Ce que disent les résultats des régionales comparés à la situation politique en Europe
Avec un taux d’abstention de pratiquement 66% aux élections régionales, les Françaises et les Français ont manifesté sans ambiguïté leur grande désillusion quant à la vie politique en France. Celle-ci est marquée depuis plusieurs années et...
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Avec un taux d’abstention de pratiquement 66% aux élections régionales, les Françaises et les Français ont manifesté sans ambiguïté leur grande désillusion quant à la vie politique en France. Celle-ci est marquée depuis plusieurs années et surtout depuis le quinquennat d’Emmanuel Macron par un désenchantement croissant, sans que l’on puisse en imputer la responsabilité -en tout cas exclusive- au président de la République.
Une succession de graves crises sociales et politiques
Ce quinquennat a été marqué par plusieurs soubresauts d’une grande gravité. Il a commencé par une explosion sociale avec les manifestations des gilets jaunes marquées par une violence inouïe et inacceptable, qui n’est pas sans rappeler celle des émeutes qui ont conduit à l’assaut du Capitole à Washington le 6 janvier 2021. Puis est venue la crise suscitée par la réforme des retraites incontestablement mal préparée et menée tambour battant, qui a vu les fractures sociales et générationnelles s’élargir de façon dangereuse, s’agissant d’une réforme qui devait créer un régime universel de retraites mais qui, en réalité, n’en était pas un.
Les députés, qui n’avaient pas eu l’occasion de discuter en profondeur ce projet de loi étaient convoqués, séance tenante un samedi matin, pour voter ce projet de loi en recourant à l’article 49-3 de la Constitution. Un régime qui n’écoute plus sa représentation nationale est voué un jour ou l’autre à s’effondrer, car il devient complètement sourd à ce qui se passe sur le terrain, les forces vives de la Nation, les Françaises et les Français.
Vinrent enfin la crise sanitaire et la cohorte de décisions prises dans l’improvisation et de façon autoritaire, sans réelle concertation ni avec les causementaires, ni avec le corps médical si ce n’est à travers un comité ad hoc, ni même surtout avec les élus locaux regardés comme quantité négligeable et des concurrents dangereux dans la prise de décision. Le mépris affiché des élus locaux a accru le malaise institutionnel majeur aboutissant à un abîme de méfiance entre l’État et les autorités décentralisées.
Un échiquier politique brouillé
Mais le président de la République n’est pas -loin de là- le seul responsable de la situation délétère que vit la Ve République. Si Emmanuel Macron a précipité l’implosion de l’échiquier politique français, il n’en est pas à l’origine. Après tout, il fait de la politique comme on en fait aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon: le corps électoral est regardé comme un marché où chacun fait ses courses. Les électeurs se tournent vers le parti qui, à un moment donné, répond à leurs attentes. Il s’agit du système du parti “attrape-tout” où le jeu consiste à attirer le vote des électeurs surtout dans les secteurs les plus rentables: le social, la sécurité, l’écologie, les jeunes, les seniors, les catégories sociales bien identifiées.
Si Emmanuel Macron a précipité l’implosion de l’échiquier politique français, il n’en est pas à l’origine. Il fait de la politique comme on en fait aux États-Unis: le corps électoral est regardé comme un marché où chacun fait ses courses.
La montée en puissance de la question migratoire associée à la question sécuritaire a permis la montée en puissance des extrêmes, en France comme en Europe. En essayant de “surfer” sur la vague nationaliste et populiste, la droite classique et modérée s’est elle-même enfermée dans un piège infernal avec plusieurs responsables banalisant à dessein l’extrême-droite pour au final laisser libre cours à leur tentation d’une alliance à tout le moins idéologique puis, dans un second temps, opérationnelle en vue des élections. Le résultat des élections régionales montre que cette tentation de certains dirigeants était et reste aventureuse: la réélection brillante de Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France montre qu’il existe une place essentielle pour la droite sociale -le gaullisme social- dans notre vie politique. La non moins brillante réélection de Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes montre aussi qu’il existe une droite libérale sur le plan économique et idéologiquement plus proche de l’extrême-droite sur les sujets de société.
