Cinéma : 5 points sur lesquels la crise sanitaire a eu du bon

Inutile de se faire de fausses idées sur les raisons du soudain regain d’intérêt qu’a connu le patrimoine ces derniers mois puisqu’il a tout simplement pris la place laissée vacante par la pénurie de nouveautés hebdomadaires. Sur les grandes...

Cinéma : 5 points sur lesquels la crise sanitaire a eu du bon

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Inutile de se faire de fausses idées sur les raisons du soudain regain d’intérêt qu’a connu le patrimoine ces derniers mois puisqu’il a tout simplement pris la place laissée vacante par la pénurie de nouveautés hebdomadaires.

Sur les grandes plateformes (Netflix en tête, qui a ajouté à son catalogue le cinéma d’auteur français des années 60 à aujourd’hui) en DVD et surtout dans la presse, les films (plus ou moins) anciens se sont retrouvés sous le feu des projecteurs, avec à la clé quelques petits succès surprise, comme la rétrospective Chantal Akerman (initialement prévue au festival d’Angers, puis transvasée sur le portail VOD de LaCinetek, qui a prolongé de plusieurs mois sa diffusion).

“On a eu des trucs formidables, des émissions entières du Masque et la Plume consacrées au patrimoine, une couverture des Cahiers, explique Vincent Paul-Boncour, directeur de la société de distribution et d’édition vidéo spécialisée Carlotta, qui a sorti ces derniers mois un coffret Morris Engel, ou encore la nouvelle version du Parrain, 3e partie. “Bien-sûr, on n’est pas dupes de la raison de cette exposition soudaine, et d’ailleurs, on anticipe le contrecoup puisqu’il va y avoir un surplus d’actualité ces prochaines semaines, qui va logiquement nous reléguer au second plan.” Mais il estime tout de même que la période laissera des traces : “j’ai eu le sentiment qu’il s’est passé quelque chose de plus fort qu’une simple sur-visibilité temporaire. On a vraiment redonné une place au patrimoine dans notre culture, on en a beaucoup parlé”. 

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L’essor des plateformes alternatives

Elles existent depuis plusieurs années à l’ombre des géants du streaming. Ce sont LaCinetek (dédiée au cinéma de patrimoine), Tënk (documentaire d’auteur), Brefcinema (court-métrage) et quelques autres, et même si leur marché reste trusté par on-sait-qui, elles ont tout de même leur part d’un certain gâteau – gâteau qui s’est, confinement oblige, considérablement agrandi puisque le secteur de la SVOD a grossi de moitié entre 2019 et 2020.

Créée en 2015, LaCinetek n’a depuis jamais cessé de croître, “mais sur cette dernière année on est passé d’un coefficient x2 à un coefficient x2,5. Donc il y a clairement une bascule”, explique son directeur Jean-Baptiste Viaud. Le site, qui avait déjà lancé sa version allemande en février 2019, s’est élargi à l’automne dans d’autres territoires francophones (Belgique et Luxembourg). Tënk, de son côté, vient de lancer un label documentaire (en partenariat avec la Cinémathèque du documentaire, France Culture, Mediapart et Les Ecrans) visant à accompagner douze documentaires par an. La plateforme Brefcinema s’est lancée fin mars 2020 dans une 1ère version, avant une seconde repensée, lancée en septembre.

Les plateformes VOD d’éditeurs DVD et distributeurs, comme le Vidéo Club Carlotta ou Shellac VOD, inaugurées pendant le 1er confinement, finissent de composer ce paysage plus diversifié que jamais, mieux exposé, et où les “petits” ne sont plus si petits.

Le calendrier concerté

On ne peut pas vraiment causer de bonne nouvelle, puisqu’elle est déjà enterrée – mais le simple fait que la proposition ait enfin été sur la table est déjà en soi historique et peut laisser espérer que le débat renaisse un jour prochain de ses cendres. C’est durant les longs mois de fermeture des salles, et par souci d’anticiper une réouverture promise à une concurrence sanguinaire entre les centaines de titres du “mur” de films (450 longs-métrages en attente de diffusion), qu’est née cette tentative de concertation entre distributeurs.

