Chaisetival : des manifestants se lèvent contre les festivals assis

Devant la station de métro Strasbourg-Saint-Denis, les passant·es abondent depuis les boulevards du 10e arrondissement en jetant des regards intrigués à cet attroupement de trentenaires. Ils·elles squattent un bout de trottoir ensoleillé avec...

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Devant la station de métro Strasbourg-Saint-Denis, les passant·es abondent depuis les boulevards du 10e arrondissement en jetant des regards intrigués à cet attroupement de trentenaires. Ils·elles squattent un bout de trottoir ensoleillé avec des chaises et des tabourets pliés. Cofondateur de La Wild, un collectif qui organise des DJ sets en live, Jérémie leur a donné rendez-vous ici ce samedi 6 mars à 14h tapantes pour le Chaisetival.

Présenté comme un “happening contestataire” sur Facebook, l’événement invite celles et ceux qui le souhaitent à ramener de quoi s’asseoir durant une dizaine de minutes pour dénoncer les restrictions annoncées par Roselyne Bachelot concernant les festivals. “On ne va pas pouvoir travailler, ni survivre !” proteste Jérémie avant d’ajouter : “On n’est vraiment pas pris en considération. Il ne s’agit pas seulement de faire la fête et de s’amuser. Il y a plein d’acteurs qui participent : les techniciens, les fournisseurs, les artistes. Ces mesures sont vides de sens et vraiment ridicules”.

Manif nulle part, culture partout

Coordonné par le SOCLE (Syndicat des Organisateurs Culturels Libres et Engagés), le Chaisetival compte une dizaine d’associations culturelles aux manettes de sa rigoureuse organisation. Pour prendre part à l’événement, les participant·es envoient un message sur Facebook à l’une de ces assos, qui se répartissent les volontaires et les réunissent par petits groupes dans différents coins de Paris. L’heure et la date de ces rendez-vous sont dévoilées le jour même. Puis, tout le monde se dirige vers un lieu convenu, révélé sur l’instant, pour lancer la performance. L’objectif d’une telle manœuvre ? Ne pas ameuter la police.

“On a déjà essayé de faire des manifestations, notamment le 16 janvier. On s’était réunis avec le SOCLE et plein d’autres collectifs à travers le mouvement Culture 4 Liberty. On avait des chars qu’on avait décorés et la police est intervenue avant même qu’on ait démarré. On nous a retiré notre droit fondamental de manifester” raconte Jérémie, dépité par cette manif avortée “pour empêcher la tenue d’une rave-party non déclarée” selon un tweet de la préfecture de police.

chaisetival6mars2021juliettepoulain.jpg Un manifestant lors du Chaisetival à Paris le samedi 6 mars. Crédits : Juliette Poulain

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“Culture sacrifiée !”​​​​​

“A 14h13, on bouge !” s’écrie soudain le co-organisateur, sourire aux lèvres. Direction le parvis du ministère de la Culture. Finalement, Jérémie et sa vingtaine de volontaires se posent au Jardin du Palais-Royal. En un clin d’œil, les autres groupes se joignent à eux pour opérer selon une mise en scène communiquée sur Facebook. Tout le monde arbore un masque avec une croix, déplie chaises et tabourets à deux mètres les uns des autres, s’assoit et attend en silence.

Les badauds s’arrêtent tour à tour, marmonnent tout en gardant leurs distances. Un gardien accourt et scrute la scène avant d’assurer d’une voix renfrognée à son talkie-walkie que tout va bien. Tout à coup, un cri retentit : “Culture sacrifiée !”. Tout·es les manifestant·es campé·es sur leur chaise s’affalent, mimant la mort. L’un d’entre eux fait même semblant de se pendre. Les photographes dégainent les appareils. Au moment où éclate un “Roselyne, t’es sérieuse ?”, ils·elles explosent d’un rire narquois qui se répand dans le public. Puis, un homme rugit : “La culture partout !”. Chaque participant·e se lève, remballe ses affaires et se disperse dans le Jardin du Palais-Royal sous des salves d’applaudissements.

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Le happening pour se faire entendre

“On n'a plus beaucoup de libertés pour manifester. Donc une action pacifiste c’était une bonne idée” constate Babette, une trentenaire avec sa chaise sous le bras, avant de s’exclamer : “Pitié, rendez-nous la culture !”. La foule a déguerpi sans laisse de traces tandis qu’une poignée de policiers s’est regroupée sans agir. “Les keufs nous ont dit de ne pas faire ça sur les colonnes de Buren, c’est une œuvre artistique. C’est dommage, ça aurait été plus joli de l’art sur de l’art” s’esclaffe l’un des derniers participants, une bière à la main. A côté de lui, un jeune homme enchaîne : “Il faut se battre, il faut que tout le monde s’unisse, les artistes, les labels et les médias aussi. Tout ce qu’on veut, c’est être libres”.

Devant les grilles du jardin, trois membres du collectif P2Z, ces “Parizinzins” qui planifient des fêtes, font le point sur ce premier Chaisetival qu’ils ont co-organisé. “Un happening c’est frappant et purement symbolique” lâche l’un d’entre eux avant de poursuivre : “C’est se réunir avec des images fortes et contrer les attentes des forces de police qui attendent qu’on manifeste avec de la sonorisation. On veut parler au plus grand nombre et ne pas être stigmatisé par la fête excessive”. Il ajoute : “C’est vraiment la culture et l’art qui ont leur importance ici”. Son voisin atteste : “L’idée c’est d’être irréprochable. Mais de pouvoir se faire entendre. Le Chaisetival est le premier événement d’une longue série !”

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