Ces deux mouvances seront présentes lors de l’élection présidentielle de 2022. Mais il existe un point commun entre ces deux visions: seule une droite modérée -qui ne l’empêche pas d’être plurielle- peut constituer une possible alternance en 2022, sans se compromettre avec les idées dangereuses et nauséabondes de l’extrême-droite.
Rester soi-même face à l’extrême droite
Être soi-même: c’est ce que les partis de la droite démocrate-chrétienne ont réussi à préserver en Allemagne où, lors des élections régionales en Saxe-Anhalt, les représentants du parti d’Angela Merkel ont clairement indiqué que, en aucune circonstance, il n’existerait la moindre compromission avec l’AfD, le parti d’extrême-droite. Les électeurs ont validé cette stratégie en donnant au président sortant Reiner Haseloff 37% des voix, soit six points de plus que les dernières élections dans ce Land. En France, la même stratégie doit prévaloir. Les électeurs ne sont pas dupes: en votant pour les Républicains, ils envoient très clairement le message de leur refus d’une alliance avec le Rassemblement national. De fait, le vote en faveur de l’extrême-droite a également connu un tassement important.
La gauche est elle-même en crise, en France comme en Europe. Parce que le parti socialiste a oublié que sa raison d’être était avant tout de défendre les couches populaires, il a sombré inexorablement sur le plan national, malgré les belles performances des présidents sortants socialistes des régions, comme en Nouvelle-Aquitaine où Alain Rousset est présent depuis plusieurs décennies et est solidement implanté. La lutte des chefs, l’absence totale de lisibilité l’ont fait sombrer dans une spirale de l’échec sur le plan national. Elle s’est faite déborder sur sa gauche, notamment par le parti de la France insoumise dont les excès de son chef ont largement contribué à abîmer considérablement la démocratie française, provoquant à son tour une désillusion immense des électeurs pour notre vie politique nationale.
Ce phénomène est présent dans toute l’Europe: parce que la gauche social-démocrate a oublié pourquoi elle était là, elle s’est faite déborder sur sa gauche par le parti die Linke en Allemagne, qui lui dispute le vote des électeurs et qui passe régulièrement devant le parti social-démocrate ou fait jeu égal avec le SPD. On peut aussi citer l’écroulement du parti travailliste britannique qui, sous la houlette de Jeremy Corbyn (accusé en outre d’antisémitisme systémique), est devenu une secte radicale l’ayant conduit à sa déroute lors des élections législatives du mois de décembre 2020. Enfin, récemment, l’inconsistance et les manœuvres politiciennes de Stefan Löfven, 1er ministre suédois, ont abouti au vote d’une motion de censure contre son gouvernement, situation inédite dans ce pays pour laquelle la gauche radicale et l’extrême-droite se sont unies pour renverser le gouvernement.
Les peuples n’ont plus confiance en la social-démocratie qui, si elle veut se reconstruire, doit de nouveau apprendre à défendre les classes populaires au lieu de n’être qu’un champ d’ambitions personnelles dépourvues de tout projet politique collectif.
Le rôle central du vote écologiste pour 2022
L’écologie n’est pas le problème: tous les partis sont aujourd’hui obligés de l’intégrer dans leurs programmes et cette mouvance sera essentielle dans les scrutins à venir, scindée, comme on le constate tous les jours, entre une écologie radicale et une écologie modérée. Si l’écologie radicale l’emporte, il ne restera qu’à Emmanuel Macron ou à d’autres partis politiques à en récolter les fruits alors qu’à Berlin, lors des élections du 26 septembre prochain, les électeurs pourraient élire la 1ère chancelière verte de l’histoire en la personne d’Annalena Baerbock.
Car l’élection présidentielle n’est pas jouée et tout reste ouvert. Le danger des extrêmes n’est pas écarté, loin de là. Si la droite modérée sort largement gagnante, la République en Marche n’est pas pour autant hors-jeu.
Le grand désenchantement démocratique s’est ainsi traduit aux élections régionales par une abstention record qui manifeste incontestablement une crise de confiance dans nos institutions, au-delà des responsables politiques. Oui la Ve République est en crise. Un régime qui n’est plus capable de répondre aux aspirations de son peuple court à sa perte. Il est grand temps de réfléchir à notre avenir démocratique commun.
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