies branchée drogue. Un monde d’adultes qui normalement n’est pas accessible aux enfants. Ma mère était si jeune qu’elle ne me protégeait pas beaucoup… J’ai découvert le bien et le mal très jeune, mais aussi la survie. Les gens causent souvent du verre à moitié vide et du verre à moitié plein tu sais, eh bien moi j’ai su qu’il fallait que je voie ma vie comme un verre à moitié plein pour survivre.
Quelle petite fille étais-tu ?
Je ressemblais à un garçon manqué. J’essayais de porter du maquillage mais ça ne fonctionnait pas. Je ne me sentais pas femme du tout. Je n’étais pas à l’aise avec mon corps. Avec un amant oui, plus tard. Mais petite fille, je ne m’identifiais pas du tout aux femmes. Il y avait beaucoup de porno, d’images érotiques autour de moi, et de publicités à la télévision pour promouvoir du maquillage, des crèmes pour être plus belle. Je ne voulais pas participer à tout ça… Ce n’était pas moi.
Pourquoi ?
J’ai été élevée par ma grand-mère jusqu’à mes 5 ans, l’âge auquel j’ai rencontré ma mère, qui m’a ensuite emmenée tous les soirs dans des bars, à des concerts. On était toujours avec plein de gens très différents. Ma grand-mère, elle, ne portait pas de maquillage, un peu de rouge à lèvres, de crème hydratante et elle s’épilait les sourcils. C’est tout. Ma mère, elle, c’était eye-liner noir, rouge à lèvres, pas de soutif… Elle me semblait vulgaire. Ou peut-être que j’en avais peur car je n’avais pas de poitrine, pas de hanches… Et puis, j’ai vu beaucoup de porno, petite… Mon père avait toute la collection des Traci Lords avant même qu’elle ait atteint 18 ans [actrice pornographique américaine culte des années 1980 qui tourna la majeure partie de ses films en étant mineure]. Quand il allait bosser la nuit, je regardais ses VHS. Il avait des magazines Playboy, Penthouse... Je voyais toute cette pornographie. Ce n’était pas de belles images de sensualité.
“Mon 1er baiser a été horrible. J’avais 13 ans, et ce garçon que je pensais être mon ami a enfoncé sa langue dans ma gorge”
Elles t’excitaient un peu ?
Les vidéos de Traci Lords, c’était genre deux bites dans la bouche, trois dans le cul, trois dans le vagin et quelqu’un qui lui éjacule sur le ventre… ça m’a traumatisée. Et mon 1er baiser a été horrible. J’avais 13 ans, et ce garçon que je pensais être mon ami a enfoncé sa langue dans ma gorge. Je ne l’aimais même pas. Quand j’ai eu mon 1er vrai baiser j’avais 18 ans et c’était plutôt magique. Ça ressemblait à ce que cela devait être, quelque chose de tendre, d’excitant, de sexy.
Es-tu toujours restée “garçon manqué”, comme tu dis, ou as-tu changé d’image à un moment donné ?
Quand j’ai eu 27 ans, j’ai rencontré l’amour de ma vie et j’ai compris pour la 1ère fois ce que voulait dire se sentir femme au sens d’être féminine, élégante, belle, sexy. Après ça, j’ai appris comment être plus libre, audacieuse, prendre des risques. J’espère que toutes les femmes ont un jour dans leur vie la chance de faire cette expérience de liberté. C’est très sain.
Tu t’intéressais aux garçons, ado ?
Oui, même plus jeune. La 1ère fois que j’ai cru être amoureuse, il s’appelait Todd. J’étais folle de lui. Il était cool. Il jouait au football. Il était beau et calme. Il ne faisait pas de blagues, il ne jouait pas au malin. Je le trouvais masculin. J’ai toujours eu un crush sur quelqu’un. Je changeais souvent d’écoles, il faut dire. Mais en grandissant, ceux qui étaient beaux, comme Cass, sont souvent devenus de gros connards. Donc ça devenait de plus en plus difficile de bien les aimer. Je n’ai donc pas eu de copains avant mes 18 ans, où je suis sortie avec un mec plus âgé qui est décédé sur une moto. On traînait dans l’appartement de ses parents. On mettait du Black Sabbath à fond et on fumait des joints.
Le morceau le plus hot ?
Il y a six mois, je crois, j’étais avec quelqu’un et j’ai mis Wise One de John Coltrane. Je n’ai jamais lié ce morceau au sexe, jamais. Mais mon portable était en mode repeat, donc le morceau est passé en boucle toute la soirée… Et donc dorénavant je le lie au sexe… outch ! C’était une nuit de folie !
Tu as repris Je t’aime moi non plus de Gainsbourg et Birkin avec Karen Elson en 2006 pour une compilation hommage à Gainsbourg des Inrockuptibles. Quelle relation as-tu à ce morceau ?
C’est probablement le morceau le plus sexy qui ait jamais été enregistré. On a voulu le traduire en anglais mais ça ne marchait pas… ”I want to come between your kidneys” [rires]… on a donc dû changer les paroles pour donner une version plus sensuelle de notre interprétation anglaise. Le français est la langue de l’amour. Il sonne comme un baiser. Je ne suis pas quelqu’un de très nostalgique, mais je le suis des baisers, ça c’est sûr !
De certains baisers que tu as vécus ou des baisers en général ?
De certains baisers vécus, très spécifiques. On sait lesquels sont les bons. Ce sont les cadenas qui déverrouillent la chatte, qui ouvrent la voie au sexe.
