César 2023 : La nuit du 12 domine une cérémonie sans heurt ni surprise
Une vanne peu amène sur Corinne Masiero proférée en début de soirée par Jamel Debbouze l’a clairement laissé entendre : pas question cette année de laisser à nouveau s’immiscer dans la cérémonie la fureur vindicative et les happenings un peu...
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
REJOINDRE L'ÉQUIPE DE RÉDACTION
Tu penses avoir un don pour la rédaction ?
Contacte-nous dès maintenant pour rejoindre notre équipe de bénévoles.
Une vanne peu amène sur Corinne Masiero proférée en début de soirée par Jamel Debbouze l’a clairement laissé entendre : pas question cette année de laisser à nouveau s’immiscer dans la cérémonie la fureur vindicative et les happenings un peu punks de la si décriée soirée 2021. La brutale interruption de programme lors de la montée inopinée sur scène d’une militante écologiste a confirmé ce soucis d’endiguer tout débordement. En dépit d’un bataillon fourni de maitre.sses de cérémonie, le show fut donc lisse, sans accroc, ni très drôle ni vraiment émouvant, et pour tout dire vaguement ennuyeux.
Le palmarès lui-même a ménagé assez peu de surprise. Porté par un accueil critique et public unanime, La nuit du 12 a engrangé six récompenses : meilleur film, meilleure adaptation (coécrite avec Gilles Marchand), meilleur second rôle pour Boulil Lanners, meilleur espoir masculin pour Bastien Bouillon, meilleur son et un deuxième trophée pour Dominik Moll vingt-deux ans après son César de la meilleure réalisation pour Harry, un ami qui vous veut du bien – lequel a pris soin de citer le prénom, Maud, de la victime de l’affaire réelle ayant inspiré Le nuit du 12. Parmi les quelques prises de paroles fortes, on se souviendra de celle particulièrement investie de Caroline Benjo, coproductrice du film, rappelant la fréquence des féminicides en France et éclairant avec justesse le film des propos de Geneviève Fraisse sur la nécessité, après que soit survenue une libération de la parole, de libérer désormais l’écoute.
L’autre favori de la soirée, L’innocent de Louis Garrel, a logiquement un peu sous-performé. Il gagne néanmoins deux César significatifs et pertinents : celui du meilleur scénario original (pour Louis Garrel, Tanguy Viel et Naïla Guiguet) et du meilleur second rôle féminin pour Noémie Merlant, dont la performance dans le film est de fait irrésistible.
Le plébiscite de La nuit du 12 a néanmoins permis à d’autres films de tirer leur épingle du jeu. Pacifiction d’Albert Serra a reçu deux statuettes : celui de la meilleure photographie pour Artur Tort et du meilleur acteur pour Benoit Magimel (lequel, un an après son César équivalent pour De son vivant, accomplit un doublé successif qu’aucun acteur n’a réussi en France – et dont on ne trouve l’équivalent qu’aux Oscar avec Spencer Tracy, Katharine Hepburn ou Tom Hanks). A plein temps d’Eric Gravel a remporté également deux César (meilleur montage pour Mathilde Van de Moortel et meilleure musique pour Irène Dresel). Les amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi n’a quant à lui obtenu qu’un seul trophée, celui amplement mérité du meilleur espoir féminin pour Nadia Tereszkiewicz. Le palmarès a largement favorisé un cinéma indépendant à budget raisonnable au détriment de la grosse cavalerie du cinéma le mieux financé et le plus commercial. Sans pour autant le négliger tout à fait par le truchement des César techniques : meilleurs décors et costumes pour Simone d’Olivier Dahan, meilleurs effets visuels pour Notre Dame brûle de Jean-Jacques Annaud.
Après avoir été nommée cinq fois dans la catégorie en six ans, Virginie Efira a enfin obtenu le César de la meilleure actrice pour Revoir Paris d’Alice Winocour. Avec beaucoup d’allant, elle a tenu à élargir sa récompense aux Enfants des autres de Rebecca Zlotowski, sorti également l’an dernier et injustement écarté des nominations. Dans la foulée, elle a remercié toutes les réalisatrices qui ont jalonné sa carrière, Anne Fontaine, Catherine Corsini, Justine Triet – remerciée en majesté…, dans un souci affiché de compenser l’absence totale de femmes cinéastes dans la catégorie réalisation. Une vraie bévue, soulignée aussi par Alice Diop, remportant le César du meilleur 1er film pour Saint Omer et citant d’autre réalisatrices ayant marqué l’année (Rebecca Zlotowski et Alice Winocour donc, mais aussi Mia Hansen-Love, Claire Denis, Blandine Lenoir…), toutes tenues à l’écart des nominations.
Si le palmarès appelle assez peu à la contestation, c’est dans l’usuel salut aux disparus de l’année que la cérémonie a suscité une étrange gêne. Placé en début de soirée, l’hommage à Jean-Luc Godard s’est réduit à un montage, certes étoffé, d’extraits de film, mais n’a fait l’objet d’aucun commentaire ni intervention sur le plateau. Contrairement par exemple à celui, mieux senti, à Jean-Louis Trintignant, dont les extraits de films étaient accompagnés d’une prise de parole chaleureuse de Marina Foïs. Comme si l’académie des César était dans l’incapacité de porter un regard sur la place colossale de Godard dans l’histoire du cinéma, ni d’accompagner d’une quelconque parole sa disparition. Seul un contrechamp dans la salle sur un Jean-Pierre Léaud frémissant a apporté une touche d’affect à une séquence qui paraissait cruellement comme un passage obligé dont la soirée ne savait trop que faire. Définitivement, Godard laisse un manque.