Clubhouse: ce que font les personnalités politiques sur le nouveau réseau social sélectif
Depuis la semaine dernière, les cercles de décision économiques se pâment à propos de Clubhouse, le réseau hype du moment. Lancé depuis quelques semaines en France en ciblant les leaders d’opinion et les influenceurs économiques, la plateforme...
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Depuis la semaine dernière, les cercles de décision économiques se pâment à propos de Clubhouse, le réseau hype du moment. Lancé depuis quelques semaines en France en ciblant les leaders d’opinion et les influenceurs économiques, la plateforme est en train de devenir un lieu de réseautage politique semi-public, et suscite déjà, au delà des traditionnels camps des “pour” et des “contre” beaucoup d’interrogations quant à ses usages potentiels. Dès lors, la question se pose: Clubhouse va-t-il devenir un lieu d’influence politique différent? Et surtout, deviendra-t-il un maillon de la réconciliation entre les politiques et l’opinion?
Les extrêmes y sont déjà, l’arrivée des autres partis ne saurait tarder
La première expérience politique remarquée fut celle de Franck Riester, Ministre chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, qui dès le départ en a accepté les règles et les codes, pratique le tutoiement, accepte d’être appelé par son prénom. Des pratiques en rupture avec la déférence habituelle envers le personnel politique. Cédric O, le Secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, a également pris la parole sur le réseau aux côtés de Chris O’Brien de Venture Beat pour expliquer le plan de cyberdéfense.
Clubhouse permet un accès direct des politiques à la sphère des entrepreneurs, des professionnels de la tech et du numérique. Les journalistes peuvent y trouver un nouvel espace pour recueillir l’information, détecter des tendances, dans une ambiance apparemment feutrée. Mais comme le veut l’adage, évitons de nous fier aux apparences et creusons un peu.
Les partis et mouvements politiques veulent élargir leurs bases électorales et sourcer des bonnes idées.
Clubhouse se distingue d’autres réseaux par une responsabilisation accrue de ses membres concernant leurs propos et leurs invités sur le réseau. La duplication de phénomènes de bannissement semble possible à ce stade sur Clubhouse: il est possible de signaler un troll. En cas de bannissement d’un membre du réseau, la personne qui l’a invitée est également bannie. Il est facile d’imaginer que des militants radicaux lancent des opérations pour des bannissements en série, à l’instar des mécanismes de signalement en masse qui se pratiquent sur Twitter par exemple.
Un lieu semi-public
Telles des AG militantes publiques, les rooms politiques sont visibles uniquement des membres, mais le nombre de journalistes inscrits (non connu à ce stade) en font de réels lieux publics. Dans l’esprit de transparence cher aux GAFAM, les “salles” de discussions sont accessibles aux membres du réseau qui le souhaitent. Le seul garde-fou reste la modération des “scènes” qui permet de sélectionner et de gérer les personnes qui peuvent parler. Cela engage même à pratiquer systématiquement une modération à quatre mains et de ne pas ouvrir la scène à de trop nombreuses personnes, pour préserver la clarté des échanges.
Dès lors que les conversations sont systématiquement enregistrées par Clubhouse à des fins de modération, le contrôle de la parole devra néanmoins s’exercer. L’exercice est risqué et cette fameuse authenticité dans les prises de parole publiques réclamée par une opinion lassée de la langue de bois ne pourra pas tout à fait trouver sa place sur cette plateforme en raison de ces restrictions, même si les apparences semblent prouver l’inverse. D’autant plus que rien n’interdit à un auditeur indélicat d’enregistrer les conversations avec un second mobile. On a déjà vu le cas de failles de sécurité qui ont permis de publier des conversations entières sur des sites internet. Les observatrices des médias que nous sommes s’attendent donc à voir rapidement des enregistrements fuiter, d’autant que certains observateurs retranscrivent certains échanges sur d’autres réseaux (Twitter et LinkedIn notamment).
Chercher des soutiens économiques
Certains analystes critiquent Clubhouse comme un lieu où les politiques viendraient draguer les milieux économiques et de la tech. C’est évidemment le cas, et c’est légitime, voire nécessaire pour des acteurs dont les temporalités diffèrent, mais qui doivent plus que jamais fonctionner dans un esprit de dialogue et de compréhension mutuels. Les partis et mouvements politiques veulent élargir leurs bases électorales et sourcer des bonnes idées. Les réseaux servent évidemment à cela! Dans cette dimension, Clubhouse permet d’accéder rapidement aux leaders d’opinion de la sphère économique, pour y récolter des idées et convaincre. Rappelons que l’engouement pour Clubhouse est d’ailleurs venu d’une intervention d’Elon Musk sur ce réseau. Toujours en parlant d’Elon Musk, il se dit que Vladimir Poutine pourrait répondre à son appel à échanger sur Clubhouse. On peut imaginer que demain, des entrepreneurs inviteront plus systématiquement des politiques à converser avec eux. Les initiatives commencent timidement en France.
Mobiliser les troupes
Clubhouse propose des rooms, mais également des clubs, sur adhésion. On peut très naturellement imaginer que des clubs dédiés à des partis ou des listes de campagnes voient le jour et servent à mobiliser des militants numériques pour mener des actions, signer des pétitions, délivrer des éléments de langage, des messages, ou tout simplement s’organiser pour une échéance électorale.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le nombre d’utilisateurs en France dépasse à peine les 45.000 personnes, et si quelques politiques se sont déjà emparé de l’outil, ils restent encore peu nombreux. Il faut nous donner le temps d’observer l’évolution des usages et de la plateforme avant toute affirmation prospective catégorique.
Les observatrices des médias que nous sommes s’attendent à voir rapidement des enregistrements fuiter.
La leçon de communication politique
Il ne faut évidemment pas être naïfs et se méprendre sur l’apparence détendue des échanges sur Clubhouse. “L’oralité numérique” décrite par certains analystes au sujet du développement des applications autour de la voix peut vite faire oublier la viralité des propos tenus sur Clubhouse. La proximité affichée entre les membres peut facilement se retourner contre eux politiquement. Clubhouse est un réseau comme un autre à traiter comme tel pour les politiques: avec une stratégie claire et un objectif qui lui est assigné, celui de la visibilité. Les propos tenus sont là pour être assumés et colportés au sens noble du terme. À ce stade de son développement en version bêta réservée aux détenteurs d’IPhone, il est difficile d’engager des certitudes. Pourtant, malgré des limites déjà visibles, cette nouvelle plateforme sociale dote les directeurs de campagne et les personnalités politiques d’un nouvel outil dans leurs dispositifs de communication. Le caractère émotionnel de la voix, l’ambiance “club” peuvent servir des objectifs de communication précis, à condition de définir un véritable cadre à cette voix politique dans un espace à la fois inédit et mouvant.
Références:
- “Le Kremlin se dit «intéressé» par une conversation entre Elon Musk et Vladimir Poutine”
- “Valorisé à près d’un milliard de dollars, le réseau social Clubhouse passe à la vitesse supérieure”
- Le réseau social Clubhouse fait une première victime en Allemagne
- Clubhouse : une faille met au jour de sérieux problèmes de sécurité
- Clubhouse : effet de club, oralité numérique... ce que dit le nouveau réseau de notre rapport au web
À voir également sur Le HuffPost: Enjoy Phoenix avait beaucoup de reproches à faire à Gabriel Attal pendant l’émission #sansfilttre