“Je trouve les femmes incroyablement belles, même si je suis hétéro. Bien plus belles que les hommes”
Le sexe va-t-il mieux aujourd’hui ?
Petite, les conversations sur le sexe étaient dirigées par les garçons, elles leur appartenaient. Ils étaient méchants, grossiers, vulgaires. Ils critiquaient notre manque de poitrine… Aujourd’hui, il y a des podcasts, des conversations sur le sujet menées par des femmes. Ce n’est pas forcément à visée éducative, mais ça passe des informations. J’entends des choses et je me pose des questions. Nos corps fonctionnent différemment, ne répondent pas aux mêmes stimuli, donc c’est toujours bien de savoir ce qui se passe ailleurs. Aujourd’hui, on entend des femmes s’exprimer sur leurs désirs, leurs plaisirs. C’est hyperimportant.
Regardes-tu du porno ?
Non, c’est fini ça. Et puis aujourd’hui, les jeunes peuvent cliquer sur le pire de l’horrible, voir des tueries, du porno… tout s’entremêle en ligne. Alors qu’il y a des choses plus subtiles que le porno mainstream. Comme des vidéos fétichistes où des femmes fument en se faisant masser les jambes…
Une icône érotique ?
De Niro dans Mean Streets, Sean Penn dans Comme un chien enragé. Et Prince !
Où se trouve ta beauté ?
Je trouve les femmes incroyablement belles, même si je suis hétéro. Bien plus belles que les hommes. Mais je suis sexuellement excitée par un homme, et quand c’est le cas, ce n’est pas tant de la beauté qu’une forme de masculinité. Je ne suis pas vraiment attirée par l’androgynie.
Quelle masculinité justement ?
Les traits bruts. Il y a plus d’arêtes. La mâchoire, le nez, les contours du corps…
Que faire après le sexe ?
Fumer une cigarette ! Et boire un très bon alcool. Du vin blanc frais si c’est l’été, par exemple.
Et après une rupture ?
Fumer une cigarette ! Et boire un très bon alcool ! Ou plutôt : fumer un paquet de cigarettes et descendre une bouteille d’un très bon alcool ! Avoir de bons ami·es aussi, et de la bonne musique.
“Je veux toujours me sentir invisible sur scène. Le vortex dans lequel je me trouve, lorsque je chante sur scène, n’a plus rien à voir avec nos corps”
Qu’est-ce qui est le plus excitant : l’image, le son, les mots ?
Ouh… je dirais le réel. Pas l’image. Mais si je suis seule, un souvenir. Une image mentale donc. Je me repasse une scène en la modifiant légèrement pour l’améliorer ! [rires] Prendre le temps de faire des choses que je n’ai pas eu le temps de faire sur le coup !
T’es-tu posé la question du male gaze et du female gaze ?
Oui, moi, je n’ai de toute façon jamais pu oublier que j’étais une femme ! On me l’a toujours rappelé, des managers aux ingé son en passant par les tourneurs, les journalistes, les radios… “Et vous, en tant que femme…” Comme si j’étais une femme avant d’être une artiste. On m’a toujours comparée à des femmes. Je n’ai jamais eu la chance de pouvoir oublier que j’étais une femme. Aux États-Unis, on n’est pas du tout égaux, c’est certain. Ça me rend encore plus battante que ce que je pensais. J’ai dû apprendre à élever la voix, à réclamer des choses banales qui, si j’étais un homme dans un studio, me seraient accordées très naturellement. C’est épuisant.
Un conseil sexuel qu’on t’a déjà donné ?
À 24 ans, ma grand-mère m’a dit : “Oh, darling, tu dois sortir avec le plus de mecs possible afin de trouver le véritable amour.” Je suis restée bouche bée. Ma grand-mère était très chrétienne… C’était dingue qu’elle dise ça.
La tenue la plus sexy ?
Au quotidien, je porte des sortes de salopettes qui se zippent sur le devant. Le seul truc de sexy que je possède, c’est la robe de The Vampire’s Wife [marque créée par Susie Cave, compagne de Nick Cave] que je porte sur scène. Avec elle, je me sens invisible. Je veux toujours me sentir invisible sur scène. Le vortex dans lequel je me trouve, lorsque je chante sur scène, n’a plus rien à voir avec nos corps, ni avec la robe de The Vampire’s Wife, ni avec le fait de porter de l’eye-liner, ou d’avoir un corps de femme, ou d’être faite de chair… Je cherche à rejoindre la musique et je veux emmener tout le monde dans ce voyage. Ça n’a plus rien à voir avec le fait d’être vue.
Il n’y a pas de séduction avec le public ?
Chérie, j’aimerais bien ! C’est beau comme idée. Nous sommes tous des êtres désirants, alors oui certainement. Je ne suis pas certaine d’avoir envie que les gens dans le public aient tous envie de faire l’amour avec moi cependant [rires]. Mais j’aime l’idée qu’une chanson puisse séduire. C’est élégant.
Comment décrirais-tu l’interaction sexuelle ?
C’est un endroit, comme sur scène, presque spirituel qui connecte différentes parties du cerveau qui, d’habitude, ne se rencontrent pas, je pense. Ça peut parfois sembler primitif, au sens où ça t’apporte la même sensation que lorsque tu as très soif et que tu bois de l’eau très fraîche. Ça peut aussi être un tendre prolongement du sentiment amoureux. La tendresse. C’est nourrissant.
Quelle partie du corps t’excite ?
Les mains.
As-tu déjà désiré être quelqu’un·e d’autre ?
Oui, la choriste de Michael Jackson.