L’idée : mettre en place un calendrier régulé de sorties, négocié collectivement et supervisé par le CNC, afin de canaliser l’afflux et laisser un semblant de place aux petits. Mais alors que l’Autorité de la concurrence avait exceptionnellement, le 16 avril, donné son accord à une entente temporaire entre distributeurs, la réunion du 5 mai, rassemblant les grandes organisations du secteur à la demande du CNC, s’est soldée par un échec. Si les grands représentants du secteur indépendant (DiRE, le SDI) étaient bien présents et favorables au calendrier concerté, la principale organisation, la FNEF (pour Fédération Nationale des Editeurs de Films), était aux abonnés absents. Elle rassemble les grands groupes comme Pathé ou Gaumont, et les filiales françaises des studios américains, très réticents à la concertation puisqu’elle remet en cause leur indéboulonnable modèle de sortie, avec une date mondiale unique. “Faute d’accord, ce sera la loi de la jungle”, a déclaré le co-président de DiRE et directeur de la société de distribution Pyramide Eric Lagesse.

On sait à quoi s’en tenir, mais on retiendra tout de même que la profession, qui n’a pas attendu la pandémie pour avoir des soucis d’embouteillage, a “profité” de cette aggravation historique du problème pour faire un pas inédit vers sa résolution.

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L’entrée des plateformes dans le financement de la création française

C’est un changement historique, qui était déjà dans les tuyaux avant la pandémie mais dont la finalisation s’est faite dans un contexte qui le légitime plus que jamais (et peut encore en faire évoluer les détails) : en échange d’une réforme de la chronologie des médias qui leur permettra de diffuser les films environ un an (selon leur investissement) après leur sortie salles au lieu de trois ans précédemment, les plateformes vont prochainement devoir investir 20 à 25 % de leur chiffre d’affaires dans la création française.

Un apport très immédiatement salutaire, étant donné la chute des investissements dans la production en 2020, mais plus largement lourd de sens historique. “Philosophiquement, c’était crucial”, estime le producteur Thierry Lounas, directeur de la société Capricci, qui estime néanmoins qu’il faut désormais aller plus loin sur la réforme adjacente, celle de la chronologie : “il faut des fenêtres de diffusion glissantes, surtout avec l’embouteillage qui arrive. Comment peut-on expliquer qu’un film va rester deux semaines en salles puis ne plus être visible pendant des mois ? La crise sanitaire nous donne l’occasion d’être ambitieux : on est en train de réinventer une chronologie naturelle, qui remet le spectateur au centre. On peut redonner un souffle au système à la française, et en refaire un système d’avant-garde et non d’arrière-garde.”

Le débat est orageux, notamment du côté des salles qui redoutent légitimement que les géants du streaming captent des films porteurs, mais le cinéma français peut se réjouir de s’être trouvé un nouvel argentier majeur.

La diffusion gracieuse des films rares non commercialisés

Anciens, courts, inconnus, étrangers, bizarres… Ils dormaient sur les disques durs des cinéphiles les plus avertis, dans des bonus d’éditions DVD épuisés, ou quelque part dans les archives poussiéreuses des cinémathèques. Exceptionnellement programmés par ces dernières de temps à autre au sein de cycles ou d’intégrales, ils ne se partageaient sinon que sur des canaux enfouis et secrets, comme les sites de partage pirate members-only aux invitations très prisées (Karagarga étant le plus connu).

Le 1er confinement a démocratisé la diffusion de ces films, grâce à des groupes de partage privé comme la Loupe, qui a pu rester ouvert en bannissant tout partage de films existant en DVD ou disponibles sur des plateformes, et devenir un formidable canal de partage d’inédits, courts-métrages de jeunesse de grand·es réalisateur·rices, documentaires télévisuels disparus, etc.

S’ajoute également Henri, la plateforme gratuite de la Cinémathèque, qui exploite depuis un an les “incunables” de ses archives – cette semaine, un documentaire de 1957 sur les tatoués de Paris. C’est un monde parallèle de la cinéphilie, qui est sorti de l’ultra-clandestinité et lui donne un nouveau souffle.

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