Comment changer la vie politique pour éviter l'effondrement démocratique

L’abstention du 1er tour des régionales de 2021 (67%) est un nouveau “tremblement de terre” pour la démocratie représentative: le 1er remonte à avril 2002, lors d’une élection présidentielle qui pour la 1ère fois avait enregistré une abstention...

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Les électeurs déposent leurs bulletins de vote à Saint-Rémy-Sur-Avre, dans le nord-ouest de la France, pour le 1er tour des élections régionales, le 20 juin 2021. (Photo by GUILLAUME SOUVANT/AFP via Getty Images)

L’abstention du 1er tour des régionales de 2021 (67%) est un nouveau “tremblement de terre” pour la démocratie représentative: le 1er remonte à avril 2002, lors d’une élection présidentielle qui pour la 1ère fois avait enregistré une abstention de 28% et surtout, vu le FN accéder au second tour. Depuis lors, apathie et populisme se répondent pour mettre en désordre les fondements de la légitimité démocratique, telle qu’établie depuis 1958.

Cette fois ci, lors des régionales, l’abstention a à nouveau pénalisé le RN -ce qui était moins le cas ces dernières années, lorsqu’elle se situait autour de 50% ou moins... Mais les deux phénomènes témoignent de la rupture politique diluant le sens de la représentation: le populisme, car il se défie de la délibération; l’abstention, car elle marque un éloignement ou une forme de contestation de l’ordre. Certains jeunes, les moins diplômés, sans préférence partisane, moins intégrés économiquement et socialement oscillent entre les deux comportements, signe de leur éloignement des repères structurants de la démocratie représentative. Ce phénomène est devenu structurel.

 

Depuis 2002, les enquêtés pensent majoritairement que la démocratie fonctionne mal, que les élus sont corrompus, qu’ils pensent surtout à leurs intérêts et non à l’intérêt général.

 

Ainsi vingt ans après, il est établi que le lien entre gouvernés et gouvernants est très abîmé: méfiance, parfois dégoût, ennui… sont les items systématiquement privilégiés pour qualifier la perception du personnel politique par les citoyens; en moyenne depuis 2002, les enquêtés pensent majoritairement que la démocratie fonctionne mal, que les élus sont corrompus, qu’ils pensent surtout à leurs intérêts et non à l’intérêt général, etc. La représentation que se font les citoyens des dirigeants est négative. A force de ne pas vouloir affronter cette réalité, les uns comme les autres finissent par ne plus communiquer dans l’espace public, le débat cédant à l’échange de coups symboliques...

Ainsi, y compris lors des présidentielles, les campagnes électorales laissent un goût amer; l’intérêt faiblit, le message est incompris, la lassitude s’installe. Si toutes les techniques finalement peu efficaces du marketing politicien font semblant de recueillir les attentes, la demande est peu satisfaite et la crise du résultat public et politique forge du discrédit et de la colère. Si bien qu’en 2017, les organisations structurant l’offre idéologique et élitaire, soit les partis politiques de gouvernement, s’effondrent. Le brouillard est depuis installé, car l’alternative aux vieux clivages n’émerge pas.

 

Y compris lors des présidentielles, les campagnes électorales laissent un goût amer; l’intérêt faiblit, le message est incompris, la lassitude s’installe.

 

Le “ni droite, ni gauche”, le “et droite et gauche”, le “et en même temps” et la dénonciation de “l’ancien monde” créent plus de troubles qu’ils n’aident à forger des repères cristallisant les mobilisations. LREM est un mouvement-ectoplasme et hors sol; le RN est désormais un vieux parti, qui déguise une banalisation trompant (peu) le monde. L’affaiblissement des partis laisse un paysage multipolaire, où chacun essaie de récupérer une niche électorale; comme les écologistes se disputant avec les socialistes, et souvent dans la désunion, les CSP+ et surdiplômés de gauche… Le vieillissement de l’électorat républicain, qui lui permet de maintenir ses places fortes locales est plus inquiétant que réjouissant pour son avenir... Alors que dans les périodes de transition, l’offre devrait créer la demande, son inconsistance y échoue!

La stratégie hyper-présidentialiste de Emmanuel Macron -plus que celle de Nicolas Sarkozy s’appuyant sur un parti et des élus locaux-, fondée sur la seule élection présidentielle, pousse à son paroxysme l’hypertrophie du centre technocratique et politique au détriment des équilibres causementaires, territoriaux et sociaux. Dernier épisode: en voulant enjamber les élections locales de 2021, le pouvoir présidentiel détourne de l’enjeu de la proximité une partie de son électorat, mais aussi les médias nationaux et une partie des Français, désormais uniquement rivés sur la future échéance présidentielle. Cette ”élection mère” a fini par déséquilibrer du fait d’un jeu devenu obsessionnel, les partis bipolarisés et le régime semi-présidentiel qu’elle avait instaurés. De là à identifier un Œdipe…

 

Il s’agirait d’inventer les moyens de fabriquer à nouveau une socialisation politique en clarifiant les clivages et en reconstruisant des partis -terme qui n’est pas un gros mot.

 

D’un tel halo de défiance et de désordre, se dégagent quelques lignes de fuite: les citoyens restent attachés aux valeurs démocratiques et à la proximité. Ils font davantage confiance aux élus locaux et ont une bonne opinion de leur action. Si cette impression positive reste fragile, il est possible de rééquilibrer les pouvoirs en promouvant une diversité institutionnelle et politique qui pourrait davantage mobiliser: elle serait une garantie de plus de pluralisme et peut-être de participation. Il s’agirait de refaire de la décentralisation un moyen d’équilibrer la concentration présidentialiste des pouvoirs; il s’agirait de redonner du souffle à la démocratie sociale. Il s’agirait d’inventer les moyens de fabriquer à nouveau une socialisation politique en clarifiant les clivages et en reconstruisant des partis -terme qui n’est pas un gros mot. Enfin, il s’agirait de mettre en place des arènes numériques et physiques ouvertes de participation continue à l’apprentissage démocratique. L’idée en somme, que l’on peut régénérer la participation par les territoires et la société civile pour retrouver le sens de la représentation.

 

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