Chlordécone et désastres écologiques: reconnaître le crime d'écocide pour rendre justice

Trop nombreuses sont les victimes de crimes d’écocide qui attendent que justice soit rendue pour la destruction de leur écosystème et de leur cadre de vie. Il ne serait pas honnête de ne pointer du doigt que la forêt amazonienne en feu pour...

Chlordécone et désastres écologiques: reconnaître le crime d'écocide pour rendre justice

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Un agriculteur épand des pesticides sur un champ le 24 juin 2014 à Vimy près de Lens. L'interdiction en France de l'épandage de pesticides dans les zones situées à moins de 200 mètres des lieux publics ne concernait que les écoles, les crèches et les maisons de retraite, d'après une déclaration du ministre de l'Agriculture de l'époque. (Photo DENIS CHARLET/AFP via Getty Images)

Trop nombreuses sont les victimes de crimes d’écocide qui attendent que justice soit rendue pour la destruction de leur écosystème et de leur cadre de vie. Il ne serait pas honnête de ne pointer du doigt que la forêt amazonienne en feu pour faire diversion. Non, un écocide ce n’est pas que chez les autres, c’est aussi chez nous, en France et dans l’Union européenne! Les droits humains étant intimement liés à la préservation de la Nature, nous réclamons l’introduction du crime d’écocide, et non d’un simple délit dans le droit français afin de mettre un terme aux injustices sociales et écologiques qui portent atteinte à l’intégrité de nos territoires et de toutes les entités vivantes qui en dépendent.  

Toujours prompt à formuler de nouvelles injonctions éco-responsables aux citoyens, le gouvernement s’illustre par son incapacité à mettre un terme à l’impunité qui protège les agissements de gros pollueurs, responsables de dégradations substantielles compromettant nos engagements collectifs dans la course contre le changement climatique et l’extinction de la biodiversité.

Engagé.e.s dans un dialogue avec des membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, nous avons formulé une proposition ambitieuse, tendant à punir les responsables de crimes d’écocide définis comme tous dommages graves, durables ou étendus à l’environnement qui seraient de nature à mettre en danger l’équilibre du milieu naturel à long terme ou susceptible de nuire à l’état de conservation d’un écosystème.

Comment rendre justice aujourd’hui aux victimes humaines et non humaines de destructions massives de nos écosystèmes? Le Chlordécone est un pesticide extrêmement toxique qui a été utilisé massivement jusqu’en 1993 en Guadeloupe et en Martinique par les producteurs de bananes alors que ce produit avait été qualifié de “cancérigène possible” par l’Organisation Mondiale de la Santé dès 1979. C’est un exemple criant des obstacles juridiques existants. Dans ces territoires, 90% de la population est contaminée, les sols sont pollués pour une durée estimée entre 400 et 500 ans, les nappes phréatiques sont touchées, la pêche est interdite sur un tiers du territoire. Nous sommes face à une pollution globale altérant les écosystèmes mais aussi la santé humaine puisque des liens étroits sont désormais avérés entre cette pollution majeure et le développement significatif du nombre de cancers.

 

En Guadeloupe et en Martinique, 90% de la population est contaminée, les sols sont pollués pour une durée estimée entre 400 et 500 ans, les nappes phréatiques sont touchées, la pêche est interdite sur un tiers du territoire.

 

Pourtant, le simple délit “d’écocide” tel que prévu par le gouvernement dans le projet de loi “Climat” ne permettrait ni forte condamnation, ni réelle réparation pour les victimes humaines et non humaines dans une affaire telle que le scandale écologique et sanitaire du chlordécone. Alors même que les scientifiques avaient déjà alerté sur ses dangers, les autorisations administratives délivrées à l’époque pour l’utilisation de ce pesticide, rendent intouchables les responsables. L’État se cache quant à lui derrière la prescription des faits alors qu’il devrait assumer sa responsabilité pour cet empoisonnement massif et dont les effets se font toujours sentir.

Dans les faits, ce délit “d’écocide” est conditionné par la preuve de l’intention de l’auteur de commettre le dommage, et limité à des dommages écologiques d’une durée de plus de 10 ans. Dépendant du droit administratif et de surcroît restreint aux seuls cas de pollutions, la création d’un tel délit n’a que très peu de chances d’aboutir à des condamnations. Le champ d’application de cette nouvelle incrimination se réduit donc à peau de chagrin.

À l’inverse, si le crime d’écocide avait été reconnu en droit français, il aurait permis aux milliers de victimes de nos territoires d’Outre-mer d’obtenir réparation. Les auteurs pourraient être punis d’une peine allant jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle et 10.000.000 d’euros d’amende ou, dans le cas d’une entreprise, de 20% du montant du chiffre d’affaires. Algues vertes, déforestations massives en Amazonie française, pollution industrielle aux boues rouges… Ces sujets ne sont pas anecdotiques comme le laisse entendre les détracteurs et les membres de la majorité. La transition écologique et la protection de notre environnement sont liées au besoin de justice sociale de nos concitoyens, la reconnaissance du crime d’écocide en serait la parfaite illustration.

Après une 1ère tentative infructueuse portée par le sénateur socialiste Jérôme Durain, une nouvelle proposition de loi défendue par Christophe Bouillon au nom du groupe Socialistes et apparentés de l’Assemblée nationale visant à reconnaître le crime d’écocide avait été rejetée par la majorité en décembre 2019. Malgré cela, le crime d’écocide est revenu sur le devant de la scène l’été dernier avec la Convention Citoyenne pour le Climat, devenant une mesure phare des 149 propositions élaborées.

