Ce personnage de "Ginny & Georgia" dit beaucoup de l'image qu'on se fait de la maternité
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SÉRIES - Dans les séries télé, les mères parfaites ont aujourd’hui laissé place aux mères imparfaites déclinées de différentes façons: “cools”, “instables”, voire parfois “toxiques”. Que ce soit dans “Sex Education” avec une mère intrusive ou dans ”Good Girls” avec des mères dealeuses, les exemples de cet archétype ne manquent pas. Mais ils permettent cependant de remettre en question l’image qu’on se fait de la maternité.
La nouvelle série Netflix “Ginny & Georgia” créée par Sarah Lampert rejoint cette tendance. Elle présente un duo mère-fille avec Georgia Miller, une belle et jeune mère trentenaire célibataire et Ginny, une adolescente métisse introvertie en quête d’identité, qui déménagent dans une petite ville de Nouvelle-Angleterre, Wellsbury. La mère, maître dans l’art de l’escroquerie, cache de gros secrets tandis que sa fille, très intelligente, se retrouve dans des problèmes d’adolescente. Un duo où l’adolescente paraît plus mature que la mère, tout comme l’avait fait la série “Gilmore Girls”.
Découvrez ci-dessous la bande-annonce de la série.
Pour comprendre d’où vient cette représentation de la maternité dans “Ginny & Georgia” et dans les séries en général, nous avons posé la question à Jennifer Padjemi, journaliste culture et auteure du livre Féminismes et pop culture ainsi qu’à Anaïs Le Fèvre-Berthelot, maîtresse de conférences en études états-uniennes à l’université Rennes 2 et auteure du livre Speak Up, dans lequel elle s’intéresse à la représentation des femmes dans les séries télévisées produites aux États-Unis au début du 21e siècle.
“La mère ‘adolescente’ immature qui a une fille plus responsable est un stéréotype que l’on retrouve souvent dans les séries récentes”, décrit Anaïs Le Fèvre-Berthelot au HuffPost. “Celle qui a eu son enfant jeune grandit alors en même temps que son enfant et cela se joue dans la relation mère-fille. C’est un enjeu dans “Ginny & Georgia”, et également dans les séries “Gilmore Girls” ou ‘Jane The Virgin’”.
Si pour la maîtresse de conférences, une mère “immature” ne veut pas forcément dire “toxique”, Jennifer Padjemi craint pourtant que le personnage de Georgia Miller participe à renforcer cette idée reçue. “On pourrait penser que les actions de Georgia sont aux dépens de ses enfants. Et la proximité d’âge crée une dualité entre la mère et la fille, ajoutant une forme de rivalité, de concurrence. C’est aussi le cas dans la série ‘Little Fires Everywhere’ avec le personnage joué par Kerry Washington”, ajoute la journaliste et auteure.
Une figure maternelle qui évolue avec la société
L’apparition de ces personnages de “mauvaise mère” est plutôt récente. Jusque dans les années 80, la représentation de la maternité était sacralisée dans les séries télévisées. “La mère au foyer est une figure de stabilité, de bien être et de douceur au sein de la famille. À partir des années 80, cette image est remise en cause. Et c’est à ce moment que l’on voit des personnages de mauvaises mères apparaître, car il y a une modification de la structure de l’industrie”, détaille la maître de conférences. “Avec l’émergence des chaînes câblées et sa multiplication, les différents publics s’intéressaient aux séries provocantes et novatrices qui recherchaient moins le consensus”.
Cette image de mère “imparfaite” peut également s’expliquer selon elle avec l’évolution de la société: dans les années 80, il y a eu plus de divorces, donc la structure familiale a été modifiée. Et au début des années 2000, elle remarque davantage l’image de la mère monstrueuse à la télévision.
Un des exemples qui l’illustre parfaitement est la série, “Desperate Housewives” crée par Marc Cherry en 2004: c’est l’une des 1ères séries télévisées à le montrer avec une intrigue tournant autour de la figure de la “mère défaillante”, analyse Anaïs Le Fèvre-Berthelot qui a beaucoup étudié cette série.
Depuis, ces personnages n’ont jamais quitté nos séries télévisées. “On reste dans une industrie conservatrice qui est très dominée par des hommes. Mais qui reprend aussi des formules connues, approuvées et qui a tendance à faire beaucoup de reboots de séries de manières contemporaines qui fonctionnent”, nous fait comprendre Anaïs Le Fèvre-Berthelot. ″‘Ginny & Georgia’ est donc un cocktail entre ‘Gilmore Girls’, et aborde les questions sociales sur la sexualité, le féminisme qui intéressent aujourd’hui et qui projettent la société actuelle”.
Pluralité de la parentalité
Mais de spécifier qu’il est important de regarder les séries dans la longueur afin de comprendre les agissements des personnages, en l’occurrence de la figure maternelle. “Ce sont des mères défaillantes, mais elles évoluent au fil du temps. Ainsi, leurs actions et choix sont justifiés par l’amour maternel, pour défendre et protéger leurs enfants”, dit la maîtresse de conférences en études états-uniennes.
Un avis que partage Jennifer Padjemi, qui ajoute qu’il serait complexe d’enfermer Georgia dans la case des mauvaises mères parce qu’elle ne représente pas une maternité classique. D’après elle, les conséquences d’une telle représentation de la maternité seraient de ne “penser qu’il n’y a qu’un seul type de mères”.
Elle estime alors important que les séries proposent davantage de personnages de mères différentes, avec une pluralité de vécu et d’expérience. “Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises mères, il n’y a que des mères qui essayent selon leur expérience, leur conditionnement social, ce qui est le cas de Georgia dans la série”, précise la journaliste auteure. En effet, le public émet plus rapidement un jugement envers les mères “imparfaites”.
Il faudrait donc se poser plusieurs questions: “Qu’est-ce qu’être une bonne mère? Avoir un enfant à un certain âge? Avoir un bon travail? Et pourquoi voir une mère sexualisée à l’écran dérange autant?”. Selon la spécialiste, il faut à travers cela comprendre les injonctions de la société.
Ces dernières années, les séries (“Bad Moms”, “Working Moms”, etc) présentent toutes une maternité différente dans son ensemble, et c’est justement ce qui est intéressant. “Elles mettent désormais en avant la maternité comme un combat, et montrent des mères sous toutes les formes, qui sont prêtes à tout pour leurs enfants”, conclut Jennifer Padjemi. Alors même si le personnage de Georgia Miller est un brin caricatural, il participe à mieux représenter notre société.
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