Cinéma et jeu vidéo : 5 idées pour rénover un peu le genre
C’est une vérité bien connue, devenue une vieille rengaine voire une platitude creuse à force d’être répétée : le cinéma ferait mieux de ne pas trop se mêler de jeu vidéo tant les résultats sont souvent désastreux. Et même si le temps des nanars...
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C’est une vérité bien connue, devenue une vieille rengaine voire une platitude creuse à force d’être répétée : le cinéma ferait mieux de ne pas trop se mêler de jeu vidéo tant les résultats sont souvent désastreux. Et même si le temps des nanars attachants comme Mario Bros ou Mortal Kombat est loin derrière nous, il faut bien dire que la décennie 2010 n’a pas totalement contredit ce vieux proverbe.
Elle a néanmoins tout de même permis aux adaptations de passer de leur étagère Z à une catégorie de blockbuster un chouïa plus noble (Tomb Raider…), et également fait exploser une catégorie de films-jeux pop et méta hybridant mondes réel et virtuel, comme Ready Player One ou Free Guy, le nouveau Ryan Reynolds en salles depuis mercredi dernier.
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Mais si tout ce rayonnage de l’entertainment entre dans une nouvelle ère, avec quelques mastodontes attendus ces prochains mois (le film Uncharted, la série The Last of Us…), quelques petites rénovations pourraient lui faire du bien. Comme par exemple :
Laisser tranquille le stéréotype du gamer adoOn commence à se fatiguer de voir les films entretenir encore et toujours le stéréotype du gamer boutonneux, solitaire et grassouillet, éructant devant son écran entre deux interruptions intempestives de sa mère – Free Guy n’y déroge pas, complétant même l’attirail de son spécimen d’une “chaussette secrète” dédiée aux jouissances nocturnes. Le cliché a fait son temps : d’abord parce qu’il est largué (joueurs et joueuses sont depuis longtemps à des niveaux comparables, 53% contre 47% dans la dernière enquête annuelle du SELL, et leur âge moyen se situe autour de quarante ans), ensuite parce qu’il sert une vision moraliste et dégradante du jeu vidéo (on pense à la fin de Ready Player One avec Tye Sheridan fermant l’OASIS deux jours par semaine pour que les gens “passent plus de temps dans le monde réel”). Le paysage (vraiment) contemporain recèle d’autres archétypes à investir : des streamers alt-right à la PewDiePie, des prodiges de l’e-sport… il n’y a qu’à se pencher.
Lâcher l’esprit de sérieuxIl fut un temps où les adaptations de jeux vidéo étaient certes ratées, mais drôles. Aujourd’hui, quand elles sont ratées, elles le sont doublement puisqu’elles se prennent très au sérieux : exemple avec le cru 2021 de Mortal Kombat, qui peut certes se vanter d’une meilleure qualité de production que son homologue de 1995 (et d’une certaine créativité dans le supplément de barbarie propre à la franchise, incarné par ses fameuses fatalities), mais ni d’un scénario beaucoup plus épais, ni surtout du moindre second degré. De quoi regretter le temps de Christophe Lambert et Jean-Claude Van Damme (qui avait justement décliné le rôle de Raiden pour tourner Street Fighter… quelle époque), nanardeux et kitsch au possible mais tout de même plus sympathique que le tout-venant du blockbuster ténébro-sablonneux 2010’s.
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Oublier le mirage de l’adaptation oscarisableTous les grands jeux inspirés du cinéma ont immanquablement inspiré en retour des espoirs d’adaptation luxueuse, en considérant qu’un grand jeu d’aventure, de western, de zombie, d’horreur ou de science-fiction contiendrait forcément un grand film du même genre. Pourtant le constat est sans appel, de Prince of Persia à Assassin’s Creed en passant par Tomb Raider, Silent Hill, The Witcher et on ne causera même pas de Resident Evil : au mieux, ces adaptations ont été poliment oubliées ; au pire, elles sont entrées au panthéon du navet. Les espoirs demeurent bêtement intacts, à en voir l’attente encore suscitée par des projets serpents de mer comme Uncharted ou The Last of Us – quand bien même les innombrables défections (de réalisateur·rices, d’interprètes) et baisses de budget ayant émaillé leur longue production n’augurent pas forcément des triomphes. Le podium des adaptations de jeu vidéo les plus appréciées (par exemple sur Rotten Tomatoes, quoi que ça vaille) de ces dernières années n’est pourtant pas occupé par des films académiques tirés de jeux haute couture, mais par des objets moins nobles, impurs, hybrides, assumant la fantaisie et le ludique, comme Détective Pikachu ou Sonic. Et si le nerf de la guerre se situait plutôt là ?
Y aller mollo sur la pub embarquéeDes Mondes de Ralph à Free Guy en passant évidemment par Ready Player One (et quelques autres, comme l’accident industriel Pixels), on commence à bien connaître ce nouveau genre de films-mondes jouant sur des allers-retours permanents entre notre réalité et l’autre côté du joystick – immanquablement représenté comme une cité futuriste vitrifiée à voitures volantes, hologrammes publicitaires et structures urbaines modulables. Si la crédibilité de tels films passe forcément par l’identification ici et là de figures familières du jeu vidéo, et donc par l’obtention des contrats de licence nécessaires pour les faire apparaître, il est regrettable de constater à quel point ces contrats prennent parfois toute la place du récit. Des films dédiés avant tout à la chasse aux easter eggs et s’adressant à un public qui a tellement intériorisé la guerre du copyrighting que la surenchère par laquelle on le courtise désormais ne se joue plus sur la pyrotechnie (comme dans les vingt 1ères années d’existence du blockbuster), ou le photoréalisme des images de synthèse (les vingt suivantes), mais par le branding et les citations de marque – à voir Free Guy et ses “combos de citations”.
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Faire (enfin) se rencontrer cinéma indé et jeu indéUne chose nous frappe en écrivant cet article : on n’a pas eu l’occasion d’y citer le moindre cinéaste indépendant, ni le moindre jeu indépendant. La quasi intégralité du champ du cinéma et des séries inspirées du monde vidéoludique se limite aux grands studios et au blockbuster, qui ont longtemps été les seuls à pouvoir le financer. Pourtant parmi tout ce qui a révolutionné le jeu vidéo ces quinze dernières années, la créativité des indépendants tient une place incontournable, et peut-être même la 1ère. C’est peut-être au fond ce qu’on attend le plus : la rencontre d’une Kelly Reichardt et d’un Firewatch, d’un Robert Eggers et d’un Limbo, des frères Safdie et de Hotline Miami, encore que ces exemples et tous les autres qui pourraient nous venir en tête seront forcément trop évidents. Mais il est bien là tout le continent inexploré du mariage si étrangement difficile des deux 1ères industries culturelles du monde, et de la cour ambiguë qu’elles se livrent depuis bientôt quatre décennies en n’ayant toujours pas accouché d’un chef-d’œuvre. Quand ?