C’est pourquoi, alors qu’une nouvelle opportunité se présente dans le cadre des débats sur la loi “Climat et résilience”, nous demandons au gouvernement de prendre ses responsabilités pour reconnaître un véritable crime d’écocide en droit français. À défaut, le terme ”écocide” ne doit pas faire l’objet d’une instrumentalisation et d’une communication gouvernementale. Non, Il n’y a pas de “petits et de grands écocides” comme le prétend la ministre Barbara Pompili. En revanche, il y a des petits et des grands pas pour la justice environnementale et sociale. Nous continuerons donc à dénoncer le double discours du gouvernement, et l’impunité de ceux qui exploitent et détruisent la nature. Ensemble, nous proposons et défendrons l’inscription du crime d’écocide dans la loi Climat.  

 

Signataires société civile (10) :

Marine Calmet, présidente de l’association Wild Legal

Guy Kulitza, membre de la Convention citoyenne pour le climat

Valérie Cabanes, juriste en droit international, spécialiste du crime d’écocide

Marc Duvivier, président de l’association Valentransition mobilisée contre la destruction du fleuve Escaut

Yves Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre engagé contre les algues vertes en Bretagne

Le collectif Or de question engagé contre l’industrie minière en Guyane

Jean Ronan Le Pen, co-président de ZEA mobilisé contre la pollution des boues rouges de Gardanne

Le Collectif Vietnam-Dioxine luttant pour obtenir justice face aux fabriquant de l’Agent Orange

Malcom Ferdinand, chercheur CNRS auteur de « Une écologie décoloniale »

Naéma Rainette-Dubo pour le collectif Zéro Chlordécone Zéro Poison

 

Personnalités politiques (45) :

Gérard Leseul, député Socialistes et apparentés de la Seine-Maritime

Esther Benbassa, sénatrice Écologiste - Solidarité et Territoires de Paris

Joël Bigot, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain du Maine-et-Loire

Nicole Bonnefoy, sénatrice Socialiste, Écologiste et Républicain de la Charente

Christophe Bouillon, secrétaire national du PS à l’Écologie, au dérèglement climatique et à la biodiversité et auteur de la 1ère proposition de loi sur l’écocide débattue à l’assemblée Nationale

Hussein Bourgi, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain de l’Hérault

Jean-Louis Bricout, député Socialistes et apparentés de l’Aisne

Alexis Corbière, député La France Insoumise de la Seine-Saint-Denis

Alain David, député Socialistes et apparentés de la Gironde

Thomas Dossus, sénateur Écologiste - Solidarité et Territoires du Rhône

Jérôme Durain, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain de la Saône-et-Loire, auteur de la 1ère proposition de loi sur l’écocide débattue au Sénat

Olivier Faure, député Socialistes et apparentés de Seine-et-Marne, Premier secrétaire du Parti socialiste

Albane Gaillot, Députée non inscrite du Val-de-Marne

Guillaume Garot, député Socialistes et apparentés de la Mayenne

Guillaume Gontard Sénateur de l’Isère, Président du groupe Écologiste -Solidarité et Territoires

Olivier Jacquin, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain de Meurthe-et-Moselle

Chantal Jourdan, députée Socialistes et apparentés de l’Orne

Régis Juanico, député Socialistes et apparentés de la Loire

Patrick Kanner, sénateur du Nord, président du groupe Socialiste Écologiste et Républicain

Marietta Karamanli, députée Socialistes et apparentés de la Sarthe

Eric Kerrouche, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain des Landes

François-Michel Lambert, député Libertés et Territoires des Bouches du Rhône

Karine Lebon, députée Gauche démocrate et républicaine de la Réunion

Serge Letchimy, député Socialistes et apparentés de la Martinique

Josette Manin, députée Socialistes et apparentés de la Martinique

Monique de Marco, Sénatrice Écologiste - Solidarité et Territoires de la Gironde

Didier Marie, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain de la Seine-Maritime

Philippe Naillet, député Socialistes et apparentés de la Réunion

Danièle Obono, députée La France Insoumise de Paris

Mathilde Panot, députée La France Insoumise du Val-de-Marne

Christine Pirès-Beaune, députée Socialistes et apparentés du Puy-de-Dôme

Dominique Potier, député Socialistes et apparentés de Meurthe-et-Moselle

Angèle Préville, sénatrice Socialiste, Écologiste et Républicaine du Lot

Loïc Prud’homme, député La France Insoumise de Gironde

Claudia Rouaux, députée Socialistes et apparentés d’Ille-et-Vilaine

Laurence Rossignol, sénatrice Socialiste, Écologiste et Républicain de l’Oise, Vice-présidente du Sénat

Hervé Saulignac, député Socialistes et apparentés de l’Ardèche

Isabelle Santiago, députée Socialistes et apparentés du Val-de-Marne

Gabriel Serville, député Gauche démocrate et républicaine de la Guyane

Jennifer De Temmerman, députée Libertés et Territoires du Nord 

Jean-Marc Todeschini, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain de la Moselle

Jean-Claude Tissot, sénateur Socialiste, Écologiste et Républicain de la Loire

Sylvie Tolmont, députée Socialistes et apparentés de la Sarthe

Cécile Untermaier, députée Socialistes et apparentés de Saône-et-Loire

Boris Vallaud, député Socialistes et apparentés des Landes

Michèle Victory, députée Socialistes et apparentés de l’Ardèche

Hubert Wulfranc, député Gauche démocrate et républicaine de la Seine-Maritime

 

À voir également sur Le HuffPost: La Convention sur le climat veut un référendum sur l’écocide, qu’est-ce que